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Actualités - CHRONOLOGIE

Deux salves de Katioucha s'abattent sur la Galilée Le hezbollah riposte violemment au bombardement de Saïda Attitude ambigüe qui tantôt menace, tantôt parle de retenue (photo)

Il n’en fallait pas tant pour mettre en relief le caractère particulièrement explosif de la situation présente au Liban-Sud, non seulement sur le plan militaire mais, surtout, au niveau des retombées nationales, sous l’angle des rapports intercommunautaires locaux. Les six civils (dont un bébé) tués lundi en début d’après-midi dans le pilonnage aveugle de Saïda et les deux adolescents morts dans un nouvel attentat aux explosifs perpétré peu de temps auparavant dans la région de Jezzine auront payé de leur vie ce jeu meurtrier et cynique auquel se livrent les parties en conflit au Sud. Dans la journée d’hier, la tension s’est déplacée vers le Nord d’Israël où deux salves d’une cinquantaine de roquettes de type «Katioucha» se sont abattues à partir des positions du Hezbollah à Tyr, provoquant un début d’exode parmi les habitants d’une dizaine de villages... libanais du caza de Tyr.

Les salves de «Katioucha» ont atteint principalement les régions de Nahariya et Kyriat Shmona. Selon un communiqué de l’armée israélienne, près de 45 roquettes se sont abattues en début de matinée sur la Galilée occidentale et sur le «doigt de la Galilée» (étroite bande du territoire le plus septentrional d’Israël). Une heure plus tard, d’autres roquettes sont tombées en Galilée occidentale, endommageant une ferme collective. Ces tirs, revendiqués par le Hezbollah dans un communiqué publié à Beyrouth, ont blessé un civil israélien ainsi qu’une jeune femme libanaise dans le village de Kfar Kila, non loin de la frontière avec l’Etat hébreu. Selon une source de la FINUL, quelque 80 roquettes, au total, se sont ainsi abattues sur le nord d’Israël.
A la suite de ce pilonnage, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a effectué une tournée d’inspection dans les secteurs bombardés et a menacé le parti intégriste d’une «riposte sévère». «Il n’y aura pas de paix du côté libanais de la frontière s’il n’y a pas de paix du côté israélien», a affirmé M. Netanyahu avant d’ajouter: «Nous espérons que ce message sera compris dans toute sa portée par l’autre partie».
Reflétant une apparente ambiguité dans l’attitude d’Israël sur ce plan, M. Netanyahu affirme que l’Etat hébreu «réagira avec fermeté à toute action qui porterait atteinte à la vie de ses civils», mais dans le même temps, il souligne qu’il entend éviter toute escalade de la violence. «Il n’est de l’intérêt de personne, Syrie, Liban ou Israël, que cette situation perdure», a-t-il affirmé avant d’ajouter: «Notre mission immédiate est d’arrêter cet engrenage de la violence, qui ne sert les intérêts d’aucune partie. Nous voulons que les civils de part et d’autre de la frontière vivent dans le calme».
Cette ambiguité, voire cette contradiction, dans les propos de M. Netanyahu est-elle le fruit et la manifestation directe des divergences qui se manifestent au niveau des dirigeants israéliens concernant l’attitude à adopter au sujet du Liban-Sud? Il est encore difficile d’apporter une réponse tranchée à cette question. Il reste que les déclarations faites dans la seule journée d’hier par divers hauts responsables israéliens laissent apparaître les différents points de vue en présence.
Le président israélien Ezer Weizman a ainsi déclaré hier qu’«il y a peut-être d’autres solutions que la guerre» pour désamorcer la tension au Liban-Sud. «Peut-être par la voie d’un accord avec la Syrie», a-t-il précisé. Le président israélien — qui a tenu à se solidariser avec la population du Nord en passant une nuit, hier soir, dans un hôtel proche de la frontière avec le Liban — devait souligner qu’il approuvait «la politique de retenue appliquée jusqu’à présent par le gouvernement (de M. Netanyahu) face aux tirs du Hezbollah».
Cette attitude quelque peu conciliante contraste fortement avec les propos tenus par le président de la commission parlementaire pour la Défense et les Affaires étrangères à la Knesseth, M. Uzi Landau, qui a appelé à de nouvelles actions de représailles à l’intérieur du territoire libanais. «Ceux qui croient que l’armée israélienne se contentera de s’en prendre au Hezbollah se trompent», a déclaré M. Landau. Très peu soucieux de cacher ses tendances belliqueuses, le responsable israélien a ajouté sans ambages: «Il faut maintenant bombarder des ponts, des installations électriques et hydrauliques, et montrer au gouvernement de Beyrouth que tant que la paix ne règnera pas du côté israélien de la frontière, les Libanais ne vivront pas non plus en paix».
Ces propos jusqu’au-boutistes sont tempérés par la prudence manifestée par le chef des renseignements militaires israéliens, le général Moshé Yaalon, qui a affirmé que «le Hezbollah a agi indépendamment de la Syrie, qui pour sa part n’est pas intervenue». Et comme pour minimiser, en quelque sorte, la portée du bombardement du Nord d’Israël, hier matin, le général Yaalon devait souligner qu’à son avis les tirs de Katioucha constituaient «une riposte ponctuelle» au pilonnage de Saïda, lundi dernier. Le responsable israélien a même été jusqu’à affirmer que les tirs de «Katioucha» ne signifient pas que le parti intégriste souhaite dénoncer les arrangements d’avril 1996.

