Egypte : attaque islamiste au lendemain du triomphe d'Aïda Des intégristes exécutent froidement neuf policiers et deux civils

DES INTÉGRISTES EXÉCUTENT FROIDEMENT NEUF POLICIERS ET DEUX CIVILS


L’attaque islamiste sanglante menée hier contre des policiers a terni l’image sécurisante pour le tourisme que le gouvernement égyptien a voulu donner en ouvrant la veille avec faste à Louxor devant un public en majorité étranger une série de représentations d’Aïda de Verdi.

L’attentat perpétré par des intégristes armés en Haute-Egypte est le plus sanglant à avoir visé les forces de sécurité depuis le début de la violence islamiste en Egypte en mars 1992.
«La date de cette audacieuse opération a été délibérément choisie pour survenir juste après» la première de l’opéra Aïda, a estimé une source proche des services de sécurité égyptiens, qui a requis l’anonymat.
«Le but de l’opération, a-t-on ajouté de même source, était de contrer le succès de la représentation» dont les dirigeants égyptiens entendaient faire un événement phare pour le tourisme visant à montrer au monde que la page du terrorisme islamiste était tournée.
Deux commandos d’intégristes ont exécuté froidement hier neuf policiers et deux civils dans la région de Miniya, à 450 km au nord de Louxor.
M. Dia Rachwan, un spécialiste des mouvements islamiques au Centre de recherches d’Al-Ahram du Caire, partage cette analyse.
«L’audacieuse attaque au lendemain de la présentation d’Aïda va avoir un effet négatif sur le tourisme, le prestige de l’Etat et ses efforts pour arrêter la violence», a déclaré M. Rachwan.
«Le message que l’Egypte voulait donner à l’extérieur avec Aïda est que le pays est sûr. L’attaque a été menée pour ruiner les efforts du gouvernement», a-t-il estimé.
L’Egypte a dépensé plusieurs millions de livres et lancé depuis un an une campagne internationale de promotion pour garantir le succès d’Aïda, opéra joué la première fois au Caire en 1871 pour marquer l’inauguration du Canal de Suez.

Une opération minutieuse

Le théâtre de 5.000 places érigé en plein air sur le fabuleux site du temple funéraire de la reine Hatchepsout affichait complet dimanche et les représentations doivent se poursuivre jusqu’à vendredi.
Le président égyptien Hosni Moubarak, les premières dames du Liban, du Niger, de Pologne ainsi que des sénateurs américains, des membres de l’aristocratie européenne et l’acteur britannique Sean Connery ont assisté à la première, protégés par un strict mais discret dispositif de sécurité.
Pour M. Rachwan, les islamistes ont certainement tiré avantage du vide sécuritaire dans la région de Miniya, plus au Nord, pour mener leur attaque.
«Ils ont sans nul doute mis au point leur opération minutieusement car ils avaient prévu que le gros des services de sécurité serait transféré vers Louxor», a-t-il estimé.
Mais pour ce chercheur, ce qui est surprenant, c’est l’exécution «à l’algérienne» de l’attaque des islamistes. Selon des sources policières, les assaillants, dont plusieurs portaient des uniformes de police, ont lié les mains et les pieds de leurs victimes et les ont froidement abattus. Selon des témoins, ils les ont tellement mitraillées que leur visage était méconnaissable.
«Ceux qui ont commis ce crime ont pris le temps d’arrêter des voitures, de lier les mains et les pieds de leurs victimes avant de les tuer», a-t-il souligné.
M. Rachwan s’est également dit inquiet de voir cette attaque saper définitivement l’appel à l’arrêt de la violence, lancé en juillet par les fondateurs aujourd’hui emprisonnés de la Jamaa islamiya, la principale organisation intégriste armée égyptienne.
«Les dirigeants de la Jamaa à l’étranger ont fait la sourde oreille face à cet appel d’arrêter la violence, et ce sont ces chefs qui sont en contact avec les militants actifs à Miniya», a déclaré Me Montasser el-Zayyat, avocat des islamistes.
La violence islamiste a fait 1.255 victimes depuis mars 1992. (AFP, Reuter)