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Actualités - CHRONOLOGIE

Affaire Abou Rizk : un dénouement la semaine prochaine n'est pas exclu (photo)

Ce qu’il est convenu d’appeler désormais «l’affaire Abou Rizk» n’a pas connu de développements majeurs hier, mais elle a été quand même marquée au cours des dernières vingt-quatre heures par le coup de théâtre survenu tard dans la nuit de mercredi du fait de la subite et «mystérieuse» libération, peu avant minuit, du secrétaire général de la CGTL non reconnue par le gouvernement, M. Yasser Nehmé, près de dix heures après sa mise en garde à vue «pour atteinte au prestige de l’Etat». M. Nehmé a été interrogé hier à ce propos par le juge d’instruction Saïd Mirza qui n’a pas émis de mandat d’arrêt à son encontre. Quant au chef du mouvement syndical contestataire, M. Elias Abou Rizk, sa remise en liberté, réclamée par l’avocat de la défense, Me Nagi Boustany, a été rejetée hier matin par la Chambre de mise en accusation qui a confirmé ainsi une décision en ce sens qui avait déjà été prise en début de semaine par le procureur Abdallah Bitar et le juge Mirza .M. Abou Rizk a lui aussi été interrogé hier par le juge d’instruction au sujet de l’accusation d’atteinte «au prestige de l’Etat». Cette accusation a été portée contre les deux responsables syndicaux sur base d’une lettre que ces derniers avaient adressée en avril à l’Organisation internationale du travail (OIT). Dans leur message, MM. Abou Rizk et Nehmé avaient stigmatisé les ingérences du gouvernement libanais dans les affaires intérieures du mouvement syndical et avaient fait état de menaces pesant sur la vie de certains leaders syndicaux, dont M. Abou Rizk.
Estimant que cette lettre adressée à l’OIT portait atteinte au «prestige de l’Etat», le pouvoir avait engagé des poursuites contre MM. Abou Rizk et Nehmé. Celui-ci, comme il l’a lui-même insinué hier, a bénéficié semble-t-il de ses anciennes amitiés avec le premier ministre Rafic Hariri. Sa subite libération peu avant minuit, mercredi, n’a pas manqué de susciter des remous dans divers milieux.
Recevant, hier, une délégation de la CGTL loyaliste, le président du syndicat des rédacteurs, M. Melhem Karam, devait se faire l’écho des interrogations soulevées par cet épisode qui constitue un véritable précédent dans les annales de la justice. «Après 18 heures, a notamment déclaré à ce propos M. Karam, le chef de l’Etat lui-même ne peut pas faire libérer un détenu. La libération de Yasser Nehmé à minuit constitue une preuve indéniable du fait que l’Etat a pris conscience des erreurs qu’il a commises. Est-il concevable d’émettre un mandat d’arrêt à 16 heures et d’ordonner la mise en liberté à minuit? Cela prouve qu’il y a eu erreur».
Il reste que ce développement, aussi surprenant soit-il, ne saurait occulter le fond du problème, à savoir le dossier des atteintes aux libertés syndicales et le problème de la représentativité des deux centrales syndicales, contestatrice (branche Abou Rizk) et loyaliste (branche Ghanim Zoghbi). Les milieux locaux fondaient hier quelques espoirs sur une éventuelle médiation du représentant du bureau de l’OIT à Beyrouth, M. Walid Hamdane, qui était attendu en soirée à Beyrouth venant de Genève où il a participé aux travaux de l’OIT qui se sont tenus en présence de délégués des deux CGTL.
Dans les milieux de la défense, on se montrait quelque peu optimiste, hier, quant à une prochaine libération de M. Abou Rizk. En soirée, M. Karim Pakradouni a même déclaré, après avoir rencontré en soirée le leader syndical en son lieu de détention, à l’hôpital grec-orthodoxe d’Achrafieh, que M. Abou Rizk pourrait être remis en liberté la semaine prochaine.
Un tel dénouement n’est pas à écarter, compte tenu des pressions internationales, arabes et locales croissantes en vue de la libération du chef de l’opposition syndicale. «Amnesty International» a entamé une action urgente sur ce plan. Parallèlement, le secrétaire général de la Fédération internationale des syndicats ouvriers arabes, M. Hassan Jammam, a réaffirmé que les fédérations et organisations syndicales internationales rejettent toute ingérence du gouvernement libanais dans les affaires intérieures du mouvement syndical. M. Jammam a rappelé dans ce cadre que la fédération ouvrière arabe ne reconnaît que le CGTL de M. Abou Rizk comme centrale syndicale légale au Liban.
Au plan local, le mouvement de protestation risque fort bien d’aller crescendo au cours des prochains jours si M. Abou Rizk n’est pas libéré. Le comité de suivi de la «rencontre nationale du Coral Beach» (qui regroupe les différents courants d’opposition) a pris la décision de principe d’organiser sous peu des grèves et des manifestations dans toutes les régions du pays, mais aucune date précise n’a été annoncée sur ce plan. Quant aux employés de Télé-Liban (dont le syndicat est présidé par M. Abou Rizk), ils menacent de recourir à l’escalade (qui pourrait se traduire, notamment, par la suspension du bulletin télévisé) si M. Abou Rizk n’est pas libéré dans les délais les plus brefs.
Reste à savoir si les hauts responsables officiels continueront à rester insensibles à la contestation grandissante et aux pressions conjugées des instances internationales et locales. Et, surtout, si le pouvoir prendra, enfin, conscience du fait que les comportements autocratiques sont irrémédiablement voués à l’échec au Liban.
Ce qu’il est convenu d’appeler désormais «l’affaire Abou Rizk» n’a pas connu de développements majeurs hier, mais elle a été quand même marquée au cours des dernières vingt-quatre heures par le coup de théâtre survenu tard dans la nuit de mercredi du fait de la subite et «mystérieuse» libération, peu avant minuit, du secrétaire général de la CGTL non reconnue...