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Actualités - REPORTAGE

Le centre national des sciences marines s'installe à Batroun (photos)

Le Centre national des sciences marines (CNSM) s’est installé récemment dans ses nouveaux locaux de Batroun. Un bâtiment tout blanc, les pieds dans l’eau... Priorité du directeur, M. Hratch Kouyoumjian: développer ce centre de manière durable, «afin de justifier son existence et les dépenses que l’Etat a engagées pour le restaurer». Le hall d’entrée, hérissé de colonnes blanches, est flambant neuf. Au fond, une baie vitrée offre un très bel horizon maritime. Une porte vitrée à droite donne accès au Centre. Un petit escalier conduit au premier niveau: réception, laboratoires, bureaux de la direction et bibliothèque occupent quelque 750 m2. L’espace est tout blanc.
Le noyau du Centre national des sciences marines a été créé juste avant la guerre, «et concrétisé en 1977 par le CNRS», raconte le directeur. «Deux facteurs ont contribué à cette mise en place effective: la réunion de Stockholm sur l’environnement en 1972 et l’assistance de l’UNESCO comme de la Fondation Ford. Au moment de la création, nous étions deux personnes. Le Centre s’est développé, et nous avions à la fin des années soixante-dix , une vingtaine d’employés dont neuf chercheurs».
Les deux appartements que le Centre squattait à Jounieh se faisant trop étroits, décision est prise de le transférer à Batroun en novembre 1996.
Les nouveaux locaux ont été restaurés par le ministère de l’Agriculture. Le Centre de recherche en occupe la moitié, l’autre moitié devant, normalement, accueillir une école technique de formation aux sciences de la mer.
«Le Centre maritime est une émanation du Centre national de recherche scientifique (CNRS) libanais et nous dépendons directement du bureau de la présidence du Conseil», souligne M. Kouyoumjian.
Outre trois unités de service: la bibliothèque, le bureau de documentation et la station de météorologie, le Centre comprend différentes cellules de travail: une unité opérationnelle; une section d’analyse de la chimie de la mer; une de surveillance de l’environnement des côtes; une d’océanographie, une de planétologie; et une de microbiologie. «Et nous démarrons une unité d’aquaculture. Ces unités sont définies de manière arbitraire, pour faciliter le fonctionnement du centre. Les laboratoires ne sont en fait pas séparés physiquement», fait remarquer M. Kouyoumjian.

