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Actualités - CHRONOLOGIE

Le chef de la centrale opposante est resté hier à l'hôpital Le procureur Bitar entendra ce matin Abou Rizk et Nehmé La rencontre de solidarité, à l'hôtel Alexandre, appelle à la libération immédiate du syndicaliste (photos)

Un œil sur le palais de justice — où les procédures judiciaires entamées contre Elias Abou Rizk se poursuivent, avec toutefois un peu d’essoufflement — et l’autre sur Genève — où la commission de vérification de qualité relevant de l’Organisation Internationale du Travail doit décider incessamment qui, de la centrale opposante ou de la centrale loyaliste, représente, à ses yeux, les travailleurs du Liban —, c’est ainsi que se résumait la situation hier.
Et les centaines de personnes, de tous bords et de toutes confessions, réunies à l’hôtel Alexandre à Achrafieh dans une rencontre de solidarité avec le responsable syndicaliste emprisonné, ont laissé éclater hier leur colère, leur indignation et leur détermination à combattre «un pouvoir oppresseur et dictatorial», tout en conservant l’espoir que les prochains jours apporteront de bonnes nouvelles.
Certes, ni Najah Wakim, ni Ibrahim Sayed, ni Moustapha Saad, ni Zaher el-Khatib ni Pierre Daccache — tous présents à la rencontre aux côtés de Kataëb, des aounistes, des communistes et des représentants des divres ordres professionnels — ne se font trop d’illusions sur une soudaine prise de conscience du pouvoir, mais comme le dit Me Naji Boustany (l’avocat de M. Abou Rizk), «il y a des limites» (à l’utilisation erronée des lois). D’ailleurs, toutes les personnes présentes à la rencontre d’hier ont insisté sur la nécessité de sauver la justice de la mainmise politicienne et le député du Hezbollah, Ibrahim Sayed a déclaré: «la justice doit prouver qu’elle n’est pas un instrument aux mains du pouvoir». Car, il y a plus terrible encore que l’emprisonnement, qualifié «d’abusif», du responsable syndical, c’est le doute que cette affaire fait peser sur la crédibilité de la justice, au Liban...
Dès 9h30, le palais de justice a commencé à connaître un rush devenu désormais habituel. Journalistes, syndicalistes et simples anonymes qui se sentent concernés par l’affaire, se pressent entre le rez-de-chaussée où se trouve la prison du palais et le premier étage où se trouve le bureau du procureur Bitar. Tout le monde guette l’arrivée d’Elias Abou Rizk, qui, en quelques jours, est devenu une véritable légende (à tel point que les gardiens de la prison racontent que lorsqu’il y est entré, vendredi, la dizaine d’interpellés mis en garde à vue, se sont mis à applaudir frénétiquement).
Mais, ce jour-là, l’attente sera vaine car Abou Rizk ne viendra pas. Ses médecins, le Dr Touma (cardiologue), le Dr Bahout (pneumologue) et le Dr Hajjar (son médecin traitant) ont préféré le garder sous observation à l’hôpital orthodoxe. La nouvelle arrive au palais de justice vers 10h30, alors que le secrétaire général de la centrale opposante, Yasser Nehmé, attend d’être entendu par le procureur. Finalement, c’est seul qu’il sera introduit chez M. Bitar et l’entrevue durera plus de deux heures trente. D’ailleurs, à mesure qu’elle se prolonge, l’inquiétude grandit chez ceux qui attendent dehors. Les proches de Nehmé racontent même qu’il a amené avec lui une petite valise au cas où le procureur déciderait de le mettre en garde à vue... Seul Me Boustany — qui est aussi l’avocat de Nehmé — parvient à garder son optimisme. Il est convaincu que Nehmé ne sera pas arrêté, parce que, selon la loi, même s’il est accusé de porter atteinte au prestige de l’Etat, il s’agit d’un délit mineur qui ne nécessite pas une arrestation préventive et de toute façon, selon lui, le procureur ne peut engager des poursuites avant d’avoir entendu Elias Abou Rizk sur la même affaire. Même lorsque l’avocat de la partie adverse, Me Camille Fenianos, remettra au juge Mirza une opposition de son client à la demande de remise en liberté de Abou Rizk présentée la veille par son avocat, Boustany se contentera de dire: «C’était à prévoir. Mais je ne comprends pas comment M. Ghanim Zoghbi déclare devant les caméras être contre l’arrestation d’un syndicaliste alors que son avocat s’oppose à la libération du même syndicaliste...». Et Me Fenianos répondra: «Celui qui viole la loi, ni moi ni le juge ne pouvons l’aider...».

