Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Une troisième rencontre à Baabda, entre les deux hommes, n'a rien donné Le conflit Hariri-Berry reste entier Le chef du gouvernement souhaite un changement de cabinet,alors que le président de l'assemblée s'y oppose (photos)

LE CHEF DU GOUVERNEMENT SOUHAITE UN CHANGEMENT DE CABINET, ALORS QUE LE PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE S’Y OPPOSE


Troisième rencontre, troisième échec. Confronté à une crise politique majeure, dont l’ampleur transparaît un peu plus chaque jour, le chef de l’Etat, qui y joue le rôle de l’arbitre impartial, n’a toujours pas réussi à trouver la clé d’un «règlement honorable» entre le président de l’Assemblée nationale, M. Nabih Berry, et le chef du gouvernement, M. Rafic Hariri. L’idée d’un sommet élargi libano-syrien, destiné à traiter la crise, est dans l’air, mais semble déplaire au chef du Législatif. Ce dernier a convoqué la Chambre à se réunir, demain, et la réunion pourrait être marquée par des critiques parlementaires virulentes adressées au chef du gouvernement et à sa politique (VOIR AUSSI PAGE 2).

Les divergences entre MM. Berry et Hariri ont éclaté à l’occasion du projet de budget pour 1998, qui prévoit notamment l’imposition de lourdes taxes, auxquelles le chef du Législatif est catégoriquement opposé. Elles ont été exacerbées par des propos tenus par le chef du gouvernement, dans lesquels il avait dit, plutôt crûment, que «tout a un prix» dans la conjoncture actuelle, aussi bien la cohabitation, dans la même classe politique, avec des personnalités issues des milices, que la Résistance, ou les «relations privilégiées» avec la Syrie.
Ces propos avaient été mal perçus par le président de l’Assemblée, lui-même chef de la milice Amal, avant la transformation de cette dernière en parti. Mais la question des taxes et les propos de M. Hariri ne suffisent pas à expliquer, à eux seuls, la crise actuelle. En fait, ils n’ont été que le détonateur d’un conflit plus profond entre les deux hommes, et qui porte sur le style de gouvernement et la conduite des affaires publiques de M. Hariri. En filigrane, on y voit aussi se profiler les élections présidentielles de novembre 1999, et une bataille entre deux courants politiques rivaux.
Réunis par le chef de l’Etat entre midi quinze et 14 heures au palais présidentiel de Baabda, les deux hommes en sont ressortis aussi moroses qu’ils y sont entrés. Arrivés à cinq minutes d’intervalle, autour de midi, ils en sont repartis à 20 minutes d’intervalle, M. Berry prenant les devants à 14 heures. En quittant, M. Berry s’est contenté de déclarer que «les discussions devront se poursuivre». Selon ses milieux, il aurait confié, le matin, à ses proches que si la réunion se termine sans aucune déclaration commune, c’est qu’elle aurait échoué.
Le chef de l’Etat n’a pas fixé de date à une quatrième réunion entre les deux hommes. Dans les milieux politiques, on estime probable qu’il consultera la direction syrienne avant de le faire, peut-être même en se rendant personnellement à Damas. Des navettes de MM. Mohsen Dalloul et Michel Murr respectivement ministres de la Défense et de l’Intérieur, dans ce cadre, ne sont pas à exclure.
L’un des points de divergences concrets opposant MM. Hariri et Berry est le Cabinet lui-même. Depuis que le Conseil des ministres a voté (par 13 voix contre 11), contre le programme d’emprunt de 800 millions de dollars du chef du gouvernement, qui était assorti d’une surtaxe de 5.000 L.L. sur l’essence, M. Hariri estime qu’il ne peut plus gouverner librement, et souhaite remanier son gouvernement en conséquence. Il veut, en outre, associer la direction syrienne à tout consensus qui se ferait à cet égard et plaide en faveur d’un sommet élargi libano-syrien.
Bien entendu, M. Berry ne veut pas entendre parler ni de changement ministériel, ni de remaniement, encore moins d’un sommet élargi libano-syrien où seraient examinées des questions de détail comme l’opportunité d’une surtaxe sur l’essence, ou d’un relèvement de la taxe mécanique.
