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Actualités - ANALYSE

Jezzine : avec ou sans polémique, un problème d'entente...

Le Conseil des ministres a dédouané mercredi soir les habitants de Jezzine, en proclamant sa certitude que, pas plus que l’Etat lui-même, ces braves gens ne travaillent à la promotion du slogan israélien «Jezzine d’abord»... En principe ce certificat de bonne conduite doit mettre un terme à la déplorable ébullition politicarde qui a accompagné puis suivi les malheurs de cette ville prise entre l’enclume de l’intégrisme poseur de bombes et le marteau de Lahd, canonnier au service d’Israël.
On sait en effet que les pitoyables suppliques des habitants de cette région pour qu’on les laisse au moins vivre en paix leur misère croissante ont été accueillies par des vociférations les traitant presque de traîtres parce qu’ils veulent se distinguer du reste du Sud occupé.
Le pouvoir met en principe fin à ce cycle de surenchères — du moins il faut l’espérer - et réaffirme, dit son porte-parole M. Bassem el-Sabeh, «les constantes politiques adoptées tout le long de ces dernières années en ce qui concerne la libération de la portion du territoire national occupée au Sud et dans la Békaa-Ouest».
En fait, mais ce n’est là qu’une parenthèse, bien malin est qui peut dire quelles sont ces «constantes». Le discours officiel n’est en effet plus aussi cohérent que du temps de MM. Sélim Hoss et Fouad Boutros. A cette époque, pour Beyrouth il ne pouvait y avoir que la 425 qu’il n’était pas question de lier au dossier régional. Très logiquement les dirigeants de ce temps oublié faisaient valoir que l’occupation du Liban, consécutive à deux invasions, ne résultait pas d’une guerre en bonne et due forme, rappelant que même l’agresseur reconnaissait ce fait et soutenait qu’il n’avait pas de visées territoriales ou hydrauliques dans ce pays. Partant de là, le gouvernement libanais insistait pour qu’on applique sans tarder la 425 et ajoutait, comme argument supplémentaire, qu’un tel règlement étant plus facile qu’un autre à réaliser ouvrirait sans doute la voie ou servirait d’exemple pour d’autres arrangements dans la région... Mais avec Taëf tout a changé et désormais, pour ne pas trop prolonger la digression, la libération du Sud dépend de celle du Golan, avec le plein assentiment des autorités locales...
Il est d’ailleurs significatif qu’au cours du dernier Conseil des ministres ce soit Ghazi Seifeddine, ministre d’Etat et secrétaire général de la section libanaise du Baas syrien, qui ait soulevé le problème de Jezzine. Il est tout de suite monté à l’assaut, en affirmant en substance que «les démarches et déclarations de certains politiciens vont dans le sens de la préparation de «Jezzine d’abord», le Rassemblement de Mar Roukoz pouvant être un paravent devant masquer la réalisation de ce projet».

Riposte

Le ministre Nadim Salem, député de Jezzine et membre du Rassemblement de Mar Roukoz, a aussitôt rejeté les assertions déplaisantes, voire outrageantes de son collègue. Une indignation qui n’a pas empêché M. Salem de soutenir, au nom des jezziniotes, son attachement au lien entre les volets libanais et syrien, ajoutant pour faire bonne mesure que lui non plus n’est pas pour les solutions partielles et ne tombe pas dans le panneau qui vise à isoler chaque cas pour disloquer l’attelage syro-libanais. Continuant à couvrir ses arrières, précaution indispensable face à la partie qui avait ouvert le feu, le ministre-député a dit en substance: «Nul n’a jamais parlé de «Jezzine d’abord», ni dans les échanges que nous avons pu avoir ni dans les communiqués publiés. Ce projet nous le rejetons et nous y voyons un piège car nous sommes pour une solution globale couvrant la question du Sud et de la Békaa-Ouest occupés. Nous réclamons le retrait israélien total et la stricte application de la 425. Par conséquent personne ne peut accuser le Rassemblement de Mar Roukoz de travailler à faire passer «Jezzine d’abord» comme certains l’insinuent. Notre action n’est ni politicienne ni électoraliste, comme d’aucuns tentent de le faire croire. Notre Rassemblement est à but socio-humanitaire, un reflet de la solidarité avec les habitants de Jezzine pour qu’ils puissent s’accrocher à leur terre afin de déjouer le complot qui vise à vider la région».
C’est le président de la République qui a arbitré l’algarade en décrétant qu’on proclamerait que «Jezzine d’abord» n’est pas plus envisagé par les habitants que par l’Etat.
La polémique peut connaître une sourdine, mais le problème de fond demeure.
Il s’articule sur un élément qui échappe évidemment aussi bien aux jezziniotes qu’aux prosyriens, à savoir la situation de l’Armée du Liban-Sud. A en croire des sources diplomatiques occidentales basées à Beyrouth, Lahd serait en effet aux abois à cause des défections en chaîne qui affaiblissent sa milice. Il songerait dès lors sérieusement à mettre la clé sous la porte et à dissoudre sa formation, d’où son forcing actuel visant à obliger les autorités libanaises à négocier avec lui.
Une thèse qui n’est pas sans fondement car les Israéliens eux-mêmes disent qu’une de leurs conditions pour le retrait est qu’on parle avec Lahd de ce qu’on ferait de lui et de ses hommes. Mais il est certain qu’il faut introduire une nuance: ce n’est probablement pas dans les jours ou même les mois à venir que l’ALS disparaîtrait, la question ne dépendant pas de Lahd mais de Tel-Aviv. Et en bonne logique il n’y a pas de raison que tant que l’occupation du Sud reste maintenue les Israéliens ne gardent pas à leurs côtés des auxiliaires locaux dont la présence peut faire croire que la population est consentante...
Ceci étant, ce diplomate occidental croit savoir qu’Israël étudie actuellement trois scénarios possibles: le retrait de Jezzine, pour renforcer le bouclage sécuritaire de la bande frontalière; le retrait derrière les lignes du Litani, frontière-barrière naturelle, toujours dans le même but de sécurisation renforcée de l’enclave; enfin, mais cette fois pour sécuriser la Galilée et l’armée israélienne, le retrait de tout le Sud...
Ph. A-A.
Le Conseil des ministres a dédouané mercredi soir les habitants de Jezzine, en proclamant sa certitude que, pas plus que l’Etat lui-même, ces braves gens ne travaillent à la promotion du slogan israélien «Jezzine d’abord»... En principe ce certificat de bonne conduite doit mettre un terme à la déplorable ébullition politicarde qui a accompagné puis suivi les malheurs de...