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Actualités - CHRONOLOGIE

Vient de paraître "Langue française, terre d'accueil" d'André Brincourt Les mots en partage

«Si la francophonie est un royaume, n’en cherchons pas les frontières...» C’est sous cette pensée-exergue d’Alain Decaux qui a raconté l’histoire de France comme personne, qu’est placé le dernier ouvrage d’André Brincourt «Langue française, terre d’accueil» (Editions du Rocher - 247 pages).
S’est-on jamais interrogé sur le nombre d’écrivains qui, venus de tous les coins du monde, «habitent» la langue française? André Brincourt, romancier et essayiste, se penche sur cette question en posant un regard nouveau sur une francophonie qui se revigore dans l’encre et le sang mêlés. L’option d’écrire dans une langue qui n’est pas la sienne n’est pas toujours un choix libre, facile, délibéré. Elle peut découler des contingences d’une éducation, d’un milieu, d’un environnement, d’une situation...
Parler de «négritude» dans la langue de Racine n’est peut-être pas évident et pourtant c’est une réalité. Traiter avec passion des déchirements d’un Orient embrasé depuis plus d’un demi-siècle avec les raffinements d’une langue éthérée n’a rien d’oriental et pourtant, une fois de plus, l’esprit et la géographie des lieux sont bien là... C’est ce paradoxe, cette incompréhensible contradiction que tente de cerner André Brincourt dans cet ouvrage riche des expériences de divers écrivains — à succès — qui ont tenté l’aventure de l’écriture — toujours l’affaire d’une vie — à travers la langue française, souvent bien lointaine de leur terre d’origine. A l’ère des computers, on a décrété que c’est l’anglais qui annexe le terrain et devient une langue commune internationale où domine le sens du négoce. Malgré toutes les suppositions, cette francophonie qu’on prétend en peau de chagrin se porte, ma foi, comme un charme... La preuve, tous ces auteurs (généreusement d’ailleurs traduits en d’autres langues) qui écrivent dans la langue de l’Hexagone. Cet ouvrage documenté et écrit avec sensibilité, comme pour expliquer chaque cas de «littérateur» étranger tombé dans le chaudron de Boileau, est un peu plus qu’une interrogation sur le rapport des appartenances diverses à travers un même mode d’expression. Il apporte une lumière éclairante sur le parcours, selon l’origine, de ces auteurs qui ont décidé de s’exprimer dans une langue qui n’est pas initialement la leur... Richesse bien entendu d’une culture, d’une civilisation, de la beauté des images et des sonorités à travers des textes qui traduisent une âme et un esprit différents... Famille nombreuse et talentueuse où viennent se ranger des noms célèbres de Cioran à Biancotti en passant par Kundera, Maeterlink, Rougemont, Césaire, Senghor, Troyat, Green, Sarraute Le Clézio, Yacine, Ionesco, Simenon, Obaldia, Glissant, Kessel, Camus... la liste serait trop longue et peut-être jamais exhaustive... Groupant les écrivains (ou poètes) du vent du sable au Maghreb, des Antilles à l’Océan indien, du Québec à ceux qui ont permis de séjour sous la coupole, des pays voisins de la France aux métèques, André Brincourt garde la part belle pour «réinventer» l’Orient. Ecoutons-le aborder ce volet: «La littérature française a toujours rêvé de l’Orient. Nos écrivains ont moins cherché à le découvrir qu’à l’inventer. Il n’est pas sûr que les croisés aient fait autre chose, c’est le mystère du Levant. Un des plus fabuleux coups de soleil à l’horizon des songes promis. D’où un rapport très particulier, et comme une étrange complicité nourrie par le viol, l’amour, la «force des choses» et bientôt entretenue par les mots échangés, implantés, revenus en héritage — la couleur sous-jacente à l’écriture, tissée comme un tapis qui montre ses origines, sa noblesse en se retournant — tapis volant»... Là dans ce chapitre on retrouve des voix qui nous sont familières: Georges Schéhadé, Andrée Chédid, Salah Stétié, Nadia Tuéni, Vénus Khoury-Ghata, Amine Maalouf, Marie Seurat... André Brincourt ne dresse pas là une sorte d’apologie de la littérature française, encore moins une sorte de défense et illustration de la langue de Ronsard, mais il nous invite à revisiter la littérature française contemporaine à caractère mondialiste. Pour mieux découvrir la richesse des différences qui nous rapprochent à travers une appartenance qui s’avère une authentique patrie morale...

Edgar DAVIDIAN
«Si la francophonie est un royaume, n’en cherchons pas les frontières...» C’est sous cette pensée-exergue d’Alain Decaux qui a raconté l’histoire de France comme personne, qu’est placé le dernier ouvrage d’André Brincourt «Langue française, terre d’accueil» (Editions du Rocher - 247 pages).S’est-on jamais interrogé sur le nombre d’écrivains qui, venus de...