Ce que M. Berry cherche à éviter, c’est un replâtrage sous les auspices de Damas, qui ne ferait que reporter la crise, ou l’occulter, au nom de la délicate conjoncture régionale, sans vraiment la résoudre. Le chef du Législatif estime que seul un bouleversement radical de la direction des affaires publiques est susceptible de constituer la réponse à la crise actuelle. Celle-ci, souligne-t-il, a éclaté dans toutes les directions et a conduit à la remise en cause de la politique d’endettement, de la politique fiscale (reposant à 90% sur les taxes indirectes), des prévisions économiques approximatives de M. Hariri, de sa manière de court-circuiter le rôle et l’opinion des ministres, des administrations parallèles qu’il a mises en place, du pillage des ressources publiques, rendu possible par un clientélisme et un affairisme sans précédents.
Selon des sources fiables, M. Berry ne se serait pas privé de jeter ces vérités à la face de M. Hariri, dimanche au cours de la deuxième rencontre à laquelle l’avait convié le président Hraoui. Cette réunion avait suivi les propos incendiaires tenus «off the record» par le chef du gouvernement, mais filtrées à la presse. M. Berry aurait rejeté sur le chef du gouvernement l’accusation d’«hégémonie» qu’il avait lancée sur les anciennes milices incrustées dans l’appareil d’Etat. Accusations auxquelles M. Hariri aurait répondu avec tout autant de véhémence, citant, exemples à l’appui, des secteurs de l’administration sur lesquels certains mouvements politiques ou certaines confessions exercent un quasi-monopole. Le chef du gouvernement avait également dénoncé les «combines et difficultés» créées par les politiciens, accusant M. Berry d’avoir manipulé contre lui des fonctionnaires à la Cour des comptes.
MM. Hariri et Berry auraient également échangé des propos plutôt vifs au sujet de la discipline au sein du Conseil des ministres, le premier accusant les ministres de voter «pour» un projet et de se déclarer contre ce même projet en public, et le second accusant le chef du gouvernement de vouloir des marionnettes muettes plutôt que des ministres. L’échange verbal ne s’était calmé que sur intervention du chef de l’Etat, assurent les sources citées.
Pour assainir une administration vermoulue, qui laisse «fuir» l’argent comme une passoire, M. Berry souhaite que l’on s’attelle sérieusement à une réforme administrative, et planifie de placer la Cour des comptes sous la tutelle du Parlement, rappelle-t-on.
Accusé de coopérer à la résurrection de la troïka, qu’il avait enterrée au printemps dernier, M. Berry s’en défend en affirmant qu’il ne profitera pas de sa position pour imposer une quelconque nomination administrative. On sait que le Conseil des ministres hésite, depuis des mois, à nommer un président de l’Inspection centrale, un président de la Caisse des déplacés, et un membre du conseil général de discipline. Ce grippage du processus de nominations illustre à lui seul la sénescence dans laquelle verse la vie publique au Liban, livrée aux caprices et aux hantises des responsables. Au passage, vœu pieux s’il en est, M. Berry refuse que la troïka qu’il forme, avec MM. Hraoui et Hariri, court-circuite la vie des institutions.
Mais au-delà des arguments développés par les uns et les autres, ce que la crise actuelle reflète, c’est une grave crise de confiance dont l’ampleur reste à déterminer, dans la gestion des affaires publiques. C’est aussi, d’une certaine façon, une crise du système politique tout entier, dans lequel le gouvernement est un mini-Parlement, et où une troïka anticonstitutionnelle essaie vainement de se substituer à une démocratie bloquée.
Fady NOUN

F.N.
LE CHEF DU GOUVERNEMENT SOUHAITE UN CHANGEMENT DE CABINET, ALORS QUE LE PRÉSIDENT DE L’ASSEMBLÉE S’Y OPPOSETroisième rencontre, troisième échec. Confronté à une crise politique majeure, dont l’ampleur transparaît un peu plus chaque jour, le chef de l’Etat, qui y joue le rôle de l’arbitre impartial, n’a toujours pas réussi à trouver la clé d’un «règlement...