L’action des notables
de Jezzine

Cette prudence, bien que combinée à une fermeté de mise, pourrait refléter une volonté (ne fût-ce que transitoire) de calmer le jeu au Liban-Sud dans les circonstances présentes. Et pour cause: les événements sanglants de lundi et leurs retombées possibles sur la scène libanaise ont illusré le caractère totalement précaire et explosif du statu quo imposé au Liban-Sud par les différents acteurs régionaux.
Ce statu quo, régi et géré par les fameux accords d’avril 1996, risque-t-il d’être remis en cause par l’un quelconque des décideurs régionaux qui tiennent le Sud (et le Liban) en otage? Cette question se pose avec accuité à la lumière des mystérieux attentats aux explosifs perpétrés récemment dans la région de Jezzine et qui ont visé la population civile. Israël et le Hezbollah se rejettent mutuellement la responsabilité de ces attentats. Que ce soit l’Etat hébreu ou le parti intégriste (ou aussi une tierce partie) qui soit le commanditaire de cette série d’attentats meurtriers concentrés sur Jezzine, le résultat reste le même: l’une des fractions engagées, directement ou indirectement, dans le conflit du Sud semble jouer avec le feu et paraît chercher à pousser le statu quo actuel jusqu’au point de rupture.
Nous n’en sommes, certes, pas encore là, mais les événements de lundi et leurs possibles conséquences ont apporté la preuve que les développements en cours dans le secteur de Jezzine risquent d’avoir un impact fâcheux sur la scène locale. Les milieux locaux, et plus particulièrement les notables de Jezzine, ne cachent pas leur vive inquiétude à ce propos, d’autant que les premiers indices commencent déjà à poindre à l’horizon sur ce plan. Les nuages s’amoncellent, en effet, dans les rapports entre le chef du Législatif Nabih Berry et le «rassemblement de Mar Roukoz», qui groupe les principaux notables et responsables de Jezzine (dont, notamment, le ministre de l’Industrie et député de Jezzine, M. Nadim Salem, l’ancien ambassadeur du Liban à Washington Simon Karam, l’ancien député Edmond Rizk, l’ancien ministre Youssef Gebrane, et le père Youhanna Slim).
Le président de la Chambre et certains cercles loyalistes mènent campagne contre l’action salvatrice que les membres de ce rassemblement ont engagée depuis plusieurs semaines afin de tenter de préserver la population de leur région. Publiquement, M. Berry accuse le regroupement en question de vouloir aboutir à une solution «séparée» du problème de Jezzine, indépendamment de l’ensemble du contentieux du Sud. Cet argument très peu convaincant semble cacher, cependant, une motivation difficile à cerner totalement dans le contexte présent. Le fait est que le chef du Législatif tente de torpiller l’action du «rassemblement de Mar Roukoz». Il a même été sur ce plan jusqu’à exclure, hier, de son bloc parlementaire le ministre Nadim Salem, élu sur sa liste au Liban-Sud, pour le siège grec-catholique de Jezzine. Visiblement, la réunion que M. Berry a tenue hier matin avec deux des membres du rassemblement, M. Youssef Gebrane et le père Slim, n’a pas contribué à tempérer les foudres du chef du Législatif contre les leaders de Jezzine.

Karam: Non
aux interdits

Interrogé en soirée par «L’Orient-Le Jour» sur les causes de l’attitude de M. Berry, l’ambassadeur Simon Karam a refusé de commenter la position du président de la Chambre. Il a cependant déclaré: «Nous n’acceptons pas les interdits. L’action politique que nous menons est nécessaire car le pouvoir et certains responsables avaient tendance à classifier tous les habitants de Jezzine, sans exception, sous le label d’agents du général Antoine Lahd. A leurs yeux, il était ainsi légitime de tuer les civils innocents originaires de la région de Jezzine. Il fallait mettre un terme à cet engrenage infernal».
Dans ce contexte, M. Karam a sévèrement mis en garde contre la situation explosive provoquée par l’affaire de Jezzine. «Depuis le début nous avons mis en garde contre les graves retombées de la situation dans notre région qui peut déboucher sur une catastrophe, a notamment déclaré M. Karam. La problématique (en rapport avec ce dossier) n’est nullement locale, mais elle risque d’avoir des retombées dramatiques sur le plan national. Ce qui s’est passé lundi a prouvé que nos prévisions se sont avérées exactes».
Evoquant la nature de l’action entreprise par le «rassemblement de Mar Roukoz», l’ancien ambassadeur a rappelé que celui-ci a réclamé dès le départ le déploiement de l’Armée libanaise dans tout secteur évacué par le général Lahd. «Nous avons également demandé à l’Etat de déblayer le terrain au niveau diplomatique afin de faciliter une éventuelle mission de la troupe dans la région», a également précisé M. Karam qui a refuté dans ce cadre les accusations selon lesquelles le rassemblement dont il fait partie oeuvrait en vue d’une solution «séparée» au problème de Jezzine.
Dans le but sans doute de couper l’herbe sous les pieds de ceux qui mènent campagne contre eux, les leaders de Jezzine pourraient décider d’élargir leur rassemblement à d’autres personnalités du Liban-Sud. Cette question serait examinée au cours de la réunion que le rassemblement devrait tenir dans la journée d’aujourd’hui à Beyrouth. Encore faut-il que les responsables officiels et que les autres personnalités du Sud prennent conscience de la nécessité de «nuancer» — à défaut de dépasser — la politique de l’autruche que le pouvoir pratique (ou, plutôt, se voit imposer) depuis plusieurs années, souvent malgré lui.
Michel TOUMA
Il n’en fallait pas tant pour mettre en relief le caractère particulièrement explosif de la situation présente au Liban-Sud, non seulement sur le plan militaire mais, surtout, au niveau des retombées nationales, sous l’angle des rapports intercommunautaires locaux. Les six civils (dont un bébé) tués lundi en début d’après-midi dans le pilonnage aveugle de Saïda et les...