Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Tribune Les médecins et l'enfance maltraitée

Un séminaire a été organisé sur le campus de la faculté des sciences médicales de l’USJ, sur «l’enfance maltraitée au Liban». Ce séminaire met au devant de la scène ce douloureux problème et montre que notre pays n’est pas à l’abri de la maltraitance infantile. Tandis que notre société semble prendre conscience de ce problème (Comité parlementaire pour les droits de l’enfant, Union libanaise pour la protection de l’enfant, Ecole libanaise de formation sociale, ministère des Affaires sociales, UNICEF etc.) les médecins souvent concernés doivent s’organiser, s’informer et se former pour mieux répondre aux besoins.
Des évènements récents, fortement médiatisés, en Europe et dans le monde, soulignent que la maltraitance des jeunes reste d’une cruelle actualité. Les drames, délits, séquestrations et abus sexuels, diffusés par la presse et qui indignent l’opinion publique, ne sont que l’illustration, poussée à l’extrême, de l’exploitation des enfants par les adultes. Ces phénomènes qui paraissent nombreux dans le monde où nous vivons ont constitué la toile de fond de la première conférence mondiale, à Stockholm, sur l’exploitation sexuelle des enfants par la pornographie et la prostitution, et qui concernent des dizaines de millions de mineurs.
Les bilans mondiaux présentés prouvent que la maltraitance infantile est en progression (+20% en France où l’on compte 70.000 enfants maltraités ou en risque de l’être). Ces chiffres montrent aussi que le repérage de la maltraitance est plus efficace, que la sensibilisation des institutions publiques et privées est plus sérieuse et que le tabou qui concerne ce problème est levé peu à peu, permettant aux enfants qui en sont victimes et aux adultes qui l’ont été de parler plus librement que par le passé.
La population des enfants en danger regroupe les enfants effectivement maltraités (violences physiques, abus sexuels, négligences graves, cruauté mentale, violences psychologiques) et les enfants confrontés à des risques (conditions d’existence risquant de mettre en danger leur santé, leur sécurité, leur moralité et leur éducation...)
La maltraitance des enfants est un problème vieux comme le monde et qui durera autant que lui, problème en face duquel beaucoup de médecins se sentent désarmés. De fait, à l’exception des pédiatres hospitaliers et des assistantes sociales, les médecins sont rarement à l’origine des signalements. Cependant, les généralistes sont particulièrement bien placés pour observer les dysfonctionnements familiaux, les comportements parentaux anormaux, les enfants en danger dans leur développement et dans leur santé. En outre, l’article 7 du Code de déontologie rend obligatoire aux médecins le signalement de la maltraitance: «Le médecin doit être le défenseur de l’enfant lorsqu’il estime que l’intérêt de sa santé est mal compris ou mal préservé par son entourage. Lorsqu’un médecin discerne qu’une personne mineure auprès de laquelle il est appelé est victime de sévices ou abus, il doit, en conscience et avec prudence et circonspection, alerter les autorités judiciaires, médicales ou administratives».
Toutefois, certaines questions préoccupent nos confrères, les empêchant parfois de jouer leur rôle auprès des enfants en détresse. En premier lieu, bien sûr, le dilemme qu’aucune loi ne tranchera jamais, entre les exigences du secret médical et la nécessité de le partager avec d’autres responsables médico-sociaux, quand l’intérêt de l’enfant est en jeu, voire de la révélation imposée par le Code pénal pour les sévices de toute nature. Rappelons cependant que le médecin faisant l’objet d’une obligation à comparaître après un signalement doit donner suite, même s’il reste libre de témoigner totalement ou non. Et comme tout citoyen, s’impose à lui l’obligation légale d’assistance à personne en danger.
Autres craintes exprimées: les erreurs d’appréciation sur la réalité des sévices et sur le crédit à donner à la parole de l’enfant. Ces craintes sont fondées si le médecin reste seul dans sa décision. Mais s’il se concerte avec d’autres professionnels tenus par le secret (assistantes sociales, psychologues...) qui connaissent la famille, l’auteur des sévices ou l’institution dans laquelle ils se produisent, ses décisions seront plus faciles à prendre.
Reste que le signalement d’une maltraitance est un des problèmes les plus délicats de toute pratique professionnelle et qu’il a été, jusqu’à ce jour, peu abordé dans la formation médicale initiale ou post-universitaire. Bonne occasion pour rappeler la loi française de 1989 relative à la prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs et qui recommande la formation continue du personnel médical, para-médical, policier ou judiciaire pour prendre les mesures nécessaires. De nombreuses générations de médecins n’ont jamais entendu parler de ces problèmes, malgre le nombre de documents de références: «Le guide pédagogique des professionnels de santé; L’enfant maltraité», édité par Fleurus, le Code pénal, la Convention des Nations Unies, le Code de déontologie, les recommandations de la Conférence de Stockholm...
Les médecins, surtout pédiatres et généralistes, se sentent impuissants (et souvent avec raison) devant les cas avérés de maltraitance. Raison de plus pour que les ministères concernés, les facultés, les ordres professionnels, les écoles sociales donnent la primauté à la prévention, la surveillance de l’enfant, au respect de ses besoins d’amour, de stabilité, de protection et pour réfléchir ensemble sur les problèmes de la violence sociale.
Remercions les organisateurs du séminaire de l’USJ pour nous avoir rappelé ce douloureux problème en espérant que leurs recommandations seront entendues.
Un séminaire a été organisé sur le campus de la faculté des sciences médicales de l’USJ, sur «l’enfance maltraitée au Liban». Ce séminaire met au devant de la scène ce douloureux problème et montre que notre pays n’est pas à l’abri de la maltraitance infantile. Tandis que notre société semble prendre conscience de ce problème (Comité parlementaire pour les...