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Actualités - CHRONOLOGIE

La levée des restrictions US Geste de confiance de Washington à l'égard du Liban

Le secrétaire d’Etat Madeleine Albright a annoncé hier qu’elle a décidé de lever les restrictions imposées depuis dix ans aux Américains souhaitant se rendre au Liban, tout en déconseillant fermement tout voyage au Liban, qu’elle continue de considérer comme «un endroit dangereux». Le département d’Etat a publié à cet effet une mise en garde officielle (VOIR PAR AILLEURS). Passant outre à des restrictions verbales considérées comme une affaire purement intérieure aux Etats-Unis, le président du Conseil ,M. Rafic Hariri, a déclaré hier que la décision des Etats-Unis est «un vote de confiance dans le Liban de la part des Etats-Unis».

L’interdiction de se rendre au Liban avait été décidée en 1987, deux ans après le détournement sur Beyrouth d’un appareil de la TWA, et après le dynamitage du QG des Marines qui participaient à la Force multinationale de maintien de la paix au Liban, et la vague de rapts qui avait touché une quinzaine d’Américains. Toutefois, ces dernières années, le «travel ban» américain était de moins en moins respecté. Selon le chef de l’Etat, M. Elias Hraoui, 40.000 Américains avaient visité le Liban en 1996, malgré les restrictions imposées par leur gouvernement. En fait, dès fin 1995, l’administration américaine avait recommencé à autoriser les Américains à se rendre au Liban avec une permission écrite du département d’Etat.
Négligeant les voies diplomatiques normales, qui passent par son homologue libanais, Mme Albright a téléphoné hier à midi au président du Conseil pour lui annoncer sa décision, a-t-on appris de source gouvernementale. Le palais Bustros, pour sa part, n’a été officiellement avisé de la décision américaine qu’au cours de l’après-midi, à la suite d’un appel de l’ambassadeur du Liban aux Etats-Unis , M. Mohammed Chatah. Cet écart protocolaire a passablement indisposé les responsables au ministère concerné.
Dans l’avion qui la ramenait d’Asie vers Washington, Mme Albright avait précisé à des journalistes qu’elle avait demandé et obtenu de M. Hariri des mesures pour «améliorer la coopération» entre les deux pays dans le domaine de la sécurité, et en particulier la ratification par le Liban de la convention sur la collaboration en cas de prise d’otages.

Forte pression sur Hariri

Rappelant que ces restrictions, datant de 1987 et réexaminées périodiquement, venaient à expiration le 31 juillet, elle a ajouté: «Nous avons décidé de les laisser expirer». Selon un haut responsable de l’administration américaine, l’une des raisons en faveur de la levée des restrictions est qu’aucun Occidental n’a été pris en otage au Liban ces six dernières années.
Mme Albright a en même temps lancé une sévère mise en garde aux Américains leur déconseillant de se rendre au Liban, même s’ils en ont désormais la possibilité légale.
Elle a également annoncé qu’un émissaire libanais sera dépêché à Washington afin d’examiner avec les autorités américaines diverses mesures, en particulier juridiques, en vue d’améliorer la collaboration entre les deux pays. Elle a précisé avoir exercé «une forte pression» sur M. Hariri afin d’obtenir ces mesures.
De la convention sur la collaboration en cas de prise d’otages, le chef du gouvernement a précisé qu’elle a déjà été approuvée en Conseil des ministres, et qu’aucun obstacle sérieux n’empêche sa ratification par le Parlement à la première occasion.
Le ministre des Affaires étrangères, M. Farès Boueiz, a affirmé pour sa part que le Liban a signé, au cours des trois dernières années, plusieurs accords ayant trait à des prises d’otages. Ces conventions internationales engagent le Liban a respecter les usages internationaux et les droits de l’homme, et à coopérer avec les autorités de tout pays dont un ressortissant serait pris en otage sur son territoire, a-t-il précisé.
Sans attendre, un émissaire dépêché par M. Hariri a quitté Beyrouth hier pour Washington, apprenait-on à Beyrouth. M. Hariri a désigné pour cette mission un de ses conseillers personnels, M. Ghassan Taher, notamment en charge des questions de sécurité à l’aéroport de Bey-routh.
Fin 1996, une commission d’enquête américaine était venue au Liban et avait estimé dans un rapport que l’aéroport n’était pas entièrement sûr. Elle avait notamment critiqué la multiplicité des uniformes portés par les différents services, la pauvreté des moyens de détection d’armes, la facilité d’accès aux pistes de périmètre extérieur de l’aéroport, l’absence de patrouilles régulières sur le boulevard de l’aéroport, etc.. Le Liban, apprend-on, avait tenu compte de toutes ces remarques.

