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Actualités - REPORTAGE

La compagnie 5001 : des méchants, pour des missions spéciales (photos)

Nichés à 720 mètres d’altitude dans le très beau village de Baabdate, Hugo, Hamos, Igor et Guir sont sur le pied de guerre, car ils ont reniflé la présence d’intrus dans leur Compagnie. «Ils», ce sont les quatre bergers belges qui font le bonheur et sont la fierté du commandant Pierre Asmar (36 ans), du caporal Romanos Abou Naoum (23 ans) et des soldats Claude Tarabay (21 ans), Milad Abou-Rjaïlé (23 ans) et Fady Al-Adem (25 ans), maîtres-chiens de la Compagnie 5001 des chiens policiers de l’Armée.
La Compagnie 5001, nous dit-on, a été créée le 1er janvier 1993 sur ordre du commandant de l’Armée, le général Emile Lahoud.
Dès l’entrée des lieux, le ton est donné: une pancarte «chiens méchants», écrite en français et en arabe, est placardée sur le grillage. Derrière celui-ci, des niches immaculées (elles sont nettoyées toutes les deux heures) nous rappellent sans cesse la fusion entre la rigueur militaire des maîtres-chiens et le laisser-aller de leur coéquipiers canins.
Mais revenons à quelques années en arrière. Le commandant Asmar (alors capitaine) est chargé de créer la Compagnie des chiens policiers. Objectif: renforcer la sécurité des citoyens grâce à des éléments difficilement soudoyables; car même un gros bifteck offert par une personne autre que leur maître attitré laissera ces incorruptibles de glace.
Commence alors une série de sélections humaines (dans les rangs de l’armée) et canines (en France) pour choisir les futurs effectifs de la Compagnie 5001.
Le choix du commandant Asmar s’arrête sur Romanos, Claude, Milad et Fady car ils correspondent au profil idéal du maître-chien; ils ont moins de 30 ans, ils sont célibataires — condition sine qua non pour un travail de 7 jours sur 7 — patients, bilingues (car leur élève ne goûte que la langue de Molière), et surtout ces maîtres-chiens en herbe aiment leur futur coéquipier à quatre pattes.
Une fois les locaux fin prêts, nos cinq hommes s’envolent vers la France, et plus exactement à Gramat, à l’Ecole de sous-officiers de gendarmerie, centre de formation des maîtres-chiens, où ils seront formés pendant 3 mois à leur futur métier et deviendront à leur tour, mais après deux ans d’expérience, des formateurs diplômés.
Jusqu’à ce jour ils ont à leur tour formé des maîtres-chiens au sein des Forces de sécurité intérieure et de la garde rapprochée du premier ministre en même temps qu’ils ont dressé cinq nouveaux maîtres-chiens de l’armée.
durant leur stage, nos maîtres-chiens ont été testés psychologiquement pour déterminer leur personnalité et les gros traits de leur caractère, afin de leur assigner un compagnon «sur mesure»: à maître agressif, chien agressif…
Côté canin, le choix s’est porté sur des bergers belges mâles, car ils sont féroces mais obéissants et ont le poil court, supportant ainsi mieux la chaleur et l’humidité. Agés de 2 à 5 ans, ils ne doivent pas avoir peur des coups de fusils, doivent aimer jouer et utiliser leur sens olfactif et non leur regard durant l’entraînement.
Le mariage maître-chien étant fin consommé, retour à la mère patrie pour pendre la crémaillère dans des locaux flambant neuf.
Chaque chien aura son maître attitré qui devra le nourrir, le soigner, l’entraîner, le punir et le choyer. Car plus le lien est fort entre maîtres et chiens, plus les chances de succès de leurs missions augmentent. Les missions de la Compagnie 5001 sont en effet nombreuses. A part les missions dites secrètes et qui… le resteront, nos équipes cynophiles sont chargées de détecter toute trace d’explosif lors des événements officiels nationaux (visite du président Chirac, celle du pape, l’inauguration du Casino du Liban, les conférences présidentielles, les fêtes nationales, etc.).
