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Actualités - CHRONOLOGIE

Après un communiqué mettant sur un pied d'égalité Israël et la résistance Beyrouth accuse d'hérésie le comité de surveillance Persistance du malaise avec Washington au sujet du dédommagement réclamé à l'état hébreu

Que ce soit au Liban-Sud ou aux Nations Unies, c’est à la même politique de «deux poids, deux mesures» que le Liban se heurte, de la part des Etats-Unis, quand il s’agit de condamner Israël. Il en va ainsi depuis le début du processus de paix, en 1991: quoi-qu’Israël fasse, les Etats-Unis bloquent systématiquement toute résolution le mettant en cause. Aujourd’hui, du fait de la persistance d’une politique déséquilibrée, et après une dégradation quotidienne de la situation sur la terrain, c’est à une mini-crise diplomatique que l’on assiste, avec l’affaire de la motion de l’ONU obligeant Israël à dédommager l’organisation internationale pour le bombardement de Cana, en avril 1996, et le dernier en date des communiqués du comité de surveillance du cessez-le-feu.
Le ministre des Affaires étrangères, M. Farès Boueiz, a directement accusé hier le comité de «partialité» en faveur d’Israël, et d’avoir commis «une hérésie sans précédent», dans sa façon de concevoir la situation qui prévaut dans la zone méridionale occupée par Israël et les régions qui lui sont limitrophes.
Dans un communiqué publié à l’issue d’une réunion de 17 heures au quartier général de la FINUL à Naqoura, le comité (Etats-Unis, France, Liban, Syrie, Israël), avait utilisé les mêmes termes en évoquant deux actions séparées menées, la première, par la résistance à l’intérieur de la zone occupée, la seconde par Israël à l’extérieur de cette zone. Ces deux opérations avaient fait, chacune, un tué, et entraîné des plaintes, la première libanaise, la seconde israélienne, auprès du comité de surveillance. A aucun moment, le comité n’avait parlé de «violation» de l’accord d’avril 1996.
«Je pense que le comité a fait preuve de partialité dans ses opinions, notamment dans sa façon d’aborder le problème des engins piégés lancés par Israël hors de la zone qu’il occupe» au Sud, a déclaré M. Boueiz dans une conférence de presse.
«L’opinion qui prévaut au sein du comité est que la résistance libanaise n’a pas le droit de mener des actions au-delà de la zone occupée, en territoire israélien, alors qu’Israël a le droit de placer des engins piégés dans les zones libérées du Liban. Il s’agit d’une hérésie sans précédent», a-t-il dit.
Dans son communiqué, le comité, saisi par Beyrouth, avait «admis comme un fait», qu’Israël a fait exploser mercredi dernier un engin piégé au passage d’une voiture, à l’extérieur de la zone occupée (sur la route entre Zellaya et Yohmor, précisément), faisant un mort et un blessé.
Mais le comité avait utilisé les mêmes termes en évoquant, à la demande d’Israël, une attaque à l’explosif près de Majdaline, à l’intérieur de la zone occupée qui avait fait un mort, un membre de l’Armée du Liban-Sud. Selon le délégué israélien, tout en étant membre de la milice, l’homme agissait en sa qualité de fonctionnaire d’une compagnie d’électricité et réparait, au moment où il a été tué, une ligne électrique. Le délégué libanais au comité a soutenu que l’installation, située dans une «zone militaire», alimentait «exclusivement une position militaire proche».
La situation avait été décrite d’une manière exactement opposée, en ce qui concerne l’attentat perpétré par Israël sur la route Zellaya-Yohmor. Le délégué israélien avait prétendu que les deux hommes appartenaient à «des groupes armés», tandis que le représentant du Liban avait assuré qu’il s’agissait de civils.
Tout en écartant l’éventualité d’une crise diplomatique avec Washington, M. Boueiz a affirmé que «même si les Etats-Unis sont sérieux dans leurs menaces, nous ne reculerons pas et nous n’abandonnerons pas notre position, car il y va de la crédibilité du Liban et des Nations Unies».
Sans attendre les éclaircissements que pourrait apporter M. Samir Moubarak, le chef de la délégation libanaise, à l’ONU, M. Boueiz a précisé hier que le dédommagement de 1,7 million de dollars destiné à la FINUL «n’est qu’une infime partie de ce que le Liban a demandé à titre de dédommagements, à savoir la condamnation sans ambiguïté d’Israël et le paiement d’une indemnité de 2 milliards de dollars pour les dommages en tous genres infligés par Israël en général».
Le montant de 1,7 million de dollars que la motion demandera à Israël de régler est «insuffisant» aux yeux du Liban, a-t-il ajouté, «et malgré tout, bien que le texte de la motion soit marqué par le souci de la souplesse et du compromis, on cherche à empêcher le Liban d’exposer sa cause devant la plus haute instance de droit et de justice au monde».
«Toute pression exercée contre le Liban, ou destinée à l’entraîner à renoncer à la motion, devra être considérée comme un coup porté au rôle de l’ONU (...) et comme un aveu du déséquilibre général qui affecte le monde du fait de l’hégémonie israélienne sur la politique internationale», a-t-il ajouté.
Et M. Boueiz de conclure en affirmant que la mission permanente du Liban à l’ONU a reçu «la consigne claire et franche» de s’attacher à la motion en question, par égard pour le rôle de l’ONU et la crédibilité du Liban et des pays qui ont appuyé le Liban dans ce domaine. 107 pays appuient la motion présentée par le Liban, souligne-t-on.
Dans les milieux politiques libanais, l’appel à la fermeté est unanime. Le président de la commission des A.E. du Parlement, M. Ali el-Khalil, a été jusqu’à demander la formation d’un tribunal international pour juger les «crimes de guerre» israéliens. De son côté, le député Nassib Lahoud, ancien ambassadeur du Liban à Washington, juge «inacceptable» le blocage systématique, par l’Administration américaine, de toute motion de l’ONU qui engagerait en quoi que ce soit la responsabilité d’Israël dans la violence au Liban et dans la région.
Selon M. Lahoud, les Etats-Unis devraient réaliser que «même leurs amis ne peuvent tolérer la façon dont ils conduisent leur politique au Moyen-Orient» et que cette attitude «contredit le rôle d’honnête courtier qu’ils se sont engagés à jouer, au moment du déclenchement du processus de paix».

