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Actualités - REPORTAGE

De Saint-Pierre à Karol Wojtyla, une lutte incessante faite de hauts et de bas au service d'une foi de hauts et de bas au service d'une foi et de l'humanité La papauté, institution bimillénaire dont le rayonnement n'a cessé de s'affirmer (photos)

«Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise». Qui ne connaît ces mots adressés par le Christ à Simon, un des Apôtres, qu’il surnomma Pierre pour indiquer le rôle qu’il jouera dans l’édification de l’Eglise? Premier pape ou pasteur universel, Pierre choisit Rome pour fonder l’Eglise «une, universelle, sainte et apostolique». Pourquoi Rome et pas une autre métropole? Probablement parce qu’elle était la capitale et le centre politique d’un empire romain ancré dans son paganisme et farouchement hostile au christianisme naissant. On ignore quand la papauté a été exactement instaurée, mais on la situe dans la moitié du premier siècle (Saint-Pierre serait mort en l’an 64). Sa mission: assurer la continuité de la charge de pasteur universel confiée à Pierre par le Christ. Mais si, à ses débuts, la papauté a assumé tant bien que mal son rôle pastoral en raison d’une certaine dépendance vis-à-vis du monde laïque et des ingérences de la noblesse dans les affaires de l’Eglise, elle a fini au fil des siècles et notamment après la fondation de l’Etat de la Cité du Vatican (7 juin 1929) par affermir son autorité – qu’elle définit comme un pouvoir de service – ainsi que son rayonnement universel. L’évolution de la société moderne dans un sens qui est le plus souvent à contre-courant des enseignements de l’Eglise rendra toutefois encore plus difficile la mission de l’institution pontificale, dont les détracteurs se multiplient jusqu’aujourd’hui, même au sein d’Eglises locales. Mais tout comme au début de l’Histoire chrétienne, l’accession à la tête de l’Eglise de personnages «intrigants ou sans scrupules», tels que les historiens les décrivent, n’a pas eu pour résultat de compromettre l’institution pontificale. Les tribulations du monde moderne n’arrivent pas à affaiblir le message du Saint-siège qui voit renforcé, au contraire, son rayonnement spirituel et, par extension, politique, l’action politique étant toutefois subordonnée à des motivations humanitaires.
On peut croire que la mission du Saint-siège s’est renforcée et sa structure développée au fur et à mesure que l’Eglise a acquis son autonomie face à l’aristocratie, dont elle dépendait étroitement à ses débuts, pour des raisons d’intérêts réciproques. Au commencement de l’ère chrétienne, l’Eglise romaine avait pour seule mission d’évangéliser et sa structure répondait essentiellement à cette fonction. Le pape était entouré de cardinaux, le plus souvent choisis par l’aristocratie, et dont la fonction se précise dès le XIe siècle. Dès l’époque de Léon IX (1049-1054), ils forment un groupe très proche du pape et se voient confier des tâches administratives très importantes. Sous Urbain II (1088-1099), ils forment le Consistoire, une sorte de conseil restreint réuni autour du pape pour discuter avec lui de questions importantes. Ils constituent ainsi un genre de gouvernement collégial.
La réforme de l’élection pontificale constitue un premier pas vers une autonomie totale de l’Eglise et l’amorce d’un gouvernement central de l’Eglise catholique. Proposée par le pape Grégoire VII, elle est votée en 1059: les successeurs de Saint-Pierre sont désormais élus par les cardinaux-évêques. (On ignore comment les papes étaient désignés au début de l’ère chrétienne, d’autant qu’à l’époque le nom de «pape» était donné à tous les évêques. Jusqu’au XIe siècle, leur désignation devait être agréée par l’Empereur).
Dans le même temps, l’ensemble des organismes gouvernementaux du Saint-siège – ce qu’on appelle la Curie (voir tableau) – est réorganisé. Petit à petit, les postes importants sont retirés à la noblesse romaine tandis que la Curie se renforce et se spécialise: elle assume la direction des ordres religieux, des universités, dirige les Croisades, tranche des litiges... L’Eglise n’a encore rien d’un Etat, mais avec son organisation, elle s’en rapproche.
Les mouvements de réorganisation de l’Eglise se poursuivent au fil des siècles, notamment grâce à une série de conciles consacrés aux affaires de la chrétienté mais aussi à des questions temporelles. Citons le concile de Trente (1545-1563) qui porte sur une réforme générale de l’Eglise catholique face à la Réforme protestante et qui définit le pape comme «Pasteur de l’Eglise universelle» (l’Eglise est sous l’autorité du pape et n’est pas un corps d’Eglises nationales). Les points principaux de la doctrine catholique sont bien définis contre «les hérésies», le protestantisme étant considéré comme tel à l’époque. Après ce concile, la diplomatie de l’Eglise romaine s’intensifie dans le but de lutter contre le protestantisme.

Vatican II: Une étape charnière

Le concile Vatican I (1869 - 1870) définit le dogme de l’infaillibilité du pape, mais le mouvement de réforme trouve son apogée à la faveur du concile Vatican II (1962-1965), considéré comme une étape charnière dans l’Histoire de l’Eglise romaine, dans la mesure où sa finalité était une mise à jour de l’Eglise, de son identité et de sa mission, face à un monde en pleine évolution. On réorganise notamment la Curie de manière à l’adapter aux changements modernes.
Les réformes successives de l’Eglise permettront à l’institution pontificale non pas d’asseoir une autorité qu’elle n’avait pas besoin de prouver, mais de mieux gérer son action en dissociant ses activités temporelles et spirituelles.
Le pape Paul VI (1963-1978) qui fait aboutir Vatican II, après la mort de Jean XXIII (1958-1963) – qui avait convoqué ce concile –, fait appliquer cette réforme en élargissant les prérogatives de la Secrétairerie d’Etat qui contrôle l’ensemble du gouvernement du Saint-siège. Paul VI supprime quelques grands organismes de l’institution pontificale et en créera de nouveaux, notamment l’Assemblée du Synode, un organisme qui l’aide à examiner en profondeur certaines questions intéressant la vie de l’Eglise, qu’il internationalise en autorisant la nomination d’ésvêques diocésains comme membres des congrégations.
Poursuivant le dialogue œcuménique lancé par Jean XXIII, et dans lequel il était lui-même fortement engagé, Paul VI forme des commissions de théologiens pour tenter de rapprocher les doctrines en les appronfondissant. Soucieux d’engager aussi un dialogue avec les non-chrétiens, il met sur pied le «Secrétariat pour les non-chrétiens» et la «Commission pour les relations avec le judaïsme et l’islam». S’il faut insister sur cette réforme, c’est parce qu’elle a donné forme à la Curie d’aujourd’hui, le pape Jean-Paul II l’ayant entérinée et complétée en 1988 puis en 1992.
Mais Vatican II a aussi confirmé le pouvoir suprême du pape. Vicaire de Jésus-Christ, successeur du Prince des apôtres, souverain pontife de l’Eglise universelle..., le pape détient, dans l’Eglise, «le pouvoir ordinaire, suprême, plénier, immédiat et universel qu’il peut toujours exercer librement» