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Actualités - ANALYSE

Des sentences qui condamnent implicitement le système...

L’importance des arrêts rendus par le Conseil constitutionnel, compte non tenu de leurs attendus qui peuvent donner matière à discussion, tient au fait que, malgré moult vicissitudes, on peut se sentir assez rassuré: le Liban n’est plus totalement dépourvu d’organisme de contrôle au niveau institutionnel et trouve dans cette charrette d’invalidations — une grande première — quelque espoir de se dégager un jour de sa persistante anarchie. Sur le plan technique, l’exemple donné aujourd’hui servira sans doute à beaucoup dissuader à l’avenir les fraudeurs électoraux en puissance. Certes ce n’est pas par cette seule prévention que se forge la démocratie, mais enfin le pays sort sur ce plan de la zone rouge où clapotent tant de républiques bananières et peut envisager de progresser sur la voie du civisme, malgré les lourds fardeaux qui lestent sa démarche.
«Handicaps parmi lesquels, dit un opposant modéré, on relève en premier la conception très particulière que certains dirigeants ont du pouvoir «démocratique». On ne s’étonnera donc pas de les voir réagir avec un agacement à peine maîtrisé aux décisions du Conseil constitutionnel. Non seulement leurs intérêts politiques en prennent un coup, mais ils doivent aussi faire face à cette évidente condamnation publique: les élections qu’ils ont organisées, en se gargarisant tant et plus au sujet de leur régularité, étaient largement imparfaites, courtois euphémisme, dans la plupart des régions. Il y a donc une sorte de camouflet, de discrédit, pour le système. On pourra objecter qu’aucun de ses tenants n’est un accro de la morale, que peut leur chaut finalement ce qu’on peut dire de leur gestion, qu’on les entend même souvent se vanter dans les salons de leurs «exploits», de la puissance qui leur permet de fouler la loi aux pieds. C’est ainsi du reste que les scandales qui se succèdent restent autant de tempêtes dans un verre d’eau qui n’affectent en rien la position dominante des dirigeants du moment. Mais on peut tout leur reprocher sauf d’être naïfs et ils savent très certainement qu’ils doivent redouter, bien plus que tout scandale, un désaveu venant du sein même de l’Etat. Car cela voudrait dire qu’ils se trouveraient tous ensemble confrontés au pire des risques qui soit à leurs yeux: que la règle du jeu finisse par leur échapper, qu’elle soit dictée par la loi commune qui se substituerait ainsi à un système de partage, de bazar à travers lequel, malgré leurs conflits d’intérêts, ils finissent tous par trouver leur compte».
Et de souligner que «ce n’est donc pas sans inquiétude que le camp loyaliste se voit sanctionné pour le drôle de cirque organisé l’été dernier, notamment au Nord où tous les péchés mignons des arrangeurs de scrutin ont fleuri ensemble: listes d’électeurs tronquées, bourrées, trafiquées, cars débarquant d’étranges étrangers venus voter avec de faux papiers, pressions, intimidations, trafics de voix, partisans d’opposants neutralisés, scrutateurs interdits de bureau de vote, personnel manquant, urnes baladeuses...».

Réduction

«Un scénario, ajoute cette source, dont des fragments ont été joués, plus discrètement, plus habilement aussi, en bien d’autres points de la carte libanaise. On sait déjà par M. Sélim Azar notamment qu’il y avait lieu de contester plus que les quatre dossiers frappés d’annulation. Ce qu’on sait moins, c’est qu’à cause des délais, des conditions posées pour étayer une plainte, des pressions dissuasives,et sans doute aussi des «compensations» accordées à des protestataires éventuels, des dizaines de candidats évincés ont renoncé à présenter un recours. Le pouvoir, tout mécontent qu’il puisse être aujourd’hui, devrait en réalité pousser un ouf de soulagement car si tout avait été déballé devant le Conseil constitutionnel, le nombre d’invalidations aurait pu être tel qu’il aurait fallu pratiquement recommencer toutes les élections...».
Cette personnalité, qui évite pour sa part de trop s’appesantir sur les anomalies qui ont pu accompagner l’action même du Conseil, dont le président même a été poussé à la démission, affirme qu’en «entrant dans les détails, on constate que certains préposés aux urnes n’avaient qu’une vague idée de leur mission et, faute de formation préparatoire, ont multiplié les fautes techniques. Beaucoup de procès-verbaux du décompte de voix sur place dans les bureaux n’étaient pas contresignés et en perdaient dès lors toute valeur légale. Ces fonctionnaires ont laissé opérer des femmes voilées qui ont voté commodément à plusieurs reprises pour des candidats du pouvoir. Ce n’est que pour les municipales que le ministère de l’Intérieur, qui d’ailleurs lance à cette occasion la carte électorale individuelle, s’avise que ces électrices à répétition on peut les contrôler par un cachet d’encre indélébile sur le poignet... Une méthode connue depuis deux siècles mais qu’on a «oublié» d’utiliser lors des dernières législatives. Aujourd’hui, c’est le Trésor, donc le contribuable, qui doit supporter les frais des élections partielles qu’on va organiser...».
Du côté des politiciens traditionnels, on affirme que le Conseil constitutionnel, bien qu’il s’en soit tenu à quatre invalidations alors que 17 élus étaient sur la sellette, a fait montre d’une sévérité que pour un peu on jugerait excessive. Ainsi des députés soutiennent que «le rôle du conseil se résume à vérifier la concordance de chiffres obtenus lors de différents pointages de voix. Il ne doit pas se préoccuper de savoir s’il y a eu des pressions ou des immixtions car on ne peut jamais vérifier de tels éléments...». Ces parlementaires vont plus loin et proposent que «le Conseil soit composé uniquement de magistrats à la retraite, pas de juges en activité car ces derniers sont vulnérables, sensibles aux menaces pouvant être lancées contre leur carrière ou aux promesses d’avancement». C’est dire si ces députés ont confiance... Ils ajoutent que «le mandat des membres du Conseil doit être de quatre ans ou de six ans et jamais renouvelable: du moment qu’il s’agirait de fonctionnaires déjà à la retraite, ils seraient trop âgés pour rempiler... Quand ils auront à connaître de procès en invalidation, ils devront siéger à huis clos, en se coupant totalement du monde extérieur pour échapper à toute influence, sans solution de continuité, jusqu’à rendre leur arrêt». Plus carrément encore, d’autres députés proposent qu’on ôte au Conseil constitutionnel — qui n’aurait plus alors à traiter que de la constitutionnalité des lois — la partie invalidation pour la confier au Conseil supérieur de la magistrature.
E.K.
L’importance des arrêts rendus par le Conseil constitutionnel, compte non tenu de leurs attendus qui peuvent donner matière à discussion, tient au fait que, malgré moult vicissitudes, on peut se sentir assez rassuré: le Liban n’est plus totalement dépourvu d’organisme de contrôle au niveau institutionnel et trouve dans cette charrette d’invalidations — une grande...