Ainsi, deux heures avant l’arrivée des personnalités sur les lieux de la cérémonie, les équipes de la Compagnie 5001 se rendent sur place à bord de pick-up militaires spécialement aménagés (4 cages à l’arrière pour les chiens et 4 places à l’avant pour leurs maîtres). Sur place elles commencent à ratisser les lieux au millimètre près.
Ainsi, durant le procès Geagea, l’immeuble abritant le tribunal était, à chaque fois, minutieusement fouillé. Lors de la première session du procès, une voiture abandonnée sous le pont en face de la Sûreté générale avait été signalée. La circulation fut immédiatement coupée, et trois équipes de maîtres-chiens furent dépêchées sur place pour inspecter le véhicule, qui n’était qu’un leurre.
Sur place, les opérations de recherche d’explosifs se déroulent en coordination avec le département des opérations de l’armée, qui se charge de désamorcer les bombes ou les explosifs signalés par Igor et ses compagnons.
Parallèlement à ces missions de routine, le commandant Asmar, ses hommes et ses chiens écopent également de missions spéciales consistant, par exemple, à retrouver les suspects à la suite d’un crime, ou de localiser les victimes des avalanches, des éboulements, etc… Ils procèdent également à l’inspection des avions empruntés par les personnalités religieuses et politiques, des parkings de voitures à l’aéroport et de la section fret de l’AIB.
Il est même question de poster des chiens policiers à côté des agents de sécurité chargés du contrôle au rayon X des bagages à l’AIB ou des marchandises au port car, nous dit-on, «on ne peut acheter un chien avec un pourboire…».
Pour rester en forme et ne pas perdre le «nez», ces fins limiers à poil ras, suivent tous les jours un entraînement draconien. «Debout» à 5h30, puis examen vétérinaire avec auscultation cardiaque (la vitesse des battements du cœur doit se situer entre 90 et 120 battements/minute), prise de température, laquelle doit se situer entre 38 et 38.5°C, etc…
Une fois toutes ces indications notées dans le livret médical propre à chaque chien, direction la pleine nature pour 30 minutes de détente au bout desquelles les chiens pourront faire leurs besoins, chose qui leur est interdite dans les niches.
De 6 à 7 heures, ils effectuent leur parcours de combat qui consiste à escalader un toboggan, sauter par dessus des obstacles, grimper sur un muret, marcher en équilibre sur une barre tenant lieu de bord de toit d’immeuble.
Pendant que les chiens se reposent, leurs maîtres nettoient les chenils avec force à coups de détergents.
A 9h00 les maîtres-chiens procèdent au nettoyage des oreilles des chiens — parties qui se salissent le plus vite — et ils pansent les bêtes. Contrairement à l’idée reçue et fort répandue, il ne faut pas laver les chiens plus de 2 fois par an, car ils possèdent sur la peau une matière graisseuse naturelle qui les protège des puces et des tiques. Il faut donc juste leur administrer un brossage tous les 15 jours.
Vient ensuite le plat de consistance de l’entraînement: 3 heures d’exercices d’obéissance (où «debout», «assis», «couché» se succéderont à l’infini pour rappeler à la bête qui est son maître) et de «marquage». Le marquage consiste à faire flairer au chien un explosif pourqu’il grave son odeur dans sa mémoire, puis à le cacher dans un endroit précis en frappant par deux fois sur cet endroit. Le chien se dirigera automatiquement vers la cachette et se mettra à aboyer jusqu’à ce que son maître lui donne sa récompense.
Actuellement la tendance est d’apprendre au chien à ne pas aboyer mais à bouger la queue dès qu’il repère l’explosif car — technologie moderne oblige — il existe de nouvelles charges qui explosent aux seules vibrations provoquées par les aboiements.
Tous les trois jours les chiens subissent un rappel olfactif d’un genre d’explosif déterminé, à l’aide d’une charge de 40 à 100 grammes de TNT. Le chien doit travailler 20 minutes maximum car au-delà, il perd de ses capacités olfactives et il lui faudra alors entre deux et trois heures de repos pour les récupérer.
