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Actualités - ANALYSE

Le cas Nadim Salem illuste l'inadéquation de la circonscription électorale élargie

Il n’existe évidemment aucun lien entre les deux affaires, mais le hasard, parfois, fait bien les choses. Les développements politico-sécuritaires en rapport avec l’affaire de Jezzine ont coïncidé avec la relance des spéculations sur la volonté du gouvernement de faire approuver une nouvelle loi électorale faisant du Liban une circonscription électorale unique.
Les supputations qui circulent sur ce plan interviennent alors que la récente expérience vécue par le ministre de l’Industrie et député de Jezzine, M. Nadim Salem, a illustré d’une manière éclatante le caractère totalement inadéquat d’une circonscription électorale élargie dans un pays ayant un tissu social aussi complexe et pluraliste. M. Salem mène campagne, dans le cadre du «rassemblement de Mar Roukoz», en vue de trouver une solution durable et sérieuse au drame vécu par la population de la région qu’il représente au sein du Parlement.
Son action a toutefois été désavouée et vivement critiquée par ses colistiers aux dernières élections législatives (1996), dans le cadre de la liste présidée par le chef du Législatif, M. Nabih Berry. Le scrutin s’était alors déroulé sur base d’une circonscription élargie (en l’occurrence le mohafazat). La quasi-totalité des membres de cette liste a formé par la suite un bloc parlementaire ayant à sa tête M. Berry. L’initiative de M. Salem de mener campagne en faveur de Jezzine a été particulièrement mal accueillie par M. Berry et le bloc parlementaire qu’il préside. Le chef du Législatif a même été jusqu’à souligner devant les journalistes que M. Salem ne faisait plus partie de son bloc parlementaire.
La réaction de M. Berry face à l’antagonisme qui est apparu entre les intérêts de la région que M. Salem représente (le caza de Jezzine) et les considérations politiques de ses anciens colistiers (élus au niveau du mohafazat du Liban-Sud) est particulièrement significative. Elle montre qu’un député représentant un caza mais élu sur base du mohafazat est le plus souvent déchiré entre les aspirations et les intérêts de la population du caza qu’il représente, d’une part, et les calculs des colistiers d’une liste élargie, d’autre part. A titre d’exemple, parce qu’il a voulu exprimer les craintes et les appréhensions des habitants de sa région, M. Salem a été désavoué et combattu par ceux qui étaient censés être ses alliés électoraux dans les autres cazas de la circonscription du Liban-Sud.
Le cas de M. Salem apportera sans doute de l’eau au moulin du président de la Ligue maronite, M. Pierre Hélou, qui ne cesse de mettre en garde contre tout projet visant à faire du Liban une circonscription unique. A plusieurs reprises, M. Hélou a affirmé sans détour qu’une loi électorale fondée sur une circonscription unique aurait pour conséquence d’engager le pays sur la voie «des dissensions, de la partition et de la conflagration interne». Dans un récent communiqué, la Ligue maronite devait souligner sur ce plan qu’un scrutin organisé sur base d’une circonscription unique à l’échelle de tout le pays aura pour conséquence de fausser à la base la représentation populaire au niveau du pouvoir législatif.

Le spectre du boycottage

Le président de la Ligue maronite estime qu’il serait illusoire et suicidaire de vouloir imposer au pays un système électoral basé sur la circonscription unique. «Une telle option, précise M. Hélou, ne peut être envisagée que lorsque le pays sera doté de partis politiques non confessionnels, ce qui est loin d’être le cas. Par voie de conséquence, un scrutin organisé sur base d’une circonscription unique signifierait que les 128 députés seraient purement et simplement désignés. Cela reviendrait à nous pousser sur la voie du boycottage (des élections législatives). Personnellement, je suis opposé aux attitudes négatives, souligne M. Hélou devant ses visiteurs, mais s’ils s’obstinent à nous imposer des lois inéquitables, nous serons contraints d’avoir recours au boycottage».
Cette attitude ferme adoptée par le président de la Ligue maronite est partagée par une large frange de leaders et responsables politiques chrétiens. Ces derniers sont quasi unanimes à rejeter la circonscription unique afin que les candidats chrétiens ne soient pas soumis au choix d’un électorat non chrétien.
La position ferme de M. Hélou intervient alors que certaines informations font état de la volonté de certains pôles du pouvoir d’imposer au pays la circonscription unique. Les milieux de l’opposition s’élèvent avec virulence contre un tel projet, soulignant qu’une loi aussi fondamentale que la loi électorale devrait faire l’objet d’un vaste débat national et devrait être le fruit d’un consensus entre les différentes fractions locales.
A en croire certains observateurs, les pôles influents qui cherchent à faire approuver le projet de circonscription unique ont pour but de «garantir» la mise en place d’un Parlement docile et loyaliste lors des prochaines élections législatives. L’expérience de l’invalidation de la loi électorale, en 1996, par le Conseil constitutionnel, ainsi que le grave précédent de l’invalidation des mandats de quatre députés, par ce même Conseil constitutionnel, auraient incité les hautes sphères du pouvoir à préparer d’ores et déjà les prochaines élections parlementaires. L’objectif sur ce plan serait clair: court-circuiter, d’entrée de jeu, une éventuelle (et plausible) victoire de l’opposition, notamment chrétienne.
Selon certains milieux politiques locaux, le but recherché par le pouvoir va même beaucoup plus loin: en imposant le principe de la circonscription unique, les loyalistes chercheraient en réalité à pousser l’électorat chrétien à s’engager à nouveau sur la voie du boycottage des élections, de manière à «garantir» le résultat de la consultation populaire.
Le spectre du boycottage plane ainsi à nouveau sur le pays, si les décideurs s’obstinent réellement à vouloir faire adopter le projet de circonscription unique. Mais pour l’heure, on n’en est pas encore là, et la question que se posent les observateurs est de savoir si la nouvelle loi électorale sera votée avant la fin du mandat du président Elias Hraoui ou si, au contraire, il reviendra au prochain président de la République de plancher sur le dossier.
E. K.s
Il n’existe évidemment aucun lien entre les deux affaires, mais le hasard, parfois, fait bien les choses. Les développements politico-sécuritaires en rapport avec l’affaire de Jezzine ont coïncidé avec la relance des spéculations sur la volonté du gouvernement de faire approuver une nouvelle loi électorale faisant du Liban une circonscription électorale unique.Les...