Opinion Pays novateurs

Sur terre, on distingue les pays sous-développés et les pays évolués. Dans cette classification simpliste, les pays novateurs sont oubliés. Pourtant, ils existent. Récents, étriqués, à la fois riches et pauvres, ils sont en réalité sous-développés; mais pour prouver qu’ils sont cependant évolués, ils innovent sans cesse.
En général, leurs innovations sont étonnantes. Elles se fondent sur une conception particulière de la démocratie, celle qui permet tout à tout le monde.
En ce qui concerne l’environnement et la circulation, les calculs que font ces pays ont pour seule motivation le profit et comme celui-ci est glorifié de nos jours, ils sont persuadés d’être à la pointe du progrès.
Aux pays sous-développés qui ont encore une nature intacte, les pays novateurs conseillent de l’exploiter sans tarder au lieu de la contempler béatement. Aux pays évolués qui protègent aujourd’hui les cimes, les vallées, les bords de mer et les forêts, ils disent: «Nous allons plus loin. La nature, nous la développons. C’est une richesse pour tous, elle appartient donc à chacun, au plus puissant comme au premier occupant. La rapacité de l’homme étant une évidence, ce qui chez d’autres est appelé accaparement, devient chez nous démocratisation des chances».
La mise en pratique de cette philosophie a eu pour conséquence une espèce de réveil, d’épanouissement de la nature, qui se caractérise par des collines hérissées d’immeubles, des bords de mer remblayés, des sites entaillés de carrières, des forêts zébrées de routes et des vallées engorgées de remblais.
Dans les pays novateurs la circulation, elle aussi, a beaucoup évolué.
Les autoroutes, en principe réservées aux voitures, n’ont pas résisté au progrès. Elles ont été converties en boulevards du négoce. Les échangeurs abritent maintenant des supermarchés, les bas-côtés sont transformés en parkings à l’usage des magasins installés en bordure de la voie et les panneaux publicitaires ont remplacé la signalisation routière. Le vendeur, l’acheteur, l’automobiliste, y trouvent leur compte.
On se demande parfois si cette logique de l’état sauvage que les pays novateurs appliquent ne deviendra pas un jour l’exemple à suivre pour les autres pays qui innovent aussi certes, mais ni au même rythme, ni avec la même audace.
A l’aube du XXIe siècle comme on dit, l’avenir appartient aux pays novateurs. Il vaut mieux le savoir, au lieu de subir les assauts du progrès sans rien comprendre.

G. SÉROF