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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Séminaire économique : beaucoup d'idées mais rien de concret encore Hariri estime qu'il est très difficile , sinon impossible, de réduire les dépenses de fonctionnement de l'état (photos)

Entreprise — tardive — de partage des responsabilités économiques avec un patronat placé devant le fait accompli de l’endettement, le «séminaire économique» du chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, s’est ouvert hier, au Coral Beach. Les principaux organismes économiques du pays, une quinzaine, ont participé, sous la conduite de M. Hariri, à ce temps de réflexion dont le but est de définir une politique de développement cohérente et globale. C’est la première fois que, depuis son arrivée au pouvoir, voici cinq ans, M. Hariri convoque un tel aéropage.
Ont pris part à ce séminaire, aux côtés du patronat, les ministres des Finances, de l’Industrie, du Travail, de l’Economie, de l’Agriculture et du Tourisme, le gouverneur de la Banque du Liban, M. Riad Salameh, ainsi que les deux vice-gouverneurs, MM. Nasser Saïdi et Fahim Mohdad, le président de l’Institut national pour le développement des investissements, M. Youssef Choukeir, le président du CDR, M. Nabil el-Jisr, la direction de la CNSS et des experts économiques.

La première journée de ce séminaire économique, qui en comprend normalement deux, a commencé par des exposés publics du président du Conseil et du président de la Chambre de commerce et d’industrie de Beyrouth, M. Adnan Kassar. Une seconde partie des débats s’est déroulée à huis-clos. Elle a porté, essentiellement, sur le projet de développement agricole très controversé du ministre de l’Agriculture, M. Chaouki Fakhoury, ainsi que sur la situation de l’industrie et sa place dans l’économie nationale. Compte tenu du nombre des sujets encore à débattre, le chef du gouvernement a déclaré qu’une troisième journée de rencontres n’est pas exclue. Il est donc possible que, le cas échéant, le Conseil des ministres de demain soit ajourné. Certaines sources ont affirmé en outre que le séminaire avec le patronat sera suivi d’un séminaire analogue avec les salariés, mais rien n’est encore fixé à ce sujet. Jeudi, le chef du gouvernement doit s’envoler pour Athènes, où il signera un accord de coopération économique.

M. Hariri a profité de la tribune d’hier pour plaider, une fois de plus, un dossier qu’il connaît bien. Résumant les documents de travail que lui ont remis, séparément, les divers organismes patronaux, le chef du gouvernement a réduit à trois les sujets qui préoccupent ces milieux: le déficit budgétaire, l’augmentation de la dette publique et le service de la dette. Pour certains milieux économiques, en effet, le déficit budgétaire et l’augmentation de la dette risquent, à terme, de compromettre la stabilité monétaire qui est l’une des grandes réalisations de l’ère Hariri.
Pour le chef du gouvernement, soucieux de défendre le plan de reconstruction qui lui est si cher, ce ne sont pas les dépenses d’investissement qui ont provoqué le déficit budgétaire, mais les dépenses de fonctionnement. Insistant sur l’importance de la «stabilité sociale», M. Hariri a affirmé qu’il est très difficile, sinon impossible, de réduire ces dépenses, dont une partie au moins est classée comme une forme de dilapidation des fonds publics.
Le chef du gouvernement a mis au défit quiconque de réussir à réduire le nombre de fonctionnaires surnuméraires (environ 10.000) qui, selon lui, végètent dans différents ministères, notamment à l’Information et à l’Education nationale. Et de préciser que le ministère de l’Information compte 1.200 fonctionnaires, alors qu’il n’en faut pas plus de cinquante. Mais en raison des protections politiques dont jouissent la plupart d’entre eux, et des conséquences sociales désastreuses de licenciements en grand nombre, il a été impossible d’en remercier ne fut-ce que dix, a-t-il dit.
Après avoir convenu qu’une autre façon de renflouer le Trésor serait de mieux percevoir les impôts existants, et de mieux collecter les factures d’électricité et la taxe mécanique, ou encore de privatiser certains secteurs publics, M. Hariri a énergiquement protesté contre les «soupçons» de dirigisme dirigés contre son gouvernement, après les récentes mesures destinées à protéger l’agriculture prises par le gouvernement. Les «constantes» de son gouvernement sont, selon lui: l’attachement à l’économie libérale et au rôle privilégié du secteur privé, l’action en faveur d’un taux de croissance permanente élevé, le développement équilibré entre les régions, l’ouverture de l’économie libanaise sur les économies arabe et mondiale, et le renforcement de son aptitude à affronter les blocs économiques émergents et les centres économiques régionaux qui se sont établis dernièrement.
Mais M. Hariri s’est déclaré hostile à toute idée de substituer, aux emprunts intérieurs effectués par le gouvernement, des emprunts extérieurs, et a déclaré préférer contenir la dette extérieure dans certaines limites.
Au sujet du rôle économique du Liban, le chef du gouvernement a estimé que le pays, à l’instar de beaucoup d’autres, est un pays de services, mais que ces services ne doivent pas représenter, idéalement, plus que 70% de l’économie, les 30% restants devant être assumés par l’industrie d’abord, mais aussi l’agriculture qui, bien que ne représentant qu’une part infime du PIB, assure la subsistance d’un grande pourcentage de Libanais.
Enfin, M. Hariri a mis en garde contre une idéalisation du marché mondial et de l’élimination des barrières douanières, car ces règles sont imposées par les pays industrialisés pour écouler leurs productions, et pourraient être ruineuses pour un pays qui n’y est pas préparé. Aussi, M. Hariri a insisté sur la nécessité de raffermir certains secteurs nationaux, qui risquent d’être éliminés en cas de renversement des barrières douanières, ce qui mettrait en péril la stabilité sociale.

