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Actualités - CHRONOLOGIE

Détruisant un pylône de haute tension à Jiyé et tirant sur une position de l'armée à Zahrani Israël aggrave la nature de ses agressions(photos)

La riposte israélienne aux tirs de «Katioucha» contre le Nord d’Israël, mardi matin, a été limitée, prenant la forme d’un double avertissement adressé au Liban. Mais elle a constitué un saut qualitatif dans les agressions de l’Etat hébreu. En l’espace de deux heures, hier, l’aviation israélienne a ainsi frappé un pylône de ligne de haute tension près de la centrale de Jiyé, pilonné un poste du Hezbollah dans la Békaa (proche de la frontière avec la Syrie) et largué des bombes à proximité immédiate d’une position de l’armée libanaise à Zahrani.

Ce dernier raid a été qualifié par Tel-Aviv d’«avertissement» à l’armée en raison du pilonnage par les forces régulières de positions de l’ALS dans la «zone de sécurité», lundi dernier, pilonnage que la troupe avait déclenché en riposte au bombardement de Saïda par la milice du Liban-Sud. L’attaque contre Jiyé a été présentée à Tel-Aviv comme un «message» au gouvernement libanais après la chute de «Katioucha» contre le Nord d’Israël.
Cette réaction israélienne, qui combine à la fois une certaine retenue (puisqu’elle a été ponctuelle) et une escalade qualitative (puisqu’elle a visé une installation stratégique à Jiyé à 28 km au sud de Beyrouth), refléterait l’apparent embarras dans lequel se trouverait le gouvernement de M. Benjamin Netanyahu face à la situation présente au Sud. En évitant de se laisser entraîner sur la voie d’une grave dégradation, tout en prenant soin de faire monter d’un cran la nature de sa riposte, M. Netanyahu paraît concilier, en quelque sorte, les deux tendances antinomiques qui se manifestent en Israël au sujet du dossier libanais.
Le parti adopté par le premier ministre israélien pourrait être également le fruit des démarches américaines urgentes entreprises au cours des dernières quarante-huit heures afin de juguler la tension au Sud. Le secrétaire d’Etat, Mme Madeleine Albright, est ainsi entré en contact dans la nuit de lundi à mardi avec son homologue syrien Farouk el-Chareh pour demander à Damas d’user de son influence sur le Hezbollah afin qu’il cesse ses opérations contre l’Etat hébreu. Selon le porte-parole du département d’Etat, James Rubin, le gouvernement U.S. s’inquiétait du risque que la situation au Sud «échappe à tout contrôle».
L’intervention diplomatique américaine a sans doute joué également au niveau israélien. A la suite de la chute des «Katioucha» en Galilée, plusieurs voix se sont en effet élevées à Tel-Aviv pour réclamer une riposte de grande envergure. A en croire la presse israélienne, le ministre israélien des Infrastructures nationales, M. Ariel Sharon, s’est notamment prononcé, mardi, en faveur d’attaques aériennes en profondeur contre des «objectifs stratégiques» au Liban. M. Sharon a fait cette proposition lors d’une réunion interministérielle tenue dans la journée de mardi à Kyriat Shmona.
L’attitude en flèche adoptée par M. Sharon est partagée aussi par le ministre de l’Agriculture Rafaël Eytan qui a publiquement reproché hier au gouvernement israélien «la faiblesse» de sa réaction face aux tirs de «Katioucha». M. Eytan a préconisé sur ce plan d’agrandir la «zone de sécurité» pour mettre le territoire israélien à l’abri des tirs de roquettes. Reflétant le point de vue des faucons dans cette affaire, M. Eytan a souligné que «cela ne sert à rien de faire preuve de retenue avec le Hezbollah car ces gens-là n’agissent pas de façon rationnelle».

Lévy prône la modération

Face à la pression du camp radical, le ministre israélien des Affaires étrangères David Lévy devait appeler ses collègues à la modération. Se plaçant clairement en porte-à-faux avec les prises de position de MM. Sharon et Eytan, M. Lévy s’est déclaré opposé à l’élargissement de la bande frontalière. «Nous ne voulons pas que les uns et les autres commencent à lancer des idées et des projets qui ne mèneront qu’à un embrasement sans fin», a notamment déclaré le chef de la diplomatie israélienne qui a ajouté à ce propos: «Notre politique consiste d’une part à riposter aux attaques des terroristes qui s’en prennent à nos civils et, d’autre part, à tout faire pour ramener le calme qui nous est vital, ainsi qu’aux Libanais».
Le ministre israélien de la Défense Itzhak Mordehaï a lui aussi prôné la prudence, refusant de donner son aval à une riposte de grande envergure. Selon la télévision israélienne, M. Mordehaï a entrepris un contact téléphonique urgent avec Mme Albright tard dans la soirée de lundi afin de pousser Washington à intervenir, et c’est à la suite de cette conversation téléphonique que le secrétaire d’Etat est entré immédiatement en contact avec M. el-Chareh afin de juguler la tension. Il reste que M. Mordehaï affiche quand même, publiquement, une attitude de fermeté et affirme que l’Etat hébreu avait «le droit absolu» de lutter contre le Hezbollah «quand il s’en prend à des civils israéliens».
Lors de la réunion interministérielle tenue à Kyriat Shmona, M. Netanyahu a fini par se ranger à l’avis modéré de ses ministres des Affaires étrangères et de la Défense, lesquels étaient soutenus sur ce plan par les experts militaires de l’armée. La nature de la riposte intervenue hier pourrait cependant signifier que M. Netanyahu serait tenté par une escalade qualitative, graduelle et dosée, qui viserait à endommager l’infrastructure, ruiner le potentiel économique et déstabiliser sérieusement le pouvoir au Liban, sans pour autant engager l’Etat hébreu dans les sables mouvants d’une aventure militaire de grande envergure. Le chef du gouvernement Rafic Hariri a lancé à ce propos hier soir, lors du Conseil des ministres tenu au palais de Baabda (Voir par ailleurs), une petite phrase qui en dit long sur les menaces qui planent sur le pays. «L’Etat hébreu, a notamment déclaré M. Hariri, veut imposer au Liban les conséquences d’une guerre sans que celle-ci n’ait vraiment lieu».

