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Actualités - ANALYSE

Le conseil constitutionnel dans le collimateur des mécontents

L’affaire des invalidations laisse plus de traces que celle des municipales. «Hejjet el khassrane», l’argument du perdant: touchés au vif, des invalidés s’en prennent au Conseil constitutionnel et plus précisément à certains de ses membres qu’ils accusent d’avoir «comploté» pour les évincer, par inimitié personnelle...
Ces déçus ne sont pas isolés: tous ceux qui ont eu des sueurs froides dans le dos, mais aussi tous les piliers d’un système cloué au pilori par le Conseil se coalisent pour jurer sa perte. On parle ainsi de limiter son pouvoir d’invalidation aux seuls cas avérés de triche dans le décompte des voix et de plus de soumettre les verdicts à l’approbation du président de la République, autre gardien de la Constitution ou du Conseil des ministres, détenteur du pouvoir exécutif, voire de l’Assemblée nationale elle-même! Ce qui serait un fantastique retour en arrière, le Parlement n’ayant jamais rien invalidé pour sa part pendant les 53 ans où il en a eu le pouvoir, un pouvoir tout à fait exorbitant puisque cela le mettait en position de juge et partie...
Toujours est-il que, résumant le réquisitoire que les mécontents dévident dans les salons, un parlementaire qui l’a échappé belle affirme que «les verdicts accusent un manque dialectique certain et n’apportent pas assez d’attendus les motivant avec une précision spécifique. Au vu des généralités exposées, on se demande ainsi pourquoi n’avoir pas annulé toutes les élections et pas seulement quatre sur cent vingt-huit. Et si on relève que le Conseil n’a été saisi que de dix-neuf recours portant sur dix-sept mandats, on souhaite savoir pourquoi il n’a pas invalidé tous nos collègues mis sur la sellette. Il est en effet de notoriété publique que les infractions et les pressions invoquées se sont produites partout sans exception, avec les variantes ici ou là. Répétons-le: du moment que le Conseil ne s’en tient pas à des faits précis, très bien déterminés, mais invoque une dérive globale il aurait dû, pour rejoindre l’essence même de sa mission et être conséquent avec lui-même, tout d’abord accepter automatiquement tous les recours qui lui ont été présentés; puis recommander fermement qu’on recommence toute l’opération électorale, l’annulation pure et simple n’entrant pas aux termes de la loi dans ses attributions». Les contempteurs du Conseil estiment que ce dernier «a navigué de toute évidence, par suite de dérapages de médiatisation et de bras de fer multiples, dans des eaux plutôt troubles qui l’ont conduit à opter en pratique pour une sorte de «compromis à la libanaise» tout à fait contraire à l’esprit même de sa mission qui est arbitrale et non médiatrice. Dès lors, ajoutent-ils, nous nous proposons de soulever la question à la Chambre lors du tirage au sort pour le remplacement par rotation de certains membres du Conseil. Nous allons à cette occasion demander que la loi créant cette instance et la dotant d’un règlement intérieur soit amendée».
D’autres politiciens, mis hors-jeu lors des dernières législatives ou qui les ont boycottées, se retrouvent pour leur part sur une même longueur d’onde pour se réjouir de ce que «les verdicts du Conseil constitutionnel viennent démasquer les «initiatives» électorales bizarres de certains services relevant notamment de l’Intérieur, alors que l’armée a pour sa part assumé à la perfection la mission de sécurité qui lui avait été confiée». Un point de vue que semble partager à l’Ouest le président Sélim Hoss pour qui «le cru 96 est le pire qu’ait connu ce pays en matière de législatives»... Mais l’esprit de corps, si on peut dire, finit par jouer quelque part et si à l’Est on s’étonne quand même que sur quatre invalidés il y ait trois maronites et un seul mahométan, à l’Ouest on a tendance à déplorer que cela ne soit pas l’inverse! Et dans les deux camps on estime qu’il y a eu des «chanceux» qui ont échappé comme par miracle à la fournée, en laissant entendre que certaines protections ont su jouer. Non pas tant, ajoute-t-on, par sympathie pour les bénéficiaires, dont l’élection est ainsi confirmée, que par hostilité viscérale pour de redoutables bretteurs et autres vieux lions laissés sur la touche... Mais alors pourquoi n’avoir pas couvert tout le monde. «Tout simplement, répondent les adversaires du Conseil et du pouvoir confondus, parce qu’on a estimé qu’après l’affaire Mallat il fallait redonner une virginité à cette institution et la faire paraître comme n’étant pas aussi docile qu’on l’en accuse. Il a donc fallu «sacrifier» quatre élus et encore c’est trop dire, car on leur laisse la chance de se représenter, ce qui en France ne se fait pas...»
Pour tout dire, entre l’enclume des loyalistes qu’il a ulcérés et le marteau d’une opposition qui doute de sa crédibilité ou de son autonomie, le Conseil constitutionnel se retrouve soumis à rude épreuve et risque sérieusement de voir ses statuts amendés...

Ph.A.-A.
L’affaire des invalidations laisse plus de traces que celle des municipales. «Hejjet el khassrane», l’argument du perdant: touchés au vif, des invalidés s’en prennent au Conseil constitutionnel et plus précisément à certains de ses membres qu’ils accusent d’avoir «comploté» pour les évincer, par inimitié personnelle...Ces déçus ne sont pas isolés: tous ceux qui...