Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Nous n'abandonnerons pas Abou Rizk, déclare Yasser Nehmé (photos)

La joie de voir Yasser Nehmé se déplacer en homme libre n’a pas effacé des esprits la crainte qu’Elias Abou Rizk ne soit le bouc émissaire d’un règlement de comptes politico-social. C’est donc entre l’espoir et la déception qu’a oscillé en permanence le moral des syndicalistes présents au Palais de justice hier. Si la décision du juge Mirza de ne pas délivrer de mandats d’arrêt contre Abou Rizk et Nehmé dans l’affaire de l’atteinte au prestige de l’Etat — tout en maintenant les poursuites contre eux — a provoqué un vif soulagement, le rejet par la chambre de mise en accusation de la demande de remise en liberté de Abou Rizk présentée par son avocat a vite effacé ce soulagement.
Pourtant, Yasser Nehmé — qui est rentré chez lui après avoir été interrogé par le juge — a déclaré qu’il n’est pas question d’abandonner Abou Rizk et qu’«il ne connaîtra aucun repos avant de le sortir de prison». Nehmé a aussi annoncé que les nouvelles en provenance de Genève sont «excellentes» (comprendre en faveur de la centrale opposante) et que le responsable du bureau l’OIT au Liban, M. Walid Hamdane, a été dépêché à Beyrouth pour y observer de près la situation et, après avoir rencontré Abou Rizk dans son lieu de détention, il devra repartir à Genève pour y faire son rapport.

Le récit de Nehmé

L’événement a commencé tôt hier, avec l’arrivée matinale de Yasser Nehmé au Palais de justice, l’air un peu fatigué mais un large sourire aux lèvres.
Aussitôt assailli par les journalistes, Nehmé a commencé par raconter sa rocambolesque libération mercredi vers 23h30, qui constitue d’ailleurs une véritable première dans l’histoire carcérale du Liban. Nehmé a ainsi confié qu’il était entré très détendu chez le procureur de Beyrouth parce qu’il était convaincu qu’il ne serait pas placé en garde à vue. C’est pourquoi l’annonce de son transport vers la prison du Palais de justice a constitué pour lui un véritable choc. Souffrant déjà d’hypertension, il a donc eu un malaise et son avocat, Me Naji Boustany (qui est aussi l’avocat d’Abou Rizk), a demandé au procureur Addoum l’autorisation de le faire examiner par le médecin de la prison. Addoum a alors demandé au Dr Hammoud de le faire. Hammoud a proposé à M. Nehmé de le faire hospitaliser mais celui-ci a préféré rester au Palais de justice. Il commençait d’ailleurs à s’habituer à cette idée et il se préparait à s’installer pour la nuit, ses proches lui ayant amené des livres pour l’aider à passer le temps. Mais vers 23h30, son geôlier est venu lui dire: «Vous êtes libre, vous pouvez partir». Bien sûr, il ne pouvait pas discuter et après avoir signé le procès-verbal établi par le responsable de la prison, il a appelé chez lui pour qu’on vienne le prendre. C’est là qu’il a appris que le président du Conseil, M. Rafic Hariri — dont il est un vieux compagnon de lutte, du temps où ils étaient tous les deux membres du Mouvement des nationalistes arabes — avait pris de ses nouvelles, tout en exprimant à sa famille sa sympathie dans une telle épreuve. A ce stade-là, M. Nehmé a rendu un vibrant hommage à la fidélité en amitié du président du Conseil, tout en restant plus discret sur les circonstances qui ont poussé à sa remise en liberté tard en soirée.
En effet, si les autorités judiciaires avaient voulu respecter la procédure habituelle, elles auraient pu attendre que le juge Mirza décide de ne pas émettre de mandat d’arrêt contre Nehmé après l’avoir interrogé dans la matinée d’hier. Mais, apparemment, dans un sursaut d’humanité, ces mêmes autorités n’ont pas voulu que M. Nehmé guette le lever du jour dans l’une des deux cellules du dépôt du Palais de justice. Me Naji Boustany a d’ailleurs expliqué aux journalistes que M. Nehmé était maintenu en garde à vue pour les besoins de l’enquête, le procureur pouvait fort bien décider de le laisser partir à n’importe quelle heure s’il estime que son maintien aux arrêts n’est pas nécessaire...

