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Actualités - REPORTAGE

Les réfugiés au Liban : un drame d'identité, malgré une aide à la réadaptation

3.000 réfugiés reconnus par les Nations Unies (indépendamment de la présence de près de 340.000 palestiniens) le Liban est marqué par le phénomène d’exode qui marque l’histoire des migrations.
Partout des hommes, des femmes et des enfants sont soumis aux plus difficiles conditions de vie dues au déracinement. Plus que la violence ou l’humiliation, c’est un véritable arrachement aux valeurs traditionnelles, source de conflits, de marginalité et d’une souffrance vécue au-delà du pays d’origine.
Si ce déracinement suscite une prise de conscience universelle et des prises de position au niveau des instances internationales — dans certains cas et pour certains pays — il n’en reste pas moins que réinstaller un réfugié dans un pays d’accueil, ne suffit pas à résoudre ses problèmes. La communauté internationale le sait pertinemment. Elle considère d’ailleurs cette «réinstallation dans un pays tiers» comme «la solution la moins souhaitable à un problème de réfugiés».
Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés n’est pas dupe. Il fait même allusion à une «solution de dernier recours» dans un des documents du Comité Exécutif.
Il est évidemment complexe de réadapter des réfugiés à des cultures, des langues, des climats complètement différents. Plus qu’une solution de dernier recours, ce sont des «Droits» que nous sommes amenés à protéger.
L’officier de liaison, représentant du Haut Commissariat des Nations Unis pour les Réfugiés, M. Hafez Allaoui, fait remarquer que «l’ONU assure la protection des réfugiés, en collaboration avec les autorités libanaises. San compter les palestiniens, les réfugiés reçoivent une assistance sur le plan matériel, juridique et éducationnel. Le programme mis en œuvre par le Conseil des Eglises du Moyen-Orient s’efforce de répondre aux multiples besoins de chaque réfugié. Le programme qui nécessite une budget de 1.100.000 dollars américains par an est mis en œuvre par une équipe spécialisée».
Si une coopération se fait avec les ministères concernés, l’Intérieur, les Affaires étrangères, et la Direction générale de la Sûreté, il n’en reste pas moins que «l’Etat ne reconnaît pas le statut des réfugiés, mais ne remet pas en cause leur existence et l’action du HCR. Au contraire, souligne M. Allaoui, une carte d’identité délivrée par notre organisme leur permet de vivre et de travailler sous l’ombrelle des Nations Unies. Elle justifie en fait leur séjour dans un pays à vocation humanitaire d’autant plus que le Liban fait partie du comité exécutif du programme du HCR, parmi 51 Etats. Il est membre depuis 1996 du Conseil économique et social des Nations Unies. Ces deux organes orientent et contrôlent les activités du Haut commissariat des Nations Unies. Conformément aux instructions données par les autorités libanaises, le certificat délivré par le HCR permet aux personnes ou familles concernées de vivre et de travailler quelques mois ou 2 à 3 ans en harmonie avec leur nouvel environnement».
Le peuple libanais est sensible à leur tragédie et leur drame. Mais en dépit de ce climat de liberté et d’hospitalité, les réfugiés ne vivent pas bien en général leur situation et traversent des périodes dures. Forcés de quitter leur pays, ils auraient voulu retourner chez eux.
Une vie ailleurs que chez soi est une expérience très difficile à supporter car elle est vidée de son essence qui reste le milieu naturel du pays d’origine.

