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Actualités - ANALYSE

Alors qu'on reparle de dialogue, l'est ressasse ses griefs politiques

La visite du pape aidant, on rhabille l’Est politique de la cape griffée «dialogue». On reparle donc en vrac de dialogue islamo-chrétien, syro-chrétien, étatico-chrétien... Mais sur quoi ces échanges potentiels pourraient-ils porter, où se situent au juste, comment se définissent les conflits à traiter? Vues du côté chrétien, les raisons du sentiment d’oppression, d’injustice, d’exclusion et de désarroi qu’on y éprouve se résument comme suit:
— La représentation chrétienne, au sein de l’Exécutif comme du Législatif, est fortement déficiente car elle émane d’élections tronquées massivement boycottées par les chrétiens. Ces derniers estiment par conséquent que la plupart des élus parachutés soi-disant en leur nom, et qui ont peu de poids réel en termes d’assises populaires, représentent d’autres intérêts que ceux de leur collectivité communautaire. Un désavantage d’autant plus marqué que, face à cette armée de fantoches, dont ne se distinguent que deux ou trois politiciens qui ont un électorat bien à eux, le camp mahométan est représenté par une cohorte dense, très fournie, de vrais leaders.
— Du fait de la guerre et des départs, la minorité chrétienne s’est encore rétrécie, ce qui explique en partie qu’elle ait pu aussi facilement se laisser marginaliser, réalité dont le textes constitutionnels eux-mêmes rendent compte puisque les pouvoirs du président de la République ont été transmis au Conseil des ministres. De même, à la Chambre, l’ancienne majorité chrétienne (six contre cinq) a été gommée au profit d’une parité égale qui n’est en réalité qu’une illusion car le cinquième au moins des députés chrétiens obéit au doigt et à l’œil à un leadership mahométan. Les pratiques courantes, qui n’hésitent pas le cas échéant à fouler les lois et la Constitution elle-même aux pieds, accentuent les déséquilibres politiques et le malaise socio-économique. De ce fait, non seulement il n’y a pas de retour chrétien massif malgré la fin de la guerre, mais le mouvement d’émigration se poursuit. Et, de plus, le retour de déplacés reste incomplet, c’est le moins qu’on puisse dire...
— Sous le prétexte commode des «impératifs régionaux», on écrase politiquement les chrétiens et on tient soigneusement à l’écart leurs principaux leaders qui sont soit exilés soit incarcérés. Seules de vraies élections pourraient régler cette situation inique mais il est évident qu’elles restent hors de question dans la mesure où elles n’arrangeraient les affaires ni des décideurs ni des gens du pouvoir.
— La dissolution et le désarmement des milices n’ont pas été absolus. Il y a eu dès le départ fin 1990, dès le plan dit global de sécurité qui n’a été appliqué qu’à l’Est, de très nettes disparités, notamment dans le Grand-Beyrouth.
— On brode de temps à autre sur une «réconciliation nationale» et sur la formation d’un gouvernement d’union. Mais cela ne veut rien dire puisque dans ce cadre on prétend traiter avec des pôles que les chrétiens n’ont pas eux-mêmes choisi, en gardant hors circuit leurs leaderships authentiques. Et si on conteste à ces derniers une telle qualité, qu’on organise donc des élections vraiment libres et régulières, ouvertes à tous et auxquelles les émigrés comme les déplacés pourraient participer, comme candidats ou comme électeurs...
— Enfin, dans l’énumération de leurs griefs, les pôles de l’est mettent l’accent sur la présence syrienne. Ils lui reconnaissent volontiers le mérite d’avoir mis fin aux guerres libanaises mais affirment qu’il n’y a plus de raison que cette présence se prolonge car sa nécessité sécuritaire n’est plus évidente, du moment que les forces régulières locales maintenant réhabilitées sont parfaitement capables de gérer seules l’ordre dans tout le pays. Il et inutile de cacher, concluent ces pôles, que cette question reste la principale pierre d’achoppement empêchant la tenue d’un vrai dialogue national...

E.K.
La visite du pape aidant, on rhabille l’Est politique de la cape griffée «dialogue». On reparle donc en vrac de dialogue islamo-chrétien, syro-chrétien, étatico-chrétien... Mais sur quoi ces échanges potentiels pourraient-ils porter, où se situent au juste, comment se définissent les conflits à traiter? Vues du côté chrétien, les raisons du sentiment d’oppression,...