Satisfaction
générale

Le chef de l’Etat, le président du Conseil, le président de l’Assemblée nationale, le ministre des Affaires étrangères, les responsables du Hezbollah ainsi que les milieux parlementaires se sont félicités hier de la levée des restrictions.
Le président Hraoui a affirmé que la décision «est une grande victoire morale pour le Liban» et l’aboutissement d’une intense campagne libanaise, doublée de pressions de politiciens et d’hommes d’affaires américains, notamment d’origine libanaise. Il a rappelé les efforts déployés par les autorités responsables pour obtenir la levée des restrictions. M. Hraoui a notamment attribué le mérite de cette décision à l’armée, qui a su «démontrer que la sécurité des Libanais a l’absolue priorité». Le chef de l’Etat ne s’est pas privé non plus de rappeler que, selon le mot d’un sénateur américain en visite au Liban, l’an dernier, «le Liban est en ce moment plus sûr que Washington».
Affirmant «tout ignorer» des «engagements» pris par M. Hariri, à la demande de Mme Albright, le président Hraoui a tenu à faire une nette différence entre «résistance» et «terrorisme», regrettant que les responsables américains fassent l’amalgame entre une résistance légitime et des actes de terrorisme.

Pas de reprise
du trafic
aérien

Tandis que M. Berry affirmait, laconiquement, que la levée des restrictions US était, avant tout, dans l’intérêt des Américains eux-mêmes, le président du Conseil n’a pas caché sa satisfaction à ce qu’il considère comme un véritable «vote de confiance des Etats-Unis à l’égard du Liban».
«Indubitablement, la sécurité est meilleure. C’est pour cette raison que les autorités américaines ont levé les restrictions. Nous allons continuer à coopérer avec les Etats-Unis dans l’intérêt des deux pays», a-t-il poursuivi.
Interrogé sur les préventions du secrétaire d’Etat, M. Hariri a rétorqué qu’«il s’agit d’une appréciation américaine qui ne modifiera pas l’état des choses». Il a ajouté que le Liban ferait en sorte de prouver que cet avertissement «n’est pas à sa place».
Toutefois, M. Hariri a souligné que la levée des restrictions ne signifie pas la reprise du trafic aérien entre le Liban et les Etats-Unis, et que ce développement très attendu, notamment par les responsables de la MEA, viendrait «en un second temps». Ainsi, d’ailleurs, que la reprise des services consulaires de l’ambassade des Etats-Unis à Beyrouth, qui continue pour le moment à ressembler à un bunker.
Le président du Conseil s’est toutefois félicité d’une décision qui va encourager les hommes d’affaires d’origine libanaise, les sociétés d’investissement et les banques américaines, à revenir au Liban et à participer à l’effort de reconstruction. Jusqu’à présent, note-t-on, la majorité des contrats de reconstruction au Liban, un marché estimé à 18 milliards de dollars, sont enlevés par des sociétés européennes, arabes ou japonaises.
Dans les milieux politiques, les spéculations sur les raisons véritables de la levée des restrictions US ont commencé, hier, à aller bon train. «Y a-t-il un «prix politique» à payer?» s’interrogent certains milieux? «La levée des restrictions nous engage-t-elle à l’égard des Etats-Unis dans des procès tels que celui des assassins de l’ambassadeur Francis Melloy, ou l’extradition des auteurs — connus — du détournement de l’avion de la TWA?»
Dans les cercles proches de M. Hariri, au contraire, on situe la levée des restrictions dans la logique du forum des «Amis du Liban». Cette levée est l’une des étapes que franchit le Liban sur la voie d’un rétablissement total, d’un retour complet à la normale, après les années de guerre, souligne-t-on. C’est aussi, ajoute-t-on, l’une des expressions de l’affirmation de l’Etat libanais sur la scène internationale, après l’arrangement d’avril, où les Etats-Unis, le Liban et la Syrie sont directement impliqués. A ce propos, d’ailleurs, on tenait pour certain, hier soir, dans certains milieux, un prochain déplacement de M. Hariri à Damas.
Car la décision américaine, si elle a des répercussions nationales certaines, a aussi des «échos» régionaux, que chacun peut interpréter à sa manière, en attendant que la suite des choses n’en indique les orientations. Ainsi, le Hezbollah a estimé hier que la levée des restrictions constitue «une victoire« pour le Liban et pour la résistance.

«La levée de l’interdiction est une victoire de la résistance et du Liban qui n’a pas cédé au chantage américain», a déclaré le secrétaire général adjoint du mouvement chiite libanais, cheikh Naïm Kassem, lors d’une conférence de presse.

«Les Etats-Unis, se sont rattrapés en prenant cette décision car les Américains allaient et venaient depuis des années au Liban, où la sécurité prévaut et où la paix civile constitue une grande gifle donnée à Washington et Tel-Aviv», a ajouté cheikh Kassem.
Le secrétaire d’Etat Madeleine Albright a annoncé hier qu’elle a décidé de lever les restrictions imposées depuis dix ans aux Américains souhaitant se rendre au Liban, tout en déconseillant fermement tout voyage au Liban, qu’elle continue de considérer comme «un endroit dangereux». Le département d’Etat a publié à cet effet une mise en garde officielle (VOIR PAR...