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Actualités - CHRONOLOGIE

L'arrestation préventive d'Abou Rizk provoque de vifs remous La contestation syndicale mise hors-la-loi (photo)

Après avoir démembré et pratiquement paralysé la CGTL, les dirigeants s’emploient maintenant à donner le coup de grâce à la contestation syndicale. Accusé par le gouvernement «d’usurpation de titre et de pouvoir», le président de la centrale syndicale non reconnue par l’Etat, M. Elias Abou Rizk, a été mis aux arrêts hier, «à titre préventif», après avoir été entendu dans la matinée par le procureur général près la Cour de cassation Adallah Bitar .
A Beyrouth, M. Abou Rizk est ainsi traité en «hors-la-loi» par le Cabinet Hariri. Mais à l’étranger, l’ensemble des organisations et des fédérations syndicales arabes et internationales ne reconnaissent que M. Abou Rizk comme leader légitime du mouvement syndical au Liban. Ce clivage à caractère manichéen en dit long sur le bien-fondé de l’attitude du gouvernement dans cette affaire.
En avril dernier, le Cabinet Hariri avait pesé de tout son poids dans la balance — sans trop se soucier des lois et des règlements en vigueur — afin d’évincer de la présidence de la CGTL M. Abou Rizk, jugé «gênant» et proche des milieux de l’opposition. Hier, le pouvoir a eu recours aux grands moyens afin de parachever son action, en décidant de placer en détention préventive le patron de la centrale syndicale non reconnue par l’Etat.
Cette mesure prise par le juge Bitar a été accueillie avec stupéfaction, doublée de colère, dans les différents milieux politiques et syndicalistes, d’autant que rien ne la justifie. M. Abou Rizk ne saurait être considéré comme une «menace pour la sécurité nationale». Et de surcroît, le parquet n’a pas encore donné son verdict final dans l’appel présenté devant le tribunal civil par M. Abou Rizk. Celui-ci a déposé une plainte pour invalider les élections qui avaient abouti, le 24 avril, à la désignation de M. Ghanim Zoghbi à la tête de la CGTL loyaliste .
Dans l’attente du verdict du tribunal civil dans cette affaire, M. Abou Rizk se considère toujours comme le président légitime de la centrale syndicale, ce qui a poussé M. Zoghbi (appuyé par le ministre du Travail) à déposer une plainte contre son rival pour «usurpation de titre».

En mettant hors-la-loi la contestation syndicale, le pouvoir a apporté la preuve, une fois de plus, qu’il fait fi non seulement des usages et des règlements en vigueur, mais également de la position d’une large frange de l’opinion locale et du point de vue des instances arabes et internationales. Dès l’annonce de la mise aux arrêts de M. Abou Rizk, un vif émoi s’est manifesté dans les milieux des organisations syndicales étrangères. La Fédération des syndicats libres a publié hier soir à Bruxelles un communiqué particulièrement virulent, s’élevant contre l’arrestation de M. Abou Rizk et condamnant l’attitude du gouvernement libanais dans cette affaire.
L’offensive menée par le pouvoir contre la contestation syndicale sera évoquée largement à l’occasion du sommet ouvrier mondial qui doit se tenir aujourd’hui à Copenhague. M. Abou Rizk devait d’ailleurs se rendre hier au Danemark pour participer à ce sommet qui regroupe toutes les fédérations et organisations ouvrières dans le monde. Le comité préparatoire du sommet en question a élaboré tard dans la soirée d’hier un communiqué stigmatisant l’arrestation de M. Abou Rizk et rendant hommage à son action face aux ingérences de l’Etat dans les affaires internes du mouvement syndical au Liban.
M. Abou Rizk, note-t-on, devait participer également aux travaux de l’Organisation internationale du travail (OIT, relevant des Nations Unies) qui s’ouvriront lundi à Genève. La participation de M. Abou Rizk au sommet de Copenhague et à la conférence de l’OIT à Genève aurait consacré sa légitimité à la tête de la CGTL. De là à affirmer que l’arrestation préventive avait pour but, entre autres, d’empêcher une telle présence au niveau international, il n’y a qu’un pas que nombre d’observateurs n’ont pas manqué de franchir. Encore que le parquet aurait pu se contenter, plus simplement, de demander à M. Abou Rizk de ne pas quitter le pays afin de demeurer à la disposition de la justice.
A l’évidence, le pouvoir semble ainsi se soucier très peu de la réputation du Liban auprès des instances internationales et préfère avoir recours aux grands moyens pour porter un coup sévère à l’opposition. Certes, il est fort probable que M. Abou Rizk soit relâché aujourd’hui après son interrogatoire par le juge d’instruction. Mais en plaçant M. Abou Rizk aux arrêts, le gouvernement a sans doute voulu faire parvenir un «message» à la contestation syndicale. Un «message» dont la teneur n’est pas difficile à déceler, compte tenu du passé très peu reluisant du Cabinet Hariri en matière de libertés publiques et individuelles.
Il reste que face au tollé général provoqué par le coup de force d’hier, les milieux gouvernementaux ont tenté en soirée de se démarquer de la décision du parquet en prétendant que l’Exécutif n’était pour rien dans cette affaire. Mais sur ce plan, nul n’est dupe. Et ironie du sort: la mise aux arrêts de M. Abou Rizk pour «usurpation de pouvoir» est intervenue au lendemain de la motion votée par le Parlement, invitant le Cabinet Hariri à «respecter la Consitution et les lois en vigueur»...

M.T.
Après avoir démembré et pratiquement paralysé la CGTL, les dirigeants s’emploient maintenant à donner le coup de grâce à la contestation syndicale. Accusé par le gouvernement «d’usurpation de titre et de pouvoir», le président de la centrale syndicale non reconnue par l’Etat, M. Elias Abou Rizk, a été mis aux arrêts hier, «à titre préventif», après avoir été...