Les entraînements à l’attaque ont lieu uniquement une fois par semaine, pour éviter que les chiens ne deviennent trop agressifs. De plus, il ne faut jamais enchaîner un exercice de recherche d’explosifs sur celui d’attaque, car le chien gardera un réflexe d’attaque. Il existe deux scénarios d’attaques: dans le premier, l’homme (en l’occurrence un des maîtres-chiens rendu méconnaissable par une tenue de combat spéciale qui coûte 1500$ et qui est tellement épaisse qu’il ne ressent pas les morsures du chien) tient un pistolet et le pointe sur le maître-chien ou sur le chien en laisse. Sur ordre du maître-chien, le chien se jette sur le bras du tireur et l’immobilise. Dans le deuxième scénario, le même homme tient cette fois-ci un bâton ou une matraque et dès qu’il essaye de s’enfuir, le chien le mord derrière la pliure des genoux, provoquant ainsi sa chute.
Si par accident le chien mord la main du maître-chien déguisé lors de l’exercice, celui-ci, s’il tient à sa main, doit la garder dans la gueule du chien car au bout de quelques secondes ce dernier relâche la pression de ses mâchoires.
Durant tous les exercices notamment celui d’attaque, les maîtres-chiens gardent leur pistolet sur la hanche gauche, le chien étant toujours sur leur droite, car si ce dernier mord le cou de l’attaquant, la seule solution est d’abattre le chien sur le champ, sinon l’homme à terre risque de perdre la vie.
Dans ces cas, seul le commandant de la Compagnie portera le coup de grâce.
Parfois également ces bêtes obéissantes mais extrêmement féroces «perdent la tête» et attaquent leur propre maître; celui-ci ne devra donc pas hésiter à abattre l’animal.
Après les 3 heures d’entraînement, le chien pourra se reposer jusqu’à 17h00 pendant que les maîtres-chiens sont encore de corvée de nettoyage des chenils.
A 17h00 c’est l’heure de l’entraînement des papilles gustatives des chiens avec l’unique repas de la journée: 500 g de Royal Canin, gamme ST35 directement et spécialement importée de France, s’il vous plaît! Commence alors une période de digestion et de repos bien méritée. Les chiens, cependant, sont nourris à tour de rôle, à intervalle de 2 heures, afin que deux équipes au moins soient d’attaque en cas de besoin.
Le prix de ces bêtes très actives varie entre 5.000$ et 10.000$ à l’étranger. Après un an d’entraînement au Liban, ces chiens ne valent pas moins de 35.000$!
La raison en est notre supériorité (une fois n’est pas coutume) en matière d’explosifs. En effet en Europe, il n’existe que 6 genres d’explosifs, alors qu’au Liban, les chiens de la Compagnie 5001 apprennent à en reconnaître 18. C’est le nombre de différents explosifs qu’utilisent les individus mal intentionnés de notre pays...
Quand on sait également que le prix d’un chien vierge, sans entraînement policier, est seulement de 2000$ environ, l’on comprend le désir du commandement de l’armée d’arriver à un stade d’autosuffisance au niveau humain et canin au sein de la Compagnie. Ainsi les maîtres-chiens de «la 5001» vont très bientôt suivre un stage à l’étranger pour apprendre les rudiments du dressage des chiens policiers.

Cette autosuffisance entre dans le cadre d’un projet plus vaste qui verra sa réalisation d’ici 18 mois environ. Il consiste à créer une Ecole militaire de préparation des maîtres-chiens et de chiens policiers dont le quartier général serait à l’emplacement actuel de la Compagnie 5001 à Baabdate, et qui compterait alors près de 24 équipes cynophiles.
Cette école serait le point de passage obligé des futures unités de maîtres-chiens des différentes forces de sécurité du pays.

Mayane CHOUCAIR
Nichés à 720 mètres d’altitude dans le très beau village de Baabdate, Hugo, Hamos, Igor et Guir sont sur le pied de guerre, car ils ont reniflé la présence d’intrus dans leur Compagnie. «Ils», ce sont les quatre bergers belges qui font le bonheur et sont la fierté du commandant Pierre Asmar (36 ans), du caporal Romanos Abou Naoum (23 ans) et des soldats Claude Tarabay (21...