L’arrivée d’Abou Rizk

Sur ces entrefaites, est arrivé Elias Abou Rizk, l’air un peu fatigué, mais le salut toujours prompt et le pouce levé pour montrer que son moral est encore au beau fixe. Suivant un rituel qui, bien que banalisé, n’a rien perdu de son côté émouvant, il a salué ses fidèles compagnons, dont le vice-président du syndicat des employés de Télé-Liban, M. Fouad Kharsa, qui tient à venir chaque jour au Palais de justice depuis «l’éclatement de l’affaire», d’autres syndicalistes, et Me Karim Pakradouni. Hier, il y avait en plus le député du Hezbollah M. Ammar Moussawi ainsi que l’ancien député M. Issam Naaman. Tous deux ont violemment dénoncé l’arrestation de M. Abou Rizk, tout en déclarant que leur présence au Palais de justice est un témoignage de solidarité. M. Moussawi a ajouté que celui «qui ouvre la porte de la prison à Nehmé à 23h30 peut le faire pour Abou Rizk». Mais, selon lui, en libérant le secrétaire général de la centrale opposante, «on a voulu faire tomber la tension provoquée par les arrestations. En fait «on» a compris qu’il y avait une erreur et qu’il fallait essayer de la réparer...»
Abou Rizk est aussitôt introduit chez le premier juge d’instruction, M. Mirza. L’interrogatoire qui a essentiellement porté sur les menaces dont il aurait fait l’objet et sur ce qu’il a appelé, dans les lettres adressées aux instances internationales du travail, la fraude dans les élections syndicales de Saïda. Au bout de trois heures, il est sorti rapidement happé par les agents des FSI qui l’ont ramené à l’hôpital orthodoxe. Yasser Nehmé est alors introduit à son tour chez le juge. Et pendant qu’il l’interroge, la chambre de mise en accusation qui avait reçu le matin la demande de remise en liberté d’Abou Rizk présentée par Boustany, dans l’affaire de l’usurpation de titre et de pouvoir — sur base de laquelle il a fait l’objet d’un mandat d’arrêt — annonce son rejet de la demande. Elle confirme ainsi la décision du juge d’instruction — qui avait déjà rejeté la même demande — et ce dernier peut poursuivre son enquête au sujet de cette affaire.

Les témoins

Après Nehmé — qui est interrogé dans l’affaire d’atteinte au prestige de l’Etat —, le juge entend trois témoins dans l’affaire de l’usurpation de titre et de pouvoir. Le quatrième, Abdel Ghani Issa, s’en va avant d’être entendu. Devant M. Mirza, les trois témoins, Elias Habre (doyen d’âge), Mohamed Khalil et Chaabane Khdour évoquent les élections du 24 avril dernier (qui sont à l’origine du conflit actuel puisqu’elles ont provoqué l’émergence de deux centrales syndicales, l’une opposante l’autre loyaliste) et affirment être pour l’unité syndicale. Habre parle du déroulement des élections au sein de la centrale présidée par Abou Rizk, qui, à ses yeux, sont conformes au règlement interne de la centrale, puisque le doyen d’âge a présidé la séance et que le quorum légal était assuré. Il précise aussi avoir été contraint par la force à quitter la salle où se déroulaient les élections, mais après l’ouverture de la séance...
L’après-midi est bien avancé lorsque le juge achève l’audition des témoins. Et alors qu’il décide de poursuivre son enquête, Me Boustany s’apprête à présenter aujourd’hui, une nouvelle demande de remise en liberté d’Elias Abou Rizk. Il y a peu de chances qu’elle soit acceptée cette semaine, mais hier, au Palais de justice, tout le monde espérait que le responsable syndical sera libéré au cours de la semaine prochaine. Ses partisans attachent beaucoup d’importance à la mission de M. Walid Hamdane, envoyé spécialement de Genève pour rencontrer Abou Rizk et dresser un rapport sur sa situation. D’ailleurs, selon les nouvelles de Genève, les instances internationales souhaiteraient sérieusement régler le problème des deux centrales, mais la plupart des délégations, notamment arabes, asiatiques et européennes, sont en faveur de la centrale syndicale d’Abou Rizk alors que tous les groupes participant au congrès réclament sa libération immédiate, en prélude à toute négociation.

De son côté, le président du tribunal civil de première instance, le juge Nehmé Lahoud — qui doit statuer sur le recours en invalidation des élections du 24 avril présenté par trois fédérations syndicales membres de la centrale opposante — devrait rendre son verdict dans moins d’un mois, c’est-à-dire avant le début des vacances judiciaires, le 15 juillet prochain. Et s’il est possible de faire appel à son verdict, celui-ci n’en constituera pas moins une étape importante dans le triste feuilleton syndical.

Scarlett HADDAD
La joie de voir Yasser Nehmé se déplacer en homme libre n’a pas effacé des esprits la crainte qu’Elias Abou Rizk ne soit le bouc émissaire d’un règlement de comptes politico-social. C’est donc entre l’espoir et la déception qu’a oscillé en permanence le moral des syndicalistes présents au Palais de justice hier. Si la décision du juge Mirza de ne pas délivrer de...