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Actualités - ANALYSE

Crise socio-économique : les députés attendent le gouvernement au tournant

Une remarque désabusée qui court les couloirs, Place de l’Etoile: qu’attendre d’un gouvernement désuni? Comment des dirigeants qui sont en perpétuelle bisbille peuvent-ils traiter les sévères problèmes sociaux que connaît le pays et régler la crise économique qui le secoue? Faudra-t-il subir cette situation jusqu’à la fin du mandat de M. Elias Hraoui, en novembre 98?
Le patriarche Sfeir met en cause, quant à lui, les rouages du pouvoir, notant que la crise institutionnelle et fonctionnelle de l’Etat est provoquée par une incessante lutte d’intérêts entre responsables.
Pour sa part, un de ces députés qui pérorent volontiers mais n’en votent pas moins régulièrement la confiance au gouvernement en place, quel qu’il soit pourvu qu’il ait l’appui de ces décideurs, un de ces pourfendeurs de moulins à vent donc relève sentencieusement que «sans esprit de consensus, aucun vrai problème ne peut trouver dans ce pays de solution valable. Et il faut de plus que l’entente se fasse autour de propositions sensées et non pas d’idées saugrenues. Autrement dit, au lieu de laisser courir leur propre imagination, comme le fait M. Hariri avec son histoire des huit cents millions, les dirigeants doivent avoir la nécessaire modestie de s’en remettre aux experts. Seuls ces derniers peuvent cerner le mal avec précision et prescrire tel ou tel remède. Il est temps de comprendre que l’esprit politicien, naturellement conflictuel et batailleur, ne doit pas s’appliquer aux options purement techniques qu’il faut retenir en matière d’économie, de développement, d’infrastructure, de finances ou de social. Dossier par dossier, régions déshéritées et déplacés en tête — puisque c’est pour eux qu’on veut emprunter les huit cents millions — tout doit être confié à des spécialistes. Aucun amateurisme, aucune improvisation ne sont permis dans de tels domaines. Donc, conclut sur ce point le parlementaire cité, s’il est vrai qu’il faut rechercher le consensus politique, il doit être également entendu qu’il faut en priorité que les options proposées ne soient pas de vagues bidouillages mais bien des solutions solides, mises au point par des gens qualifiés».

Surveillance

Un autre député affirme — mais peut-on y croire vraiment? — que «la Chambre va se poser en censeur sévère du gouvernement durant la session dite du budget qui commence à la mi-octobre. Etant donné que l’Exécutif est déchiré, qu’il ne parvient pas à prendre les bonnes décisions, il est probable que nous devrons pallier sa carence en multipliant les propositions de loi dans le domaine socio-économique. Il nous faudra sans doute aussi définir nous-mêmes les projets de développement ruraux que le gouvernement a promis aux régions déshéritées sans en préciser la nature ou le champ d’application».
Ce même parlementaire condamne encore une fois «la mentalité de rapports de force qui règne au niveau de la caste dirigeante où chacun ne pense qu’à surclasser l’autre, sans se soucier de l’intérêt public qui nécessite un minimum de coopération et d’harmonie entre les pouvoirs. La troïka même a disparu: malgré ses évidents défauts, malgré le fait grave qu’elle gommait le rôle des institutions en tant que telles, elle offrait vaille que vaille une garantie de décisions prises en commun et donc applicables. C’était un pis-aller supportable, bien que souvent les mesures adoptées fussent plutôt boiteuses. Cet attelage s’est évaporé en ne laissant derrière lui que ses mauvais côtés, dont la réduction du Conseil des ministres et de l’Assemblée nationale à un rôle de figurants. Au sein de l’Exécutif c’est en effet M. Hariri qui décide, à cette nuance près que M. Hraoui arrive fréquemment à le contrer, à bloquer ses projets, et vice versa d’ailleurs comme on l’a réciproquement vu pour la question de l’emprunt d’un milliard de dollars et du rétablissement des expatriés dans la nationalité libanaise. Parallèlement chez nous ici à l’Assemblée, il n’est pas possible d’aller contre les vues de M. Berry qui fait la pluie et le beau temps...»
«Le degré de paralysie auquel on arrive est effarant», poursuit cette source. «Les luttes d’influence entre sommités et politiciens de premier plan ont bloqué le mouvement diplomatique qui devait avoir lieu récemment, après les mises annuelles à la retraite et plusieurs de nos missions à l’étranger tournent à vide. Le même nombre de postes de première catégorie dans l’administration générale sont vacants depuis longtemps, sans que les décideurs du cru ne parviennent à s’entendre pour régler cette question de chaises musicales. Il en va ainsi pour la direction générale des Douanes; la présidence de l’Inspection centrale; la direction générale de l’enseignement; d’un poste de membre principal au sein du Conseil de discipline générale; sans compter le commandement en chef de la gendarmerie et le commandement de la police de Beyrouth... Nous allons quand même, conclut ce député, travailler pour limiter les dégâts et pour redonner dans la mesure du possible à l’Etat son rôle de garant de l’intérêt public bien compris, notamment dans les affaires socio-économiques qui conditionnent la vie et le devenir de tous nos concitoyens...»
Autrement dit, les députés ont plutôt tendance aujourd’hui à estimer que le gouvernement actuel ne peut plus être décisionnaire et que d’ici la fin de sa mission, qui doit coïncider avec le départ de M. Elias Hraoui l’an prochain, il ne peut que se contenter d’expédier les affaires courantes, le vrai travail devant leur incomber à eux... Il est évidemment douteux que l’Exécutif partage ce point de vue. Et il est probable que le débat sur le prochain budget lui donnera l’occasion, comme chaque année, de montrer que c’est lui qui tient toujours les rênes. Même si c’est d’une main qui manque plutôt de fermeté...
E. K.
Une remarque désabusée qui court les couloirs, Place de l’Etoile: qu’attendre d’un gouvernement désuni? Comment des dirigeants qui sont en perpétuelle bisbille peuvent-ils traiter les sévères problèmes sociaux que connaît le pays et régler la crise économique qui le secoue? Faudra-t-il subir cette situation jusqu’à la fin du mandat de M. Elias Hraoui, en novembre...