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Actualités - CHRONOLOGIE

Après la levée des restrictions US Optimisme à Beyrouth, malgré quelques zones d'ombre La commission des AE ajourne l'approbation de la convention sur les prises d'otages

Les réactions à la levée mercredi dernier des restrictions imposées aux Américains désirant se rendre au Liban sont globalement positives, même si la décision du secrétaire d’Etat, Mme Madeleine Albright, a fait l’objet des interprétations les plus diverses de la part de la classe politique libanaise (VOIR PAGE 3). Il est vrai que les touristes américains n’ont pas encore envahi les rues de Beyrouth et que les investissements US n’ont pas commencé à affluer sur le marché financier. Cependant, les retombées de la levée des restrictions ne devraient pas tarder à apparaître. C’est une question de quelques semaines tout au plus.

AMais à la satisfaction des premières heures a succédé une foule de questions sur la mission qu’a entamée aux Etats-Unis un conseiller de M. Rafic Hariri (le ministère des Affaires étrangères n’en a pas été informé), sur sa nature, les conséquences de la ratification par le Liban des conventions relatives à la lutte contre le terrorisme et contre les prises d’otages et les éventuelles «concessions» que Beyrouth a présentées aux Américains.
Ces interrogations ne sont pas de simples supputations d’analystes politiques. Elles
ont été explicitement formulées hier par plusieurs députés membres de la commission parlementaire des Affaires étrangères qui était appelée à examiner la convention internationale relative à la prise d’otages, moins de 24h après la levée des restrictions. Des députés proches du premier ministre, notamment M. Adnane Arakji, ont tenté de faire voter rapidement ce texte. Mais MM. Zaher el-Khatib et Ammar Moussaoui (membre du Hezbollah) s’y sont opposés en demandant que cette question soit débattue lors d’une réunion à laquelle participeraient le chef du gouvernement et les ministres des Affaires étrangères et de la Justice. De toute façon, la ratification de cette convention par la Chambre ne se fera pas avant la première moitié d’octobre, vu que les chances de l’ouverture d’une session parlementaire extraordinaire cet été sont presque nulles.
La convention sur les prises d’otages est la dernière d’une série de dix protocoles que le Liban était invité à ratifier avant la levée des restrictions américaines. A partir de 1995, le Parlement s’est attelé à la tâche de mettre le pays en règle avec les législations internationales, sans vraiment rencontrer d’opposition de la part des députés jugés «radicaux». En l’espace de deux ans, Beyrouth a ratifié neuf conventions concernant la lutte contre le terrorisme. Et lors de son entretien téléphonique avec Mme Albright mercredi dernier, M. Hariri l’a informée des efforts entrepris par les autorités libanaises pour respecter leurs engagements internationaux en matière de sécurité. Les principales conventions portent sur la lutte contre les crimes perpétrés à bord des avions de ligne (dite convention de Tokyo-1963); la lutte contre les détournements d’avions (convention de La Haye-1970); la lutte contre les actes illégaux visant la sécurité de l’aviation civile (Montréal-1971); le protocole de lutte contre les actes de violence perpétrés dans les aéroports civils (Montréal-1988); la lutte contre les actes portant atteinte à la sécurité des transports maritimes (Rome-1988); le traité de lutte contre les attentats perpétrés contre les personnalités jouissant d’une protection internationale, notamment les diplomates (Nations Unies-1973).
Si tous ces textes ont été ratifiés sans problème, pourquoi la convention sur les prises d’otages a-t-elle provoqué hier une réaction prudente de la part de certains députés? Le Hezbollah a de nombreuses raisons de se méfier de cette convention puisque le parti islamiste était proche d’une manière ou d’une autre des groupes qui ont revendiqué les enlèvements d’otages occidentaux au Liban dans les années 80. Mais cet argument n’est pas convaincant à lui seul, car ce texte n’a aucun effet rétroactif et, depuis le début de cette décennie, le Hezbollah s’est pleinement engagé dans la vie politique du pays. Interrogé par «L’Orient-Le Jour», le président de la commission de l’Administration et de la Justice, M. Chaker Abou Sleimane, a déclaré que cette convention lui a été soumise il y a un mois et demi et qu’il l’avait inscrite à l’ordre du jour de la réunion de sa commission le 2 juillet dernier. «J’ai vigoureusement défendu ce texte qui a été voté à l’unanimité en présence de deux députés du Hezbollah membres de la commission», a-t-il dit. M. Abou Sleimane a précisé que l’article 9 de la convention accorde une grande marge de manœuvre aux pays signataires. Toute demande d’extradition de personnes soupçonnées d’être liées à une prise d’otage peut en effet être rejetée s’il apparaît qu’elle est motivée par des considérations politiques, confessionnelles ou racistes.
La convention sur la protection des personnalités et des diplomates a aussi été votée par la commission de l’Administration et de la Justice sans aucun problème.
C’est dans la conjoncture politique qui accompagne l’examen de la convention sur les prises d’otages qu’il faut expliquer l’attitude du Hezbollah et de certaines forces de l’opposition. Interrogé par «L’Orient-Le Jour», M. Ammar Moussaoui (membre de la commission des Affaires étrangères) a affirmé que, sur le plan juridique, son parti ne s’opposait pas à la ratification de ce texte. Mais il a affirmé que la levée des restrictions ne doit être liée à aucune condition, ajoutant que la décision de Mme Albright vise à sauvegarder les intérêts des sociétés américaines absentes du Liban et ne constitue pas un geste de bonne volonté en direction du pays.
«Sur le plan du principe, nous ne sommes pas opposés à la ratification de cette convention. Mais il faut étudier les conséquences politiques d’une telle décision. Depuis l’élaboration de ce texte en 1979, 70 Etats y ont adhéré. Beaucoup de pays arabes et Israël ne l’ont pas signée. Et l’ennemi israélien détient dans ses prisons un grand nombre d’otages libanais», a-t-il dit. Il faut souligner que le dernier rapport d’Amnesty accuse Israël de se servir des détenus libanais dans ses prisons comme otages.
M. Moussaoui a exprimé ses craintes au sujet «d’engagements pris par le Liban pour la levée des restrictions au détriment de sa souveraineté». A cet égard, le député a qualifié d’«inacceptable» l’adoption des mesures de sécurité spécialement destinées à protéger les Américains visitant le Liban. «Tous les ressortissants étrangers et les citoyens libanais doivent être traités sur un pied d’égalité. De plus, cette convention qui concerne la politique extérieure du Liban doit être examinée en coordination avec la Syrie», a-t-il souligné.
La sécurité à l’AIB et sur les routes qui y mènent sera d’ailleurs évoquée lors des entretiens que doit avoir à Washington l’émissaire de M. Hariri, Ghassan Taher. Selon des sources bien informées, ce dernier possède aux Etats-Unis une société de consultants spécialisée dans la sécurité des aéroports internationaux. Il a déjà rédigé pour le compte des autorités américaines plusieurs rapports sur la situation dans des aéroports internationaux notamment celui du Luxembourg.
En plus du débat politique qu’elle a suscité, la levée des restrictions a une nouvelle fois mis en avant le problème des relations difficiles entre les différents pôles du pouvoir. Le fait que le ministère des Affaires étrangères ait été tenu à l’écart de ce dossier, et la décision de M. Hariri de dépêcher dans la capitale fédérale américaine un émissaire sans en informer au préalable le palais Bustros, risque de relancer la polémique entre le premier ministre et le chef des Affaires étrangères, M. Farès Boueiz a d’ailleurs évoqué cette question hier avec le président Hraoui qui l’a reçu au palais de Baabda.
Certains observateurs se demandent d’autre part si la levée des restrictions américaines ne devrait pas être liée aux développements qui surviennent sur la scène régionale .Ces observateurs soulignent que la décision de Mme Albright a été précédée quelques heures plus tôt par l’annonce par le premier ministre israélien, M. Benjamin Netanyahu, de l’abandon de l’option «Liban d’abord». Au Proche-Orient, où tous les facteurs se chevauchent et où les situations sont imbriquées les unes dans les autres, aucune hypothèse n’est à écarter. Mais il faut beaucoup d’imagination — ou de perspicacité — pour lier les deux événements.

P. KH.
Paul KHALIFEH
Les réactions à la levée mercredi dernier des restrictions imposées aux Américains désirant se rendre au Liban sont globalement positives, même si la décision du secrétaire d’Etat, Mme Madeleine Albright, a fait l’objet des interprétations les plus diverses de la part de la classe politique libanaise (VOIR PAGE 3). Il est vrai que les touristes américains n’ont pas...