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Actualités - CHRONOLOGIE

Vote massif à Jbeil et forte abstention au Liban-Nord Naufal, Hobeiche et Kh. Daher retrouvent leurs sièges au parlement (photos)

On reprend les mêmes et on continue... L’épisode de l’invalidation des mandats de quatre députés, conformément au verdict rendu le 19 mai dernier par le Conseil constitutionnel, s’est soldé par le retour au Parlement de trois députés dont les mandats avaient été annulés. Le scrutin partiel qui a eu lieu hier à Jbeil et au Liban-Nord a abouti, en effet, à une nette victoire des parlementaires sortants, MM. Emile Naufal (maronite, Jbeil), Fawzi Hobeiche (maronite, Akkar) et Khaled Daher (sunnite, Akkar). Quant au quatrième député concerné par le verdict du Conseil constitutionnel, M. Henry Chédid (maronite, Békaa-Ouest), il s’était retiré il y a une dizaine de jours de la bataille, assurant ainsi l’élection d’office de son unique et seul concurrent, Robert Ghanem. Les résultats officiels seront annoncés aujourd’hui par le ministre de l’Intérieur Michel Murr.
Plusieurs traits saillants ont caractérisé ces élections partielles (PAGES 3 ET 4, NOS REPORTAGES). Le taux de participation au scrutin a été assez élevé à Jbeil: près de 53%, soit autant que lors de la consultation du 18 août 1996 (près de 54%). Dans la circonscription du Liban-Nord, par contre, l’abstention a été particulièrement forte: 22% des électeurs uniquement se sont rendus aux urnes, contre plus de 40% en 1996 (VOIR LES RESULTATS QUASI DEFINITIFS ET OFFICIEUX DES ELECTIONS PARTIELLES).
Un examen du taux de participation dans le mohafazat du Liban-Nord permet de mettre en évidence une large disproportion dans la mobilisation des électorats sunnite et chrétien. Dans les cazas chrétiens qui n’étaient pas concernés directement par la partielle (Becharré, Zghorta, Batroun et Koura), la participation au scrutin a été dérisoire: un peu plus de... 5% à Becharré et entre 10 et 20% seulement dans les autres cazas susmentionnés, selon les premiers chiffres disponibles. Cette démobilisation a été perceptible aussi à Tripoli où le taux de participation a été inférieur à 20%.
Seuls les cazas du Akkar et de Denniyé ont connu une large (et relative) affluence dans les bureaux de vote. Dans la région de Denniyé, le taux de participation était estimé, lors de la fermeture des bureaux de vote, à plus de 40%, ce qui a accru sensiblement la moyenne à l’échelle de tout le mohafazat, en compensant les chiffres modestes enregistrés dans les régions chrétiennes.
La mobilisation relative de l’électorat du Akkar et de Denniyé est due à des causes évidentes: les deux sièges (l’un maronite et l’autre sunnite) qui étaient en jeu relevaient du Akkar, et la quasi-totalité des candidats en lice (à l’exception d’un seul, Kamil Mrad) sont originaires de cette région. Quant à Denniyé, elle constitue l’une des principales places fortes de l’organisation intégriste sunnite «al-Jamaa el-islamiya». Or le député sunnite dont le mandat avait été invalidé, Khaled Daher, était le seul représentant de cette organisation au Parlement. Jouant ainsi sa présence à l’Assemblée, la «Jamaa islamiya» a mobilisé ses partisans à Denniyé pour ne pas risquer de perdre son seul siège à la Place de l’Etoile.
Cette importante disproportion entre les taux de participation d’un caza à l’autre au Liban-Nord met en évidence une réalité qui a été relevée hier par plusieurs députés de la région: l’illégitimité ainsi que le caractère inéquitable et irrationnel d’une représentation à l’échelle d’une circonscription élargie, telle que le mohafazat. Le scrutin d’hier a prouvé, s’il en était encore besoin, que l’électorat d’un caza qui n’est pas impliqué directement dans le scrutin ne se sent nullement concerné et intéressé par la consultation populaire. Parce que les candidats étaient tous du Akkar et que les sièges en jeu étaient ceux de cette région, les électeurs des cazas éloignés du Akkar (tels que Becharré, Batroun, Koura, et Zghorta) et même ceux de Tripoli, ont jugé que le scrutin ne les concernait pas. Ils se sont par conséquent abstenus, massivement, de se rendre aux bureaux de vote, contrairement au cas du Akkar et de Denniyé.
L’exemple de Jbeil constitue une autre illustration de cette réalité: parce que l’élection était organisée au niveau d’une circonscription restreinte (le caza), l’électorat s’est senti concerné et s’est fortement mobilisé. Ces données apportent la preuve que des élections organisées à l’échelle d’une circonscription restreinte telle que le caza aboutit à une représentation beaucoup plus équitable et légitime que dans le cas d’un vaste mohafazat où les électeurs sont appelés à se prononcer pour des candidats qui leur sont totalement étrangers et dont ils ne savent absolument rien.

