Kasparov battu par le superordinateur Deep Blue a écrit une page de l'histoire des échecs (photos)

NEW YORK, 12 Mai (AFP). — Un champion du monde d’échecs a été battu pour la première fois sur l’ensemble d’un match par un super-ordinateur, dimanche à New York. Mais le vaincu, le Russe Garry Kasparov, affirme que sa défaite ne prouve pas la supériorité de la machine sur l’homme.
Garry Kasparov, 34 ans, invaincu par les humains depuis douze ans, a abandonné après 19 coups et à peine plus d’une heure dans la sixième partie contre le super-ordinateur «Deep Blue» d’IBM, quittant la table en levant les bras au ciel.
Avant la dernière partie de ce duel doté de 700.000 dollars au vainqueur et 400.000 dollars au perdant, Kasparov et «Deep Blue» étaient à égalité à 2,5 points partout (chaque victoire vaut un point et chaque partie nulle un demi-point).
«L’ordinateur n’a encore rien prouvé (...). La compétition ne fait que commencer», a affirmé au cours d’une conférence de presse un Garry Kasparov à la mine très sombre. «Si nous avions joué une vraie partie de compétition, je vous assure que j’aurais mis «Deep Blue» en pièces», a-t-il ajouté.
Le grand maître Fedorowicz, comme tous les passionnés qui suivaient la rencontre, était extrêmement surpris par l’abandon de Kasparov. «Il n’avait pas l’air perdu. Nous avons tous joué cette position, elle est connue», a-t-il commenté.
«J’ai été battu, mais je ne doute aucunement que cette machine aurait été battue dans un match d’échecs normal», a assuré Kasparov, soulignant comme il l’avait fait avant le début de la rencontre qu’il n’avait disposé à l’avance d’aucune des parties jouées par «Deep Blue».
«Je vous prie de m’excuser, j’ai honte de ce que j’ai fait à la fin de la partie mais cela n’a rien à voir avec les échecs», avait-il déclaré en ouvrant cette conférence de presse.

«J’ai peur»

«J’ai été surpris par la deuxième partie», abandonnée alors qu’il avait le résultat nul à portée de la main, et «ce jeu a eu un profond impact sur ma psychologie», a-t-il précisé.
«Je suis humain, lorsque je suis face à quelque chose au-delà de ma compréhension, j’ai peur», a-t-il dit. «Un homme, le meilleur joueur du monde, a craqué sous la pression», a-t-il expliqué, parlant de lui-même à la troisième personne. «Mais on peut battre l’ordinateur, il a trop de points faibles», a-t-il assuré.
Alors que Kasparov n’avait pas vraiment été inquiété par «Deep Blue» pendant les quatre premières parties, il s’était laissé surprendre samedi à New York dans la cinquième manche, concédant le nul en 49 coups au moment où il semblait l’emporter. «J’ai perdu mon esprit compétitif hier», a expliqué Kasparov.
«Ma plus grosse erreur est de n’avoir pas posé certaines conditions qui auraient rendu le jeu honnête», comme l’accès aux parties jouées par «Deep Blue» et aux interventions des champions d’échecs travaillant pour IBM durant la rencontre, a dit Garry Kasparov.
Une autre erreur «est de n’avoir pas été prêt», a assuré le champion russe. «J’ai honte de ne pas m’être préparé (...), ma préparation n’a duré que dix jours», a-t-il ajouté.
Battu l’an dernier lors de la première partie par une version moitié moins performante de «Deep Blue», qu’il avait finalement vaincu 4 à 2, Kasparov avait pourtant dit prendre «très, très au sérieux» cette revanche, et s’était préparé pendant quatre semaines dans son camp d’entraînement près de Moscou.
La victoire de «Deep Blue» «montre au monde ce que la technologie peut faire pour l’homme», a commenté Chung-Jen Tan, responsable de l’équipe d’IBM, qui utilise cet ordinateur de 1,4 tonne, capable d’évaluer 200 millions de positions par seconde, dans l’analyse financière ou la recherche sismique dans l’industrie pétrolière.