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Actualités - ANALYSE

Restitution de nationalité : la controverse bat son plein

A son retour du Brésil, le président Elias Hraoui se trouvera confronté à la controverse suscitée par l’affaire de la restitution de la nationalité aux émigrés. On sait en effet qu’après coup, des ministres, s’élevant avec force contre le projet, ont affirmé qu’il a bien été lu mais non pas approuvé durant la séance du Conseil des ministres qui a précédé le départ du chef de l’Etat. En fait, le texte n’avait soulevé sur le moment que de vagues objections et on n’avait donc pas jugé nécessaire de procéder à un vote. Aujourd’hui, les ministres récalcitrants, tardivement réveillés, exigent qu’on en débatte de nouveau pour amender la proposition à la lumière de leurs observations avant sa transmission à la Chambre. Ils soutiennent qu’une question aussi importante doit être mûrement étudiée avant que d’être tranchée par un vote à la majorité des deux tiers.
Remarque pertinente, à cette nuance près que pour leur part, ces pôles mahométans n’avaient guère sursauté en 1994 quand avait éclaté la bombe des naturalisations massives, avec la promulgation du fameux décret dit «des 150.000», sur lequel personne n’avait été consulté et qui, pour eux, avait constitué une bien heureuse surprise...


Impasse

Bien entendu, la partie chrétienne du pouvoir, pour taëfiste qu’elle soit, est d’un tout autre avis. Les ministres qui la représentent répètent que durant la séance du Conseil des ministres en question, il y a bien eu débat, ajoutant que comme seuls trois ministres avaient exprimé des réserves, on peut considérer que la majorité silencieuse approuvait le projet, vu que qui ne dit mot consent... Ils soutiennent ensuite qu’on doit maintenant suivre la procédure de routine et si des ministres ou des députés ont des remarques, ils peuvent toujours les développer lors du débat qui doit suivre à la Chambre.
Mais il est évident qu’au-delà des questions de forme, sur lesquelles il est vain de pinailler, le projet n’est viable que s’il fait l’objet d’un consensus au sein de l’Exécutif. Sinon ceux qui y sont opposés le font facilement passer à la trappe, les moyens disponibles étant innombrables, depuis le refus de contre- signature pour transmission à la Chambre jusqu’au long dodo dans les tiroirs de cette vénérable institution... De plus, dans le sempiternel jeu de rapports de force entre les pouvoirs, il est mauvais pour le Cabinet de paraître divisé devant l’Assemblée sur une question aussi importante.
Il reste à savoir s’il vaut la peine de s’accrocher à un projet qui risque d’être vidé de son contenu par les retouches que le camp des réfractaires compte y apporter.
Un camp qui a réussi sans conteste à empoisonner, par la trivialité et la brutalité de ses interventions, le cadeau que le président Hraoui voulait porter aux émigrés. Ces derniers, auxquels le message est certainement parvenu, ont ainsi l’impression que dans le pays d’origine, la partie qui détient depuis Taëf le plus de pouvoir leur est franchement hostile. Ce n’est pas cela qui va les encourager à revenir investir. Sans compter que ces originaires, qui ont gardé pour la plupart des liens très forts entre eux, savent que la mère-patrie, tout en les berçant d’effusions sentimentales, leur préfère les naturalisés d’origine variée, pour la simple raison que ces derniers renforcent les déséquilibres confessionnels. Une logique qui désarçonne les émigrés, habitués dans leur pays d’accueil à penser en termes de droits et d’obligations plus qu’en termes de communautés.
Toute cette affaire fait la part belle aux opposants antitaëfistes qui notent qu’encore une fois, le système verse dans la discrimination au profit des communautés avec lesquelles les décideurs se sentent le plus d’affinités. Ils reprochent au régime «le geste inconsidéré du décret de 1994 qui a causé tant de préjudice. Quand Baabda s’en est avisé, ajoutent-ils, et qu’il a voulu compenser, il s’est aperçu qu’on lui mettait des bâtons dans les roues de l’intérieur comme du dehors du système. Il a dû renoncer à promulguer un deuxième décret de naturalisations pour faire contrepoids et maintenant il peut pratiquement dire adieu au projet de restitution de la nationalité destiné aux émigrés...».

Reproches

Pour ces sources, «M. Hraoui a eu tort d’accepter une prorogation de trois ans sans poser de conditions. Il aurait dû lier son accord à la réalisation de réformes constitutionnelles rétablissant les équilibres entre les pouvoirs et comblant les failles ou les lacunes que la pratique a fait apparaître. Dans le même sens, il aurait dû exiger la refonte de la loi sur les statuts personnels pour placer le Liban sur la voie moderne de la laïcité. De l’abolition du confessionnalisme politique sans unification des statuts personnels reviendrait à dire qu’en pratique c’est la communauté la plus nombreuse qui va dominer l’autre... Les visions de M. Hraoui, du reste modestes car il ne proposait que des réformes mineures, ont été efficacement contrées par ses partenaires du pouvoir et il s’aperçoit un peu tard que nous avions raison de nous opposer au système où il croyait pouvoir agir. Un système qu’un Toufayli peut défier à sa guise, ce qui prouve si besoin était que l’Etat manque d’autorité. Or à ce propos, quand M. Hraoui s’est avisé de faire des remarques en Conseil des ministres, on l’a accusé de faire du sectarisme! Pour se défendre, il a dû rappeler sa lutte contre Michel Aoun et l’arrestation de Samir Geagea... Mais, concluent ces radicaux de l’Est, au lieu de riposter à ses détracteurs d’en face, le régime ferait mieux, pour bien retrouver ses bases, de reconnaître d’abord que le décret de 1994 a été une lourde erreur et qu’il faut œuvrer maintenant à le faire pratiquement annuler, ce que la mise au point d’un nouveau code des naturalisations pourrait rendre possible».
Juridiquement, cela serait très étonnant car les dispositions d’un nouveau code ne peuvent avoir d’effet rétroactif. Mais c’est là une autre histoire...
E.K.
A son retour du Brésil, le président Elias Hraoui se trouvera confronté à la controverse suscitée par l’affaire de la restitution de la nationalité aux émigrés. On sait en effet qu’après coup, des ministres, s’élevant avec force contre le projet, ont affirmé qu’il a bien été lu mais non pas approuvé durant la séance du Conseil des ministres qui a précédé le...