Une attention particulière

Du fait de plusieurs facteurs liés à des conflits armés, des conditions socio-économiques précaires ou des divergences à caractère intellectuel ou religieux, les réfugiés sont accueillis dans les bureaux spécialisés qui effectuent des enquêtes, font des analyses et procèdent à des évaluations en vue de leur faire délivrer des cartes de réfugiés, Leur situation est temporaire, mais, certains préfèrent rester à leur compte.
L’assistance financière est assurée par des contributions volontaires de différents gouvernements. Les pays donateurs les plus généreux sont au nombre de 17 mais l’aide reste insuffisante.
Le programme d’action sur le terrain se prépare en coordination avec le HCR et dans le cadre du travail social entrepris par le Conseil des Eglises du Moyen-Orient qui devient le partenaire opérationnel explique Mme Mona Abou Jamra, coordinatrice du programme. Ce travail consiste à assurer un service médico-social, scolaire, professionnel à travers des projets techniques, un travail d’animation de groupe et bien sûr la protection sécuritaire... Toute cette action devrait favoriser la nouvelle «réinstallation».
Cette dernière dite «ré-intégration» n’est pas facile. Les familles s’intègrent tant bien que mal et exercent des travaux en fonction de leur nature et de la nationalité des demandeurs d’emploi. En gros, il se trouve que les Somaliens s’orientent vers les centres balnéaires et les stations d’essence; les Soudanais vers les super-marchés et restaurants; les Irakiens vers l’immobilier et les usines... Nous ne prenons pas en considération les travaux effectués par les travailleurs étrangers qu’ils soient clandestins ou légaux tels les Egyptiens, les Sri-lankais, les Philippins, les Syriens... Dans la plupart des cas, les enfants sont scolarisés dans le secteur public et privé. Le problème de la langue ne facilite pas l’adaptation et beaucoup, dès l’âge de 14-15 ans, sont obligés de quitter l’école pour travailler dans des entreprises techniques. Aucun problème de délinquance ne semble avoir été signalé. Ceci peut probablement s’expliquer par la présence d’une cellule familiale suffisamment solide.
Quant aux femmes, certaines travaillent dans des ateliers ou chez des particuliers en tant que femmes de ménage. Le travail est souvent perçu différemment selon la confession et le statut social de la famille.
Les salaires varient en fonction du travail: les femmes touchent à peu près 150 dollars par mois; les hommes, entre 150 et 300 dollars. Une aide financière apporte un petit réconfort. Cette aide assurée par le HCR permet à une personne de recevoir 70 dollars, un couple recevra entre 140 et 180 dollars, 3 à 4 personnes peuvent recueillir à peu près 410 dollars et 6 personnes: 510 dollars. Cette donation s’effectue chaque 3 mois.

Caritas «MONA»