Le mémorandum de Kassar

Donnant la réplique au chef du gouvernement, M. Adnan Kassar a axé sa réponse sur les trois thèmes d’un mémorandum conjoint préparé par les organismes économiques: 1 - Réduction du déficit budgétaire: 2 — Renforcement et croissance des secteurs productifs; 3 — édification, réhabilitation et développement des institutions publiques et privées.
Revenant à la simple équation de la réduction des dépenses et de l’augmentation des recettes, M. Kassar a déclaré que la priorité des priorités va au contrôle du déficit budgétaire. L’un des moyens de réduire l’endettement de l’Etat est de confier au secteur privé la réalisation de certains projets d’infrastructure, a-t-il dit.
Quant à l’augmentation des recettes, elle dépend, selon lui, d’une «réforme radicale du système fiscal» dont certaines des bases doivent être: la collecte des impôts et taxes existantes avant toute nouvelle augmentation d’impôts; la répartition équitable de l’impôt, notamment par sa généralisation à toutes les catégories sociales et professionnelles.
Considérant que la politique douanière dépend de la politique économique, et ne constitue pas un but en soi pour la réalisation de recettes, le mémorandum se prononce pour l’abolition des taxes douanières sur les matières premières utilisées par l’industrie et les machines, et la baisse de ces taxes sur les produits semi-finis utilisés par l’industrie locale.
Au sujet du renforcement des secteurs productifs, M. Kassar a notamment soulevé la question des produits étrangers importés qui font la concurrence à la production locale. Enfin, abordant la question des institutions, le président de la CCIB a réclamé le renforcement des organismes de contrôle administratifs, «premier pas vers une réforme administrative et financière». Ce renforcement permettrait alors la création d’institutions spécialisées dans le domaine du développement des exportations, des zones industrielles, du développement des zones franches, du développement de la recherche scientifique, industrielle et statistique, ainsi que la promotion des caisses mutuelles, etc.
Une partie des débats à huis-clos qui ont suivi a été consacrée au plan triennal de M. Fakhoury pour le développement de l’agriculture et la réalisation d’un «minimum d’autosuffisance». Les représentants du patronat devaient critiquer les mesures protectionnistes préconisées en faveur de l’agriculture, et assurer qu’il y a d’autres moyens pour la développer, comme la construction d’une infrastructure, l’organisation de son financement et l’orientation de la production.
Au cours de cette seconde partie des travaux, qui s’est terminée avec un déjeûner tardif, il a également été question de l’industrie, de l’emploi, de la protection de la main-d’œuvre libanaise, des acquis sociaux. La journée d’aujourd’hui sera consacrée notamment à l’examen de documents de travail préparés par les ministres de l’Industrie et du Tourisme. M. Nicolas Fattouche, précise-t-on, a protesté contre le fait de n’avoir été informé de l’existence du séminaire économique que samedi dernier... ce qui ne lui a pas laissé le temps suffisant pour s’y préparer. M. Hariri s’est réuni hier soir avec les ministres de l’Economie et des Finances, en prévision de la reprise des débats aujourd’hui.
Entreprise — tardive — de partage des responsabilités économiques avec un patronat placé devant le fait accompli de l’endettement, le «séminaire économique» du chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, s’est ouvert hier, au Coral Beach. Les principaux organismes économiques du pays, une quinzaine, ont participé, sous la conduite de M. Hariri, à ce temps de réflexion...