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Actualités - ANALYSE

Taëf : Ibrahimi témoin, à son corps défendant, d'un ratage quasi total..

Lakhdar Ibrahimi aime le Liban, on ne peut en douter: cet extraordinaire diplomate, ancien ministre des Affaires étrangères d’Algérie, grand artisan de la rencontre interlibanaise de Taëf sort d’une retraite volontairement consentie («quarante ans sur la brèche; les Algériens nous ont assez vus…» dit-il) pour venir ici animer de sa présence une nouvelle phase de réflexion sur le pacte qui a mis fin à la guerre intestine, comme sur les égarements qui en sept ans en ont marqué l’application… ou la non-application, suivant les clauses. Pénible ironie de l’histoire, c’est avec l’expérience des effroyables déchirements que connaît son propre peuple que Lakhdar Ibrahimi revient à Beyrouth.
Bien entendu dans ses nombreuses prestations médiatiques, devant les télés, dans les tables rondes, dans les rencontres avec les pôles locaux, Lakhdar Ibrahimi a été mitraillé de questions sur Taëf. L’on a évoqué ainsi d’abondance les failles multiples, les causes pour lesquelles certaines dispositions essentielles de l’accord restent lettre morte, ainsi que l’évaporation des engagements arabes, sujet qui intéresse particulièrement l’ancien ministre algérien puisqu’il avait agi au Liban en tant que délégué de la Ligue et du comité tripartite supérieur (Algérie, Maroc, Arabie Séoudite) assisté d’un comité ministériel.
Au sommet de Casablanca, il avait été décidé que la mission confiée à ces deux comités et à leur émissaire spécial devait chercher à atteindre les objectifs suivants:
— Retour à la normale; réalisation de l’entente nationale; soutien à une légalité fondée sur cette même entente; appui aux efforts du gouvernement pour en finir avec l’occupation israélienne et pour étendre son autorité sur l’ensemble du territoire national afin d’y faire maintenir l’ordre par ses forces régulières propres; rétablissement de la souveraineté et des institutions centrales dans toutes les régions du pays pour permettre la reconstruction…
— Concrétisation dynamique de la responsabilité commune arabe, globalement engagée en ce qui concerne le problème libanais, les pays membres de la Ligue devant tous participer dans un esprit positif à l’étude des solutions requises, tout en apportant leur aide politique et matérielle au Liban.
— Organisation d’élections présidentielles par le biais de l’Assemblée nationale libanaise, le nouveau chef de l’Etat devant ensuite mettre sur pied un gouvernement d’entente qui prendrait sur l’heure les mesures requises pour appliquer le «Document de l’entente nationale», en modifiant le système politique libanais de manière à réaliser la souveraineté, l’unité et l’identité arabe du pays en consacrant la liberté, la justice et l’égalité.
— Soutien au gouvernement libanais issu de l’entente nationale pour qu’il puisse prendre toute mesure jugée nécessaire à l’exercice de sa souveraineté totale sur l’ensemble du territoire.
— Les dispositions précitées devront être concrétisées, édicte le sommet de Casablanca, dans un délai maximum de six mois. Le sommet se déclare prêt à se réunir après ce délai pour faire le point ou encore sur demande du président du comité tripartite arabe, si des développements le requièrent.

Un autre texte

Le constat de fiasco, de dérapages et de «non-accompli», est encore plus perceptible quand, en marge des accords même de Taëf, on se réfère aux attendus que constituait en son temps le fameux communiqué explicatif du comité triparite arabe, qui s’établissait comme suit:
— «Il faut introduire des réformes dans le système politique libanais pour assurer la participation effective de tous aux décisions, pour édifier un Etat des institutions, à l’ombre d’un régime libre garantissant l’égalité des chances, dans un climat de concorde, de sécurité, de prospérité, d’équité, de paix civile et de réconciliation».
— «Les relations libano-syriennes doivent s’organiser sur base de souveraineté, d’indépendance, d’égalité des intérêts, dans le respect mutuel de l’indépendance, de la souveraineté, du droit de chaque Etat à exercer son autorité sur tout son territoire. La République syrienne, qu’elle en soit remerciée, se déclare disposée à aider l’Etat à étendre son autorité sur son territoire. De même les pays arabes, comme l’a certifié le sommet de Casablanca, se tiennent tous à la disposition du gouvernement libanais pour lui offrir leur assistance dans tout ce qui peut lui permettre d’étendre son autorité sur l’ensemble de son territoire par le truchement de ses forces propres».
— «Le comité est parvenu à une entente totale avec la Syrie au sujet de la mission des forces syriennes qui prendra fin au Liban dans un délai maximum de deux ans, comme le prévoit le «document de l’entente nationale», les forces régulières libanaises se voyant remettre durant cette période la responsabilité de l’ordre et les troupes syriennes effectuant alors leur redéploiement dans les régions citées dans ce document. La durée du séjour des forces syriennes dans ces dernières régions sera fixée aux termes d’un accord que les gouvernements libanais et syrien concluront ensemble, accord que le sommet arabe ratifiera et dont il supervisera l’exécution».
Puis vient un point où le comité affirme que la solution du problème libanais, qui passe par la préservation de l’indépendance comme de la souveraineté du pays, doit s’inscrire naturellement dans un cadre arabe global… Engagement qu’en pratique la guerre du Golfe de 1991 a fait voler en éclats, les deux comités tripartites cessant depuis lors complètement de se réunir ou de s’occuper du dossier libanais. Autre conséquence de ce désintérêt: les promesses d’un fonds de soutien de deux milliards de dollars sont bien entendu restées lettres mortes. Comme d’ailleurs nombre de clauses essentielles des accords de Taëf, dont la partie appliquée n’est pratiquement, comme on dit familièrement, qu’à un seul sens…

E.K.
Lakhdar Ibrahimi aime le Liban, on ne peut en douter: cet extraordinaire diplomate, ancien ministre des Affaires étrangères d’Algérie, grand artisan de la rencontre interlibanaise de Taëf sort d’une retraite volontairement consentie («quarante ans sur la brèche; les Algériens nous ont assez vus…» dit-il) pour venir ici animer de sa présence une nouvelle phase de...