Activités multiples

Le but du centre est l’étude de la mer, «de ses richesses et de sa productivité. Et des recherches sur le développement durable des ressources et de la côte». Pour ce faire, les employés du centre sont chargés de faire des prélèvements et des analyses, et d’établir sur leur base des études et des plans d’action. Quel genre de plans? «Par exemple, sur demande du ministère des Transports, nous avons établi un plan de lutte contre la pollution pétrolière accidentelle», explique M. Kouyoumjian. «Nous sommes également impliqués dans les travaux visant à développer la côte et à définir sa biodiversité. Nombre de nos employés sont actifs dans les ONG et les milieux universitaires. Nos résultats sont publiés dans des revues scientifiques. Nous remettons par ailleurs, un rapport administratif annuel au CNRS». La mission du CNSM ne se limite pas à la recherche: l’aquaculture est également «une assistance au développement économique», explique le directeur.
«Un plan de cette unité nous a été commandé par le ministère de l’Agriculture. Le but est de créer une culture de poissons d’eau de mer de qualité et d’en augmenter ainsi la production. La pisciculture est une technique déjà très utilisée dans les pays riverains de la Méditerranée, elle est encore peu développée au Liban». Et il souligne que «cette technique permet d’améliorer la production marine tout en lui gardant son cachet artisanal. Nous, en tant que Centre, serions prêts à superviser la mise en place de cette station pilote». A part son travail quotidien d’analyse, le CNSM effectue des études pour le compte des commissions parlementaires ou des ministères. «Nous étudions aussi les répercussions locales de problèmes internationaux ou régionaux en rapport avec le bassin méditerranéen. Mais n’oublions pas que nos activités dépendent des spécialistes et de l’équipement que nous avons. Cela peut parfois limiter nos actions».
Le CNSM a des plans de collaboration avec des organismes internationaux: «Avec le Centre des sciences de la mer de Lattaquié, nous menons une étude conjointe sur les espèces migratoires de la mer Rouge. Nous travaillons également avec IFREMER (Institut français de recherche pour l’exploitation des mers) et avec diverses agences des Nations Unies».
Le Centre a un budget de fonctionnement annuel d’une centaine de milliers de dollars, «budget octroyé par le CNRS», précise M. Kouyoumjian. «Il nous suffit pour le fonctionnement. Mais nous avons des besoins en matériel. Quelques-unes des machines que nous utilisons datent d’une quinzaine d’années et ont perdu de leur efficacité». Et de donner des exemples concrets: «le gaz chromatographe (GLC), utilisé dans l’analyse des pesticides et le spectroscope (AAS) dans l’analyse des métaux, coûtent chacun quelque 80.000 dollars. Nous recevons une aide de l’UNESCO pour des problèmes bien définis. En l’occurrence, ils nous donnent une cinquantaine de milliers de dollars et nous pourrons les investir pour une des deux machines». M. Kouyoumjian explique, très rationnel, que «si nous n’avons pas ces machines, la «capabilité» du centre va baisser, son rendement également. Si l’Etat a investi dans la restauration du Centre, c’est certainement dans le but de le rendre opérationnel et donc rentable». Autre manque pour le CNSM: «Un bateau de recherches. Il pourra d’ailleurs être utilisé aussi bien par nous que par les ministères de l’Agriculture et de l’Environnement ou également par les universités. Une sortie en felouque, aujourd’hui, nous est facturée entre 75.000 LL et 150.000 LL».
Le CNSM a actuellement une vingtaine d’employés: six administratifs, neuf assistants de recherche, et seulement quatre chercheurs (détenteurs d’un PhD). «Les spécialités des chercheurs: planétologie, océanographie et écologie. Mais nous avons un gros problème: nous pâtissons d’une pénurie de spécialistes en océanographie. D’abord l’AUB, qui était la seule université à dispenser une formation en sciences de la mer, ne le fait plus. Ensuite, les spécialistes que nous avions ont quitté le pays: les deux chercheurs dans le domaine de la pêche, la microbiologiste et les deux biologistes». Et de déplorer que «la recherche ne soit malheureusement pas une priorité. Nous avons carte blanche pour embaucher, mais il n’y a ni budget ni choix de chercheurs qualifiés». Et il rajoute, «un centre comme le nôtre doit avoir au moins une dizaine de chercheurs».

Pollution

On ne peut se retrouver dans ces locaux à l’atmosphère «saine» sans vouloir savoir, au juste, où en est notre environnement maritime. En scientifique éprouvé, M. Kouyoumjian détaille les résultats des différentes études menées. «Nous avons une idée assez complète de la biodiversité, il nous manque des données précises sur les algues, mais nous y remédions. Nous avons une idée plus précise mais fragmentée des courants maritimes au long de la côte. Nous avons mis en place un plan de surveillance de la côte qui compte différents paramètres nous permettant de donner un indice de pollution». La pollution a de nombreuses origines: chimique, domestique, thermique et agricole. «Sur la base d’une étude qui s’étend sur dix ans, nous pouvons dire que la situation s’est détériorée de façon très lente, mais systématique», souligne le directeur. «Tant que les ordures ménagères ne seront pas traitées et qu’on ne mettra pas en place un système de traitement des eaux usagées, la pollution côtière persistera».
L’UNESCO a déclaré 1998, année de l’Océan. Le CNSM ne sera pas en reste et célébrera l’événement. «Deux activités dans ce cadre: l’adoption du «Bulletin scientifique libanais» qui paraît deux fois par an et qui s’intitulera désormais «La Côte et l’eau». Et l’organisation d’une exposition géante ouverte à tous les artistes libanais, sur le thème «l’homme et l’océan»». Les participants auront une dizaine de mois pour exécuter leur travail, puisque l’expo viendra en clôture de l’année.

Aline GEMAYEL
Le Centre national des sciences marines (CNSM) s’est installé récemment dans ses nouveaux locaux de Batroun. Un bâtiment tout blanc, les pieds dans l’eau... Priorité du directeur, M. Hratch Kouyoumjian: développer ce centre de manière durable, «afin de justifier son existence et les dépenses que l’Etat a engagées pour le restaurer». Le hall d’entrée, hérissé de...