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Actualités - DISCOURS

Cérémonie de remise de diplômes à l'USJ Tabbarah en appelle aux jeunes pour combattre le confessionnalisme Abou : les institutions politiques et sociales ne se justifient que dans la mesure où elles concordent avec le libre développement de l'individu (photos)

Six cent quarante-neuf étudiants de neuf facultés de l’Université Saint-Joseph ont obtenu samedi leurs diplômes de fin d’études, lors d’une cérémonie qui a été organisée pour l’occasion a campus des sciences humaines, en présence notamment du ministre de la Justice, M. Bahige Tabbarah. Dans son discours, M. Tabbarah a mis l’accent sur l’importance du rôle que les jeunes peuvent jouer pour résoudre le problème du confessionnalisme au Liban, tout en insistant aussi sur leur contribution à l’édification du pays et surtout sur les bases sur laquelle cette édification doit être fondée. Ce dernier point a transparu en filigrane dans le discours que le recteur de l’USJ, le père Sélim Abou, a également prononcé pour l’occasion. Le père Abou s’est longuement étendu sur le thème des sciences humaines en prenant comme point de départ la différence entre les deux appellations: sciences humaines et sciences sociales.
Ce sont les étudiants des facultés de droit et des sciences politiques (151), des sciences économiques (91), de gestion et de management (163), des lettres et des sciences humaines (120, de l’Ecole libanaise de formation sociale (21) et des instituts libanais d’éducateur (20), de langues et de traduction (37), d’études scéniques et audiovisuelles (28) et de lettres orientales (18) qui ont obtenu leur diplômes samedi.
S’adressant aux jeunes diplômés, le ministre Tabbarah a rappelé son parcours d’étudiant puis de professeur de droit à l’USJ. Il a aussi rappelé qu’il y a 66 ans, le «commandant» Charles de Gaulle s’était adressé à le jeunesse libanaise à l’occasion d’une cérémonie de remise de diplômes à l’USJ «en des mots qui restent toujours d’actualité». Citant «le commandant De Gaulle», M. Tabbarah a déclaré:
«Le dévouement au bien commun — voilà ce qui est nécessaire puisque le moment est venu de rebâtir. Et justement pour vous, jeunesse libanaise, ce grand devoir prend un sens immédiat et impérieux, car c’est une patrie que vous avez à faire. Sur ce sol merveilleux et pétri d’Histoire, appuyés au rempart de vos montagnes, liés par la mer aux activités de l’Occident (...) il vous appartient de construire un Etat. Non point seulement d’en partager les fonctions, d’en exercer les attributs, mais bien de lui donner cette vie propre, cette force intérieure, sans lesquelles il n’y a que des institutions vides. Il vous faudra créer et nourrir un esprit public, c’est-à-dire la subordination de chacun à l’intérêt général, condition sine qua non de l’autorité des gouvernants, de la vraie justice dans les prétoires, de l’ordre dans les rues, de la conscience des fonctionnaires. Point d’Etat sans sacrifices: d’ailleurs, c’est bien de sacrifices qu’est sorti celui du Liban... ...Oui, la jeunesse libanaise, qui demain sortira d’ici, sera bien préparée à sa tâche nationale. Marchant sur les pas de ses aînés ... résolue à la discipline et au désintéressement..., cette élite sera le ferment d’un peuple chargé, dorénavant, des lourds devoirs de la liberté».
Après avoir rappelé que l’université demeure «un sanctuaire pour les valeurs qui doivent rester le moteur de tous les secteurs de la société», le ministre a mis l’accent sur les valeurs de liberté «avec ce que cela suppose comme ouverture sur les autres» et de solidarité entre les individus d’une même société.