Pressions et
interventions occultes

Autre caractéristique importante de ce scrutin partiel: les résultats obtenus montrent que les candidats élus ont creusé sensiblement l’écart de voix qui les séparait, en 1996, de leurs concurrents qui avaient déposé des recours en invalidation contre eux devant le Conseil constitutionnel. A Jbeil, M. Emile Naufal avait coiffé au poteau M. Nazem Khoury, en août 96, avec près de 300 voix d’écart seulement (6.932 voix contre 6.621). Hier, M. Naufal a obtenu 15.083 voix contre 12.396 à M. Khoury, soit 2.687 voix d’écart.
Ce score revêt une double importance pour M. Naufal: le nombre de suffrages qu’il avait obtenu en 1996 avait été contesté par le Conseil constitutionnel et par divers observateurs car de sérieux doutes planaient autour du dépouillement des voix dans certains bureaux de vote. M. Naufal a levé ainsi ces doutes, d’autant que lors de ce scrutin partiel, il semble avoir été ouvertement combattu par les hautes sphères du pouvoir et par plus d’un responsable officiel. Parallèlement, son principal concurrent, M. Khoury, paraît avoir bénéficié du soutien à peine voilé de certains cercles du pouvoir.
Mais c’est au Liban-Nord que les résultats enregistrés portent surtout à réflexion. M. Fawzi Hobeiche a gagné près de 10.000 suffrages par rapport au 25 août 96, passant de 72.905 voix à 82.000 voix, alors que M. Mikhaël Daher a perdu près de 17.300 voix (59.852 contre 42.600), de sorte que l’écart entre les deux concurrents est désormais du simple au double (82.000 voix à M. Hobeiche et 42.600 voix à M. Daher).
Dans son recours en invalidation du mandat de M. Hobeiche, M. Daher avait fait état de pressions directes sur l’électorat et d’interventions émanant d’un «service de sécurité non-libanais, très influent au Liban-Nord et au Akkar». L’allusion aux services de renseignements syriens était à peine voilée. Ces pressions et ces interventions étrangères occultes (ou presque) semblent avoir été bien réelles puisqu’elles ont constitué le principal argument auquel a eu recours le Conseil constitutionnel pour invalider le mandat de M. Hobeiche.
Ces mêmes pressions et interventions paraissent s’être accrues cette fois-ci, à en juger par l’écart qui s’est creusé entre MM. Hobeiche et Daher. Il n’est pas étonnant, dans ce contexte, qu’aucun député ou pôle d’influence du Liban-Nord n’ait osé soutenir publiquement M. Daher. Les plus audacieux des leaders du Nord se sont contentés de proclamer leur neutralité dans le bras de fer Hobeiche-Daher. Hormis quelques rares cas (Mme Nayla Moawad et M. Boutros Harb), l’appui à M. Hobeiche a ainsi été quasi-unanime parmi les chefs de file nordistes.
L’ancien premier ministre Omar Karamé avait annoncé la couleur sur ce plan et avait fait preuve d’une grande franchise en déclarant sans détours, à quelques jours du scrutin, que «la Syrie est le principal grand électeur au Liban-Nord». Comme l’a souligné M. Daher lui-même, les pressions lors de ce scrutin partiel se sont exercées non pas tant sur l’électorat lui-même (comme en 1996), mais plutôt, directement, sur les députés et les forces actives du mohafazat.
Les élections «entre Libanais», ce sera peut-être pour la prochaine fois. Et, dans l’attente de jours meilleurs, il faudrait sans doute parer, dans l’immédiat, au plus pressé: sauvegarder l’autonomie et les prérogatives du Conseil constitutionnel. Car dans certains cercles du pouvoir, il est d’ores et déjà question d’amender le statut interne de cette haute instance prestigieuse, vitale pour le devenir de la démocratie dans le pays. Le pouvoir serait-il tenté, à la lumière de l’expérience de ces derniers mois, de neutraliser pratiquement le Conseil constitutionnel?

M. T.
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