Critiques séoudiennes

De fait, un journal séoudien a critiqué hier l’attitude des Etats-Unis qui se sont opposés à un vote de l’ONU appelant Israël à payer des dédommagements pour le bombardement de Cana.
Dans un éditorial intitulé «la défaite de la légalité internationale», le quotidien al-Ryad, qui reflète comme l’ensemble de la presse séoudienne le point de vue officiel, s’interroge «pourquoi l’Amérique a seule le droit de s’ériger en défenseur (...) et en parrain des décisions de l’ONU».
Le journal se demande pourquoi les Etats-Unis se sont opposés à la résolution de l’ONU sur Cana «alors que d’autres crimes comme celui d’abattre un avion ou de détruire un bâtiment américain sont punis par un embargo et des poursuites judiciaires à l’encontre d’Etats ou de personnes».
Al-Ryad fait notamment allusion à la Libye, soumise à un embargo international depuis cinq ans pour son refus de livrer deux de ses citoyens accusés d’implication dans l’attentat contre un avion américain au-dessus de Lockerbie (Ecosse) en 1988.
«Une chose est sûre: c’est le règne de la force au dépens de la justice», ajoute le journal, accusant les Etats-Unis de disposer «d’un pouvoir absolu à l’ONU».

Fermeté

La dramatique partialité des Etats-Unis éclate en outre, une fois de plus, avec l’affaire de la motion de la commission du budget et de l’administration de l’ONU obligeant Israël à dédommager l’ONU pour le bombardement du QG de la FINUL, à Cana, en avril dernier, par le paiement d’une somme de 1,7 million de dollars.
Tout en s’en tenant à sa position de fermeté, le Liban attendait toujours, hier, dans un sentiment de dignité bafouée, des éclaircissements au sujet de possibles «répercussions» que le vote de cette motion, adoptée par 107 voix, et qui doit être soumise vendredi au vote de l’assemblée pleinière, pourrait avoir.
Selon un officiel libanais ayant requis l’anonymat, l’ambassadeur des Etats-Unis à Beyrouth, M. Richard Jones, aurait affirmé que le vote de cette motion aurait des «répercussions», sans préciser lesquelles, lors d’un entretien jeudi dernier avec le président du Conseil, M. Rafic Hariri, si Beyrouth persiste dans son appui à cette motion, dont il est l’inspirateur. Des rumeurs ont couru sur la possibilité d’une remise en cause du mandat de la FINUL, qui doit être reconduit pour six nouveaux mois, en juillet.
Le bombardement de la position de la FINUL à Cana avait fait 105 morts, tous civils. Un enquête menée par l’ONU avait conclu que ce bombardement était probablement délibéré.
Que ce soit au Liban-Sud ou aux Nations Unies, c’est à la même politique de «deux poids, deux mesures» que le Liban se heurte, de la part des Etats-Unis, quand il s’agit de condamner Israël. Il en va ainsi depuis le début du processus de paix, en 1991: quoi-qu’Israël fasse, les Etats-Unis bloquent systématiquement toute résolution le mettant en cause. Aujourd’hui, du...