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Actualités - ANALYSE

Présidentielles : les spéculations battent déjà leur plein

Il n’y aura pas de deuxième prorogation et un nouveau chef de l’Etat sera élu l’an prochain: cette affirmation du président Rafic Hariri se trouve confirmée par nombre de ministres, de députés et de politiciens qui gravitent dans l’orbite de Damas. Faut-il pour autant y voir une certitude, un fait accompli d’avance, et n’y a-t-il pas là une simple manœuvre tactique, tout à fait classique, visant à brouiller autant les pistes que les cartes? C’est ce que pensent des personnalités loyalistes et néanmoins méfiantes qui développent en substance le raisonnement suivant:
— «Pourquoi, si ce n’est à des fins purement tactiques annoncerait-on que la prorogation n’aura pas lieu plus d’un an à l’avance... En bonne logique on laisse en effet toutes les options ouvertes, par commodité pratique, jusqu’à la dernière ligne droite et l’on n’y perd rien, bien au contraire. Si un mot d’ordre a été donné au sujet du non-renouvellement du mandat de M. Elias Hraoui, c’est probablement pour les raisons suivantes:
1- Eviter de rééditer la polémique de 1995 sur la prorogation car cela provoquerait une tension aggravant très certainement la crise socio-économique. De plus la perspective d’un nouveau mandat risque de braquer encore plus l’opinion contre l’ensemble d’un système qui génère de l’anarchie institutionnelle, de continuelles querelles entre dirigeants et une inévitable mauvaise gestion des affaires publiques. Sans compter la corruption, la concussion, les magouilles, la gabegie et le gaspillage qui ont atteint d’incroyables sommets ces deux dernières années de l’aveu même de nombreux responsables. On en est donc arrivé au point où le déficit budgétaire et l’endettement public frisent la catastrophe. La présidence de la République n’a évidemment rien à y voir mais étant par définition un symbole, son image souffre forcément de cette décadence et il est difficile dans ces conditions de promouvoir auprès de l’opinion l’idée d’une prorogation qui serait synonyme de statu quo. De là à dire, comme les haririens, que l’annonce de la non-prorogation est susceptible de propager l’espoir dans les couches populaires, il y a un pas que le bon sens ne saurait franchir. Seul un redressement économique palpable peut redonner le moral aux Libanais, or on en est loin et on se trouve même sur une pente descendante...

Préparatifs

2- Un «carton d’invitation» est implicitement lancé aux candidats potentiels à la présidence de la République à travers l’annonce capitale de la non-prorogation. Le message s’adresse également aux «petits électeurs locaux» qui se voient offrir l’opportunité, pour se mettre d’accord sur un nom, auquel cas on tiendrait compte de leur avis. En même temps chacun de ces leaders tenterait dans une première phase de «faire marcher» son propre candidat auprès du grand électeur régional qui jouerait à sa guise de ces contradictions, l’objectif étant de limer ainsi l’influence électorale des Etats-Unis. Et de tenir encore mieux en main la carte libanaise.
3- Si d’aventure il devait y avoir un blocage au niveau de la règle traditionnelle qui veut que les décideurs choisissent le président libanais tout en respectant le droit de veto que se réservent les Américains, il pourrait alors être question — pour éviter des frictions entre puissances — d’une nouvelle prorogation du mandat de M. Elias Hraoui. Mais cela ne se ferait qu’en dernière minute et l’on aurait évité de plonger le pays dans une polémique préjudiciable à ses intérêts économiques et à la stabilité de la livre».
Tout est donc de savoir si comme en 88 puis en 89, Syriens et Américains vont pouvoir s’entendre sur un même choix pour la présidence de la République... libanaise.
A en croire un modéré qui a de bons contacts avec toutes les parties «Damas veut un président à l’image même du président Elias Hraoui qui a toute sa confiance. Il n’est pas question a priori de tester un inconnu ou un homme qui ne lui soit pas totalement acquis et qui pourrait perturber les bonnes relations entre les deux pays. En d’autres termes, les Syriens ne veulent pas rééditer l’expérience Elias Sarkis qui avait souvent à leur avis manqué de coopération. Avec le successeur de M. Hraoui, Damas voudra d’entrée de jeu réactiver les accords découlant du pacte de fraternité conclu en 91, pour asseoir encore plus solidement l’alliance organique entre les deux pays. Si l’on ne trouve pas l’oiseau rare alors on garderait M. Hraoui encore pour trois ans. Mais le plus probable reste qu’on ferait élire un nouveau président: beaucoup de candidats répondent aux critères souhaités et l’on aurait ainsi en place une garantie de continuité pour six ans au moins. La seule difficulté viendrait sans doute, le cas échéant, des Américains qui cette fois pourraient avoir la prétention de ne pas se contenter d’un droit de regard — et de veto — sur le candidat retenu mais de présenter leur propre sélection et de négocier sur cette base. L’attitude de Washington dépendra sans aucun doute de la situation qui prévaudra l’an prochain au niveau du dossier diplomatique régional et du besoin que les Américains éprouveront ou non d’exercer des pressions sur la Syrie via la carte libanaise. Toutes les éventualités sont, au stade actuel, envisageables et il n’est pas exclu, par exemple, qu’aux termes d’un compromis Damas choisisse un nouveau président pas trop rebutant pour Washington, mais pour une durée de trois ans et non plus de six ans».
En tout état de cause, il est évidemment trop tôt pour faire des pronostics sérieux ou pour prendre des paris...
E.K.

Il n’y aura pas de deuxième prorogation et un nouveau chef de l’Etat sera élu l’an prochain: cette affirmation du président Rafic Hariri se trouve confirmée par nombre de ministres, de députés et de politiciens qui gravitent dans l’orbite de Damas. Faut-il pour autant y voir une certitude, un fait accompli d’avance, et n’y a-t-il pas là une simple manœuvre tactique,...