Des solutions radicales

S’adressant aux jeunes diplômés «nés pour la plupart juste avant ou durant la guerre» et estimant par conséquent «qu’ils réalisent plus que d’autres l’importance de la paix civile et la nécessité de consolider l’unité de la société», M. Tabbarah a déclaré: «Que votre principal souci soit de profiter de l’expérience des générations qui vous ont précédés et d’éviter les erreurs qu’elles avaient commises. Votre génération aura peut-être comme principale tâche de combattre le confessionnalisme et de lui trouver des solutions radicales et objectives et non pas fragmentaires».
Le ministre a considéré que le problème du confessionnalisme sera réglé par étapes, mais a précisé que l’objectif du processus de règlement doit «demeurer clair et ne peut faire l’objet d’aucune concession: l’allégeance du citoyen doit aller directement à la patrie et non pas indirectement à travers l’allégeance à une confession ou à une communauté. Le fanatisme confessionnel est à l’antipode de la liberté: il reflète une régresson de la foi dans l’esprit des individus, fait éclater la société et détruit l’allégeance de l’individu à sa patrie. Aussi, faut-il le combattre».
M. Tabbarah a conclu en appelant les jeunes à croire dans l’avenir du Liban et à œuvrer pour cet avenir. Il a souligné que leur refus de toute anomalie relevée au niveau de la vie publique «est un signe de santé à condition, a-t-il ajouté à l’adresse des étudiants, que ce refus ne vous conduise vers le désespoir ou le désenchantement».
Le ministre de la Justice a pris la parole après que le recteur de l’USJ eut prononcé un discours dans lequel il n’a commenté que par quelques allusions certains aspects de la vie politique ou institutionnelle au Liban. Son discours était axé sur le sens et la pratique des sciences humaines avec tout ce que cela implique.
«Ce n’est pas sans raison que votre campus, celui de la rue Huvelin, s’appelle campus des sciences humaines et non des sciences sociales, a déclaré la père Abou. La différence entre les deux appellations indique une différence de perspective, que je crois essentielle. Quelle que soit votre discipline, elle vous a été enseignée non seulement comme une science sociale, mais aussi et surtout comme une science humaine. Une science humaine a pour référence ultime de ses interprétations non pas la réalité sociale telle qu’elle est, mais l’idée d’humanité qui la transcende; de ce fait, elle démystifie l’idéologie qui cherche à consacrer l’ordre social établi et privilégie l’utopie qui, au nom de l’homme, vise à l’améliorer; elle ne peut s’acquitter de cette tâche que si, au-delà de ses applications pratiques, elle demeure enracinée dans le champ théorique qui la fonde. Telle est la triple exigence inhérente à vos disciplines respectives».
Il a poursuivi: «Pour mériter leur nom, les sciences humaines doivent prendre, comme cadre de référence de leurs interprétations, le concept d’homme tel qu’il résulte des études comparées des sociétés et des cultures, ce qui a pour effet de relativiser chaque société et chaque culture et d’en mesurer les valeurs à l’étalon de ce concept qui, lui, est pris en charge et élaboré par la pensée philosophique. Or la pensée scientifique ou positive qui domine notre temps tend à transformer les sciences humaines en simples sciences sociales, exclusivement attentives au bon fonctionnement d’une société donnée et prenant cette société, telle qu’elle est, comme ultime cadre de référence. Dès lors, elles tendent à interpréter tous les phénomènes humains, collectifs et individuels, en termes de fonction et de dysfonction par rapport à l’ordre social établi qui, lui, n’est jamais mis en question. Elles s’efforcent de traduire les revendications, les protestations, les refus des citoyens, qui souvent ont précisément la portée générale d’une mise en question de cet ordre social, en termes d’inadaptations particulières, personnelles, auxquelles il est nécessaire et possible de porter remède. En somme, à la fonction critique inhérente à leur finalité, elles substituent une fonction exclusivement thérapeutique».
Pour le père Abou, «pratiquer les sciences humaines comme de simples sciences sociales, c’est s’enfermer dans un langage fragmentaire et descriptif qui ne peut qu’affirmer et confirmer l’état de fait. C’est oublier que les institutions politiques et sociales en vigueur dans un pays donné ne se justifient que dans la mesure où elles concordent avec le libre développement de l’individu. C’est oublier que la société du bien-être économique n’a de sens que si elle s’accompagne d’un développement culturel, collectif et individuel analogue. C’est oublier que l’homme n’est pas seulement un citoyen conditionné par sa société et sa culture, mais aussi et surtout un individu singulier différent de tous les autres, et hanté par l’universel comme tous les autres. C’est cet oubli, ou cette impasse sur la finalité même des insitutions politiques, juridiques, économiques et culturelles qu’entérinent les centaines de rapports et d’enquêtes parcellaires qui encombrent les tiroirs de l’administration publique, dans notre pays comme dans bien d’autres, quel que soit leur degré de développement».
«En effet, prendre l’ordre social établi comme référence ultime de l’interprétation et de l’évaluation d’un phénomène donné — juridique, politique, économique, social ou culturel — c’est, consciemment ou inconsciemment, se rendre complice de l’idéologie qui vise à le perpétuer, a-t-il ajouté. A l’idéologie conservatrice du passé, les sciences humaines ont pour vocation d’opposer l’utopie régulatrice du futur. L’utopie, on l’aura compris, n’est ici rien d’autre que l’idée d’humanité telle qu’elle résulte du principe de «l’égalité des êtres raisonnables et libres» qui fonde les droits de l’homme».
«Comme le signale Max Weber, le jugement de valeur en sciences humaines consiste à expliciter l’écart qui existe entre le fait social réalisé et l’idéal ou l’idée régulatrice qu’en ont les acteurs sociaux. Ainsi, par exemple, juger l’état de la démocratie au Liban, c’est faire apparaître l’écart qui existe entre l’idée démocratique telle qu’elle résulte du principe de «l’égalité des êtres raisonnables et libres» présent à toute conscience, et ses réalisations concrètes dans le pays. La mesure de cet écart passe par des intermédiaires: c’est en comparant l’état de la démocratie au Liban à son état dans des pays plus avancés que les Libanais prennent conscience des changements à opérer et des progrès à faire pour que leur pays devienne une démocratie digne de ce nom».
Six cent quarante-neuf étudiants de neuf facultés de l’Université Saint-Joseph ont obtenu samedi leurs diplômes de fin d’études, lors d’une cérémonie qui a été organisée pour l’occasion a campus des sciences humaines, en présence notamment du ministre de la Justice, M. Bahige Tabbarah. Dans son discours, M. Tabbarah a mis l’accent sur l’importance du rôle que...