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Actualités - ANALYSE

Réforme de la loi sur les loyers : les faux problèmes et les vraies questions

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Comme chaque fin d’année, la législation qui régit les rapports entre les locataires et les propriétaires doit être prorogée ou modifiée. Alors que le gouvernement et plus peut-être encore les députés hésitent à imposer certains changements pourtant nécessaires, c’est la CGTL qui se montre la plus virulente contre le nouveau projet de loi. Celui-ci tend pourtant, progressivement, à réguler un marché locatif complètement embryonnaire qui a à son bilan quelques milliers de logements vides non proposés à la location et des prix de loyers encore souvent hors d’atteinte pour le Libanais moyen. Seule une réforme du statut des baux anciens et une sécurisation des uns et des autres sur les nouveaux baux permettront une libéralisation des loyers et donc rapidement, une régulation du marché ayant pour première conséquence une baisse très sensible des loyers permettant aux couples et aux familles l’accès à un logement décent à proximité des lieux d’activités.
En Occident, seul l’indice du coût à la construction fait évoluer les prix des loyers, (généralement chaque trimestre). Au Liban il n’en est rien; d’une part, parce que le manque de statistiques fiables ne permet pas d’évaluer un coût réel de la construction et par ailleurs parce que la dévaluation de la monnaie nationale durant la guerre a dérégulé gravement les rapports entre les locataires et leurs propriétaires. Les événements eux-mêmes ayant bien sûr contribué à rendre chaotique la situation avec les déplacements de populations et les destructions, parfois de villages entiers. Le problème est d’autant plus délicat qu’il s’articule autour de deux pôles: le prix des loyers, mais aussi la récupération des locaux par les propriétaires.
Ayant hérité de ces données, le gouvernement actuel et avant lui, les gouvernements d’après-guerre ont dû faire face à cet ensemble de problèmes posés par l’habitat au Liban. Interrogé par «L’Orient-Le Jour», M. Khatchig Babikian, père des législations de 1992 sur les loyers, insiste «sur l’aspect social de la question: l’habitat au Liban est une affaire très sensible qui peut devenir rapidement dramatique pour certaines familles ou handicapante pour certains propriétaires. Un changement brutal des situations dans ce domaine pourrait à l’évidence provoquer une grave crise sociale. Il est donc primordial d’étudier à fond chaque changement de la législation en vigueur et d’aller lentement vers au moins un consensus sur l’aménagement des textes et surtout autour de l’application des lois».
Il faut rappeler que depuis 1992, date à laquelle M. Babikian, alors ministre de la Justice, avait fait voter deux lois (Nos 159 et 160), le statut des nouveaux baux d’habitations a bien évolué laissant place à l’établissement d’un marché locatif. A cette époque, malheureusement, trop peu d’appartements étaient mis à la location et les prix se sont envolés (environ 1500 à 2000$ par mois pour Beyrouth). Depuis, les propriétaires peuvent louer pour trois ans une maison sans crainte d’avoir un locataire transformé en véritable associé, pire parfois en créancier virulent. Aujourd’hui, avec la forte crise économique de ces derniers mois, les mêmes propriétaires ont eu du mal à louer leurs appartements, meublés ou non, et les prix semblent avoir subi une baisse d’environ 25%. Le projet pour la nouvelle loi propose, quant à lui, entre autres choses, une remise à niveau des anciens loyers de 20% sur quatre ans. Les locataires se verraient donc infliger une augmentation de loyer de 5% chaque année. Si malheureusement, les revenus, eux, n’augmentent pas dans l’ensemble, ce réajustement ne dépasse pas le taux moyen de l’inflation annuelle sur les prix à la consommation.
Autre nouveauté, chaque propriétaire peut donner l’option à son locataire et sans qu’aucune tierce partie n’intervienne de restituer l’appartement moyennant une soulte de 60% de la valeur fixée par le propriétaire. La deuxième option serait pour le locataire de garder le logement qu’il occupe moyennant le versement de 40% de la même valeur. Enfin, des aménagements des textes ont été opérés afin d’accélérer le traitement des litiges par les juridictions. Mais dans ce domaine, que penser de l’efficacité de cette réforme? Selon les spécialistes, c’est bien là que le bât blesse. Nombre de procédures mal adaptées pourraient, en effet, être réformées; ceci aiderait à simplifier les rapports conflictuels pas des exécutions plus rapides (de type arbitrage). En exemple, les situations de succession engendrent un véritable parcourt du combattant pour le propriétaire et les locataires avant de régulariser les droits des uns et des autres. Des aménagements de convenance pourraient, avec juste un peu de bonne volonté, pallier à nombre de conflits, dans l’attente d’une réforme plus en profondeur qui, elle, sera mise en place avec le temps.
Le domaine de l’habitat au Liban est en fait composé de deux volets: le premier, celui concernant la classe possédante, voire la classe moyenne (s’il en existe encore une!) et celui des classes déshéritées. Là, aucune loi ne protège le droit au logement. Le gouvernement n’est d’ailleurs pas tourné vers des options sociales qui pourraient tenir compte de la question. Par ailleurs, dans le passé, les expériences ont démontré la dégradation des projets de l’Etat par trop de corruption. Citons par exemple les quelque 450 logements mis à disposition à Tripoli par l’Etat et qui sont aujourd’hui le théâtre d’une exploitation sans nom des plus pauvres par quelques profiteurs. Dans ce contexte, seules les communautés religieuses ont pris le relais, avec la construction çà et là de quelques cités, en nombre insuffisant, mais qui permettent l’accès à la propriété sur 15 ou 30 ans pour des familles modestes.
Reste à savoir si un marché immobilier, une économie de la reconstruction peuvent se définir sans un plan d’habitat pour tous les citoyens? Aucun marché locatif ne peut être, en effet, envisagé au Liban sans une réforme en profondeur de la législation actuelle, accompagnée d’un plan proposé par l’Etat qui pourrait alors pour le coup s’endetter... à bon escient.
Gérard DE HAUTEVILLE
=Comme chaque fin d’année, la législation qui régit les rapports entre les locataires et les propriétaires doit être prorogée ou modifiée. Alors que le gouvernement et plus peut-être encore les députés hésitent à imposer certains changements pourtant nécessaires, c’est la CGTL qui se montre la plus virulente contre le nouveau projet de loi. Celui-ci tend pourtant,...