Dans le cadre des activités de Caritas au Liban, un service fonctionne à Jal et-Dib depuis décembre 1994 et les ramifications touchent le Moyen-Orient et le nord de l’Afrique d’où l’appellation «MONA». Ce travail d’envergure s’inscrit dans le cadre d’une politique globale prenant en compte les migrants, les réfugiés et les déplacés. Il faut trouver des solutions, en sachant pertinemment bien au départ quels sont les problèmes et quelles devraient être les solutions envisageables.
Dans le programme régional pour Caritas-MONA, publié dans le cadre d’une rencontre, les 22-24 novembre 1996 à Bruxelles, sur les migrants, réfugiés et Déplacés, on décrit brièvement les problèmes et on aborde les solutions en faisant allusion à la contribution de l’Etat ou d’autres organisations.(1) Une appel pressant est lancé qui va au-delà de l’assistance et qui concerne la conception que tout être humain devrait se faire de la justice, du devoir et des droits de l’homme. C’est ainsi que l’on peut lire:
«On doit trouver de nouvelles solutions à la situation des réfugiés et migrants du Tiers monde. Une minorité peut aujourd’hui venir en Europe pour demander le droit d’asile, se créer un refuge et par là même un nouvel et meilleur avenir. Seules les issues régionales et locales semblent aujourd’hui être concevables. C’est bien entendu et en premier lieu une question de justice et un développement durable, spécialement dans les pays les plus pauvres. On doit cependant être constructif et essayer de donner de l’appui à ces gens qui, pour des raisons politiques, religieuse, sociales et économiques ont pris le chemin du refuge. Caritas Suède, Secours Catholique et International Catholic Migration Commission ont donné leur appui pour l’établissement d’un bureau pour les migrants et réfugiés à Beyrouth. L’organisation qui applique le projet, Caritas Liban, travaille avec les réfugiés africains et arabes, les travailleurs étrangers asiatiques et les migrants de différents pays. Depuis que le centre a commencé son travail en décembre 1994, environ 100 cas ont reçu de l’aide. Caritas au Moyen-Orient/Nord Afrique veut maintenant élargir cette expérience à un niveau régional. Un programme intégral pour les réfugiés et les migrants sera mis en marche afin de renforcer et développer les structures existantes. Les partenaires collaborateurs seront: Caritas Liban, Caritas Irak, Caritas Egypte, Caritas Somalie, Caritas Soudan ainsi que Caritas Tunisie pour le nord d’Afrique. Cette collaboration s’inspire de l’idée du nouveau partenariat dans la région euro-méditerranéenne lancée par l’Union européenne».
Le programme régional pour Caritas Liban prend en considération plusieurs réalités vécues et perçues comme source de marginalisation avec tout ce que cela peut entraîner comme conséquences négatives pour les personnes concernées. Projet-pilote, ce programme propose une action sur le terrain, plus efficace, d’autant plus que l’expérience et les professionnalisme de plusieurs années de réflexion et de travail à travers une série de projets ont permis de mieux cerner les problèmes et de besoins. Caritas-Suède a largement contribué à cette recherche aussi bien dans le domaine des investissements économiques que méthodologiques. Elle «contribuera pour un million de SEK de ses propres ressources...»
Sept activités sont signalées. Elles touchent plus particulièrement la famille, les prisonniers, l’état de migration, l’assurance médicale de groupe, les activités créant des revenus, l’aide pour le logement, le retour.
En ce qui concerne la réunification familiale et le rapatriement, le rapport précise: «Plusieurs réfugiés et migrants ont une famille et des parents dans un troisième pays, souvent en Afrique, parfois en Europe ou en Amérique du Nord. La plupart n’ont pas les moyens pour continuer leur chemin et se réunir avec les leurs. Dans le cas où le migrant obtient le visa et s’il possède de documents de voyage légaux, Caritas donnera un appui complémentaire, en couvrant la moitié des frais du voyage. Ceci se fait après une enquête de l’assistante sociale. UNHCR manque souvent des moyens, mais peut toujours et dans certains cas donner du soutien. Il existe pourtant une coordination avec eux ainsi qu’avec d’autres organisations privées. Le but est de donner une aide d’environ 300 USD par cas, à 100 cas/année =30.000 USD»
Pour ce qui a trait à l’appui légal ou projet pour les prisonniers, la situation est dramatique dans la plupart des cas et l’isolement peut être fatal. En effet: «Ne possédant pas des documents de voyage légaux, le permis de séjour/visa ayant expiré, accusés d’actions criminelles, victimes de persécutions politiques etc., plusieurs réfugiés/migrants ont fini ainsi dans les prisons. Ceci constitue une totale catastrophe pour la plupart des réfugiés et migrants au Moyen-Orient. Aucun conseil juridique ou appui légal ne leur est donné, aucun procès ne se met en cours, plusieurs personnes sont tout simplement oubliées dans les prisons, les hôpitaux psychiatriques ou dans des locaux souterrains sans nourriture ni électricité ni toilettes et même sans accès à la lumière naturelle etc. Caritas a de bons contacts avec des avocats et juristes dans plusieurs pays arabes. Il est souvent nécessaire d’établir un contact avec un juge, un policier ou un bon agent de liaison pour attirer l’attention sur ce problème et essayer de le résoudre. Plusieurs demandeurs d’asile expulsés au Liban ou en Syrie ont fini dans les prisons. Avec l’aide de quelques avocats, Caritas a réussi à mettre en liberté plusieurs cas. Le but est de donner un appui d’environ 400 USD par cas, à 100 cas/année =40.000 USD»
