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Actualités - CHRONOLOGIE

Mesures protectionnistes : dialogue en gestation entre l'exécutif et les organismes économiques

Le premier choc des mesures économiques adoptées le 10 juin par le Conseil des ministres n’a pas encore été totalement résorbé, mais les positions de part et d’autre paraissent se décanter quelque peu, et la phase du dialogue semble frayer, lentement, son chemin (du moins en apparence). Dans l’immédiat, il ne faudrait pas s’attendre à une révision rapide des récentes décisions gouvernementales. En clair, cela signifie que le Conseil des ministres qui se réunira ce soir au palais de Baabda ne devrait pas apporter (officiellement) des amendements à ses dernières résolutions économiques. Hier soir, le ministre de l’Agriculture Chawki Fakhoury a indiqué à «L’Orient-Le Jour» que la nouvelle politique agricole ne sera pas rediscutée «à ce stade» (c’est-à-dire aujourd’hui) par le Cabinet.
Cela ne signifie pas, comme nous l’a indiqué M. Fakhoury, que «les détails» des récentes mesures ne seront pas débattues, carte sur table, avec les parties concernées. Et comme pour paver la voie à un tel dialogue, le ministre de l’Agriculture a fait état hier, dans une déclaration à sa sortie du palais de Baabda, d’un vaste «malentendu» au sujet de la nature des mesures protectionnistes préconisées pour soutenir le secteur agricole. Ce «malentendu» laisserait la porte grande ouverte à un assouplissement au sujet du problème (explosif) de l’interdiction des importations...
Face au tollé généralisé provoqué par la hausse des taxes sur les voitures et l’annonce de l’interdiction de l’importation d’une vaste gamme de produits alimentaires de grande consommation, le chef du gouvernement chercherait à s’engager, enfin, dans des concertations avec le secteur privé (il n’est jamais trop tard...). Une première réunion aurait lieu sur ce plan dans les quarante-huit heures.
Le premier ministre devra compter, visiblement, avec la «fronde» qui s’est manifestée au niveau des organismes économiques qui ont tenu hier, comme prévu, une réunion élargie au siège de la Chambre de commerce et d’industrie de Beyrouth, à Sanayeh. Un communiqué conjoint publié à l’issue de la rencontre a demandé sans détour au gouvernement de réviser les récentes mesures adoptées par l’Exécutif (VOIR PAGE 2).
Tout en adoptant un ton relativement mesuré, les dirigeants des organismes économiques n’ont pas caché leurs appréhensions quant à la portée des décisions du 10 juin. L’un des intervenants à la réunion d’hier a même été jusqu’à exprimer la crainte que les dernières mesures prises par le Cabinet Hariri ne cachent en filigrane un «projet de société différente». Dans leur communiqué conjoint, les dirigeants des organismes économiques devaient affirmer dans ce contexte qu’ils ne resteront pas les bras croisés face à toute tentative de remettre en cause les fondements du système économique libre.

Manque de prévoyance

La plupart des chefs d’entreprises qui ont pris hier la parole à Sanayeh se sont élevés contre l’attitude désinvolte du gouvernement, dénonçant le fait que les hauts responsables officiels n’aient pas pris la peine de consulter les principaux concernés, en l’occurrence les organismes économiques, avant de définir de nouvelles orientations économiques et de prendre des mesures drastiques sur ce plan.

Cette absence de concertations a abouti, à l’évidence, à l’adoption de décisions hâtives et peu crédibles. L’augmentation excessive des taxes sur les voitures ne convainc personne, en dépit de toutes les justifications avancées par le ministre Fouad Siniora. Et d’ores et déjà, certains milieux font état — pour expliquer cette mesure de projets d’assemblages de voitures asiatiques au Liban. Les échanges de visites portent sans doute leurs fruits...
Quant à la nouvelle politique agricole annoncée le 10 juin, elle ne constitue qu’un palliatif, de l’aveu même des milieux gouvernementaux. Le développement de l’agriculture, et des secteurs productifs en général, est une nécessité impérieuse si l’on désire réellement édifier une économie nationale solide et stable. En toute logique les gouvernements qui se sont succédé au pouvoir au sortir de la guerre — notamment depuis l’accession de M. Rafic Hariri à la présidence du Conseil, en 1992 — auraient dû s’atteler sérieusement au développement des secteurs productifs. Mais il n’en a rien été. Le gros de l’effort a été concentré sur l’infrastructure de base; l’agriculture et l’industrie ont été visiblement négligées.
A l’évidence, les cabinets Hariri ont misé essentiellement sur la réalisation de la paix régionale globale, espérant que celle-ci aurait un effet «boule de neige» et provoquerait une importante croissance économique dans le pays. Ce pari s’est avéré peu clairvoyant. Le gouvernement se retrouve aujourd’hui face à une situation économique peu enviable, marquée par une stagnation qui pèse de tout son poids sur la vie quotidienne des Libanais. D’où, sans doute, ce soudain intérêt pour les secteurs productifs et ce subit empressement à vouloir doper le secteur agricole.
Parce qu’il a fait preuve dès le départ d’un manque de prévoyance, en négligeant pendant près de cinq ans les secteurs productifs, le cabinet Hariri se retrouve aujourd’hui acculé à prendre des mesures hâtives et peu efficaces qui ont paru d’autant plus suspectes que la confiance des Libanais dans leurs gouvernants s’est dissipée depuis longtemps. Reste à espérer qu’avec le concours du secteur privé, le pouvoir parviendra quand même à mettre en place une stratégie sérieuse de développement des secteurs productifs, qui se substituerait à la solution de facilité adoptée le 10 juin dernier.

M.T.
Le premier choc des mesures économiques adoptées le 10 juin par le Conseil des ministres n’a pas encore été totalement résorbé, mais les positions de part et d’autre paraissent se décanter quelque peu, et la phase du dialogue semble frayer, lentement, son chemin (du moins en apparence). Dans l’immédiat, il ne faudrait pas s’attendre à une révision rapide des récentes...