Des raids significatifs

Les raids effectués hier par l’aviation israélienne pourraient constituer les signes précurseurs d’une telle approche. Pour la première fois depuis l’opération d’avril 1996, l’aviation de l’Etat hébreu a ainsi pris pour cible une installation, certes, secondaire, mais néanmoins stratégique, à savoir l’un des pylônes de haute tension situé à proximité immédiate de la centrale de Jiyé. Le pylône, atteint par un seul missile, a été détruit, provoquant une panne de courte durée à Saïda (selon le ministère des Ressources hydrauliques et électriques, la destruction de ce pylône n’affectera pas la distribution du courant dans le pays). Cette attaque contre une installation stratégique met en évidence la gravité des propos tenus mardi par le président de la commission de la Défense et des Affaires étrangères de la Knesseth, M. Uzi Landau, qui avait appelé le gouvernement israélien à frapper notamment «les ponts et les installations électriques au Liban» en représailles aux tirs de «Katioucha».
Le raid contre Jiyé (qui a eu lieu vers 11 heures 50) a été qualifié d’«avertissement» au Liban par un porte-parole militaire israélien. «Nos appareils ont attaqué une ligne de haute tension pour montrer au gouvernement libanais qu’il doit prendre l’initiative, refréner les actions du Hezbollah et stopper les tirs de roquette contre Israël», a souligné le porte-parole.
Quelle a été la réaction à Beyrouth? La réponse pourrait résider dans une autre petite phrase prononcée hier soir par M. Hariri au cours du Conseil des ministres. «Toutes les démarches diplomatiques mettent l’accent sur la nécessité de rétablir le calme et d’éviter l’escalade, et le Liban doit assumer ses responsabilités sur ce plan», a notamment déclaré M. Hariri.
Autre «message» adressé hier au Liban: le raid qui a visé un secteur situé à proximité immédiate d’une batterie de l’armée libanaise, dans la région de Zahrani, non loin du village de Taffahta. Selon le porte-parole militaire israélien, cette batterie avait ouvert le feu, lundi, sur des positions de l’ALS à Jezzine. «Nos appareils ont pris soin de ne pas toucher les servants de la batterie», a prétendu le porte-parole qui a souligné dans ce cadre que ce raid constitue un «avertissement» à l’armée libanaise. «Israël ne supportera aucune participation libanaise dans les opérations menées par le Hezbollah», a précisé le porte-parole.
Le troisième raid, plus «classique», a visé en début de matinée une position intégriste, entre les localités de Janta et Nabi Chit, au sud-est de Baalbeck, à moins d’une dizaine de kilomètres de la frontière avec la Syrie (cette même base avait déjà été bombardée le 9 août dernier). Ce raid a fait quatre blessés civils: Mohammed Ayoub (7 ans), son frère Abbas (6 ans), Zahra Ayoub (42 ans) et Ahmed Ayad.
Une fois encore, la population civile a fait ainsi les frais du bras de fer régional qui prend le Sud en otage. Face aux développements de ces derniers jours, certaines questions se posent aujourd’hui avec acuité. Si M. Netanyahu s’engage réellement sur la voie d’une escalade qualitative graduelle et contrôlée (au gré des développements), pourra-t-il rester dans les limites des «règles du jeu» qui régissent la guerre d’usure au Sud? L’Etat hébreu serait-il, en outre, tenté de s’en prendre d’une manière ponctuelle et sporadique aux installations stratégiques dans le pays afin d’accroître sa pression sur le pouvoir central, en menaçant sa stabilité, ou tout au moins en perturbant l’entreprise de redressement économique?
Dans l’immédiat, et dans l’attente que le contexte régional se décante davantage, le gouvernement se doit de parer au plus pressé et trouver une issue sérieuse au grave problème de Jezzine qui constitue le nouvel abcès de fixation du Liban-Sud. Mais force est de constater que, pour l’heure, les dirigeants se cantonnent sur ce plan dans une attitude de laxisme et de surenchères démagogiques qui ne fait qu’approfondir des plaies internes qui n’ont toujours pas été cicatrisées.
M. T.

Michel TOUMA
La riposte israélienne aux tirs de «Katioucha» contre le Nord d’Israël, mardi matin, a été limitée, prenant la forme d’un double avertissement adressé au Liban. Mais elle a constitué un saut qualitatif dans les agressions de l’Etat hébreu. En l’espace de deux heures, hier, l’aviation israélienne a ainsi frappé un pylône de ligne de haute tension près de la...