En attendant le
verdict de l’OIT

Comme l’attente se prolonge, Me Boustany raconte que le procureur général près la cour de cassation, M. Addoum, a autorisé les deux filles d’Abou Rizk, Myrna et Joyce, à rester à tour de rôle auprès de lui, dans sa chambre d’hôpital. Rappelons qu’Abou Rizk se trouve depuis lundi soir à l’hôpital orthodoxe, à ses propres frais, pour y subir des examens approfondis. Au fil des minutes, Me Boustany se met à égrener ses souvenirs. Il connaît Abou Rizk depuis 25 ans et c’est lui, qui en 1991, lorsque ce dernier s’est trouvé en conflit avec le ministre de l’Information qui exerce une tutelle sur Télé-Liban s’est chargé de sa défense et lui a permis d’obtenir gain de cause. Aujourd’hui, Me Boustany affirme qu’il défend Abou Rizk par amitié et bien sûr, parce qu’il croit en l’homme.
Vers 13h40, Nehmé sort de chez le procureur et, comme il n’est pas entouré d’agents des FSI, tous les présents poussent un soupir de soulagement. Nehmé annonce aux journalistes qu’il a demandé un délai pour pouvoir présenter certains documents accréditant ses dires. Il précise que l’interrogatoire a porté sur les allusions à des menaces de liquidation physique contenues dans les lettres qu’avec Abou Rizk, il a adressées aux instances internationales. Nehmé ajoute que ces menaces leur sont parvenues par voie de coups de fils anonymes. Par contre, il a longuement évoqué, à la demande du procureur, le déroulement des élections syndicales à Saïda, le 13 avril dernier, lorsque les partisans de M. Abou Rizk avaient été interpellés alors que d’autres syndicalistes faisaient l’objet de tentative de corruption.
L’interrogatoire devrait se poursuivre ce matin, si toutefois M. Abou Rizk est en mesure de se présenter au palais de Justice. Des sources judiciaires estiment à ce propos qu’il y a de fortes chances que le procureur décide d’engager des poursuites contre les deux hommes sur base de l’article 297 du Code pénal, sans toutefois mettre Nehmé en garde à vue. Les mêmes sources pensent que ce dossier est maintenu en réserve, au cas où celui de l’usurpation de titre et de pouvoir, en vertu duquel Abou Rizk est arrêté, s’avère trop faible, sur le plan juridique. Surtout si la commission de vérification de qualité de l’OIT tranche en faveur de Abou Rizk. Car même si la décision de l’instance internationale n’a aucune valeur concrète aux yeux de la loi libanaise, elle ne peut qu’avoir une importante portée morale.
Les nouvelles parvenues de Genève, hier, affirmaient que les quatre syndicalistes libanais, Ghanim Zoghbi et Antoine Béchara (pour la centrale loyaliste), Abdel Amir Najdé et Georges Berbéri (pour la centrale opposante) ont tenu une réunion conjointe avec les représentants de l’OIT et si trois d’entre eux ont réclamé une libération immédiate d’Elias Abou Rizk, seul Antoine Béchara s’y est opposé. En tout cas, le problème devrait être tranché aujourd’hui ou demain au plus tard.
C’est sans doute pourquoi les nombreux participants à la rencontre de solidarité hier ont préféré attendre aujourd’hui pour établir un plan d’action. Ils préfèrent aussi ne pas anticiper la décision du juge Mirza au sujet de la remise en liberté ni celle du procureur au sujet des poursuites pour atteinte au prestige de l’Etat.
S’ils ont prononcé des mots durs à l’encontre du pouvoir, l’accusant — notamment Zaher Khatib, Ibrahim Sayed et Najah Wakim — d’être «dictatorial et oppressif» et allant jusqu’à dire qu’il est «sur le point d’achever sa mission: la destruction totale du Liban, une institution après l’autre», aucune mesure concrète n’a été prise pour augmenter la pression populaire sur le gouvernement et le «pousser à cesser de se servir de la justice pour assouvir ses propres vengeances».
Une réunion du comité de suivi issu de la rencontre du Coral Beach (la première rencontre élargie regroupant tous les opposants autour d’Elias Abou Rizk) se tiendra ce soir au bureau de Zaher Khatib pour établir justement un plan d’action, mais hier, toutes les personnes présentes ont reconnu que l’arrestation du syndicaliste constitue un précédent dangereux. «Nous sommes tous des Abou Rizk», a crié Najah Wakim qui a ajouté que cet homme est devenu un symbole.
Beaucoup, dans la salle, pensent d’ailleurs qu’Abou Rizk est poursuivi politiquement beaucoup plus que judiciairement. Les plus pessimistes vont même jusqu’à dire qu’il en a pour au moins trois ans de prison, afin de ne pas pouvoir se présenter aux prochaines élections législatives. D’autres croient qu’il paie parce qu’il a réussi à cristalliser autour de sa centrale, tous les opposants au gouvernement et qu’en plus, il fait partie du large contentieux qui oppose l’armée au président du Conseil.
Quelles que soient les analyses politiques, officiellement, la balle est dans le camp de la justice. Puisse-t-elle être une pour tous.
Scarlett HADDAD
Un œil sur le palais de justice — où les procédures judiciaires entamées contre Elias Abou Rizk se poursuivent, avec toutefois un peu d’essoufflement — et l’autre sur Genève — où la commission de vérification de qualité relevant de l’Organisation Internationale du Travail doit décider incessamment qui, de la centrale opposante ou de la centrale loyaliste,...