Une bonne information s’appuyant sur des arguments et une documentation fournie ne peut que susciter l’intérêt. Celle que propose le Programme est importante, non seulement pour «créer une opinion» mais tout simplement pour informer de la vraie situation et des véritables préoccupations sur «la situation réelle des réfugiés et migrants dans la région-MONA». C’est pourquoi disent les responsables: «Nous souhaitons réaliser un film-vidéo et une exposition de photos qui pourraient être utilisés dans les écoles et autres institutions éducatives. La situation des réfugiés africains au Moyen-Orient, par exemple, doit être signalée, de même que celle des 50.000 domestiques srilandaises qui travaillent au Liban. Le film et la matière seront faits en arabe avec un personnel local. Nous souhaitons avec quelques universités arabes, stimuler les étudiants à faire des compositions et des recherches autour des questions de migration / réfugiés. Une bourse symbolique pour les étudiants en cours de recherche peut être une possibilité (1.000-2.000 USD / composition). Le but est: Le film: 8.000 USD, exposition: 2.000 USD, 3-4 compositions: 5.000 USD, le total: 15.000 USD».
Qu’en est-il de la Sécurité Sociale et des soins médicaux? Nous savons que les réfugiés et migrants n’ont souvent pas un accès à ce type d’assistance qu’il s’agisse de maladie ou d’accident. C’est pourquoi Caritas Liban «a négocié avec une série de compagnies d’assurance privée prête à souscrire une assurance médicale aux étrangers. Caritas Liban a en principe interviewé toutes les familles soudanaises qui existent au Liban (quelques centaines au total). La plupart y vivent depuis la fin des années 80. Si on assure 100 familles pour une année, ceci coûterait environ 300 USD/famille. Si chaque famille contribue de 20% du coût total (5 USD/mois), ceci produirait 6.000 USD/année, somme qui permettrait d’aider 20 nouvelles familles. Naturellement, cette construction est délicate, mais si l’on paye sa part, on ferait aussi preuve d’une solidarité vis-à-vis d’autres familles qui se trouvent dans une situation similaire. Le but est 100 fam/année x 240 USD = 24.000 USD»
La création d’emploi peut sûrement contribuer à favoriser non seulement l’adaptation mais peut permettre à ces groupes ou individus de se sentir fonctionnels, participant activivement à l’édification de la société. C’est ainsi qu’ils pourront se débarrasser de leur sentiment de dépendance.
«Les arabes (libanais/syriens qui ont perdu tous leurs moyens durant la guerre civile au Liberia, Zaïre et autres pays de l’Afrique) peuvent par exemple former un groupe cible. Plusieurs milliers de familles libanaises sont rentrées dans leur pays venant de Monrovia, après avoir été ruinées à cause de conflits se déroulant là-bas. D’autres demandeurs d’asile ont été expulsés de l’Europe après avoir vécu plusieurs années dans des camps de réfugiés. D’autres encore peuvent avec un moindre prêt se créer un meilleur avenir en ouvrant par exemple un magasin, garage, boulangerie ou autre forme de service. Le but est de donner une aide de 2000 USD max par cas à 100 cas/année = 200.000 USD».
Quand à l’aide pour le logement:
«Elle est importante dans toutes ses formes mais constitue aussi une autre question difficile qu’on doit résoudre. Caritas peut exceptionnellement aider des cas particuliers (ceci concerne uniquement les demandeurs d’asile arabes expulsés et ayant besoin d’une aide de démarrage) mais préfère en premier lieu aider 5-6 personnes en groupe. Il peut s’agir par exemple des étudiants africains en terme d’une formation professionnelle et qui pourront ainsi bénéficier d’un examen... Caritas peut aider, pendant une période limitée, à payer une partie du loyer. On pourrait également aider dans certains cas à fournir un logement où 5-6 jeunes peuvent cohabiter. 100 cas (environ 500 personnes) peuvent obtenir une aide de 50 USD/mois pendant une période maximale de 6 mois = 30.000 USD.»
Pour conclure, il est question de l’appui pour le retour et l’aide de démarrage:
«Elle est importante pour les demandeurs d’asile arabes expulsés de plusieurs pays européens. Ils se trouvent souvent dans une situation critique après avoir vécu plusieurs années dans des camps de réfugiés ou avoir été complètement isolés. Certaines personnes manquent de tous les moyens pour pouvoir redémarrer. D’autres peuvent assez vite redémarrer grâce à l’aide reçue en formation professionnelle, logement, travail ou conseils sociaux et psychologiques. Chaque cas est unique et exige une attention spéciale. Le but est de donner une aide maximale de 1.000 USD par cas à 20 cas/année = 20.000 USD.»
Plusieurs activités ont déjà démarré. Le programme est prévu pour une durée de 3 ans (1996-1999) mais le financement restera le problème épineux pour une action d’envergure qui doit aussi prévoir des frais pour le renforcement du personnel, pour l’achat du matériel et les frais administratifs. Certes Caritas. MONA s’attend à une longue tâche. L’organisme aura donc:
«La responsabilité de coordonner ces activités. Les organisations qui les appliqueront sont les organisations membres de Caritas au Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Plusieurs organisations européennes vont également apporter leurs contributions. Les frais de démarrage seront couverts on l’espère, par l’ONU.»

(1): Ce document nous a été remis par le secrétaire régional pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord au siège de Caritas à Jal el-Dib: M. Johan Gärde — Caritas Internationalis —MONA
3.000 réfugiés reconnus par les Nations Unies (indépendamment de la présence de près de 340.000 palestiniens) le Liban est marqué par le phénomène d’exode qui marque l’histoire des migrations.Partout des hommes, des femmes et des enfants sont soumis aux plus difficiles conditions de vie dues au déracinement. Plus que la violence ou l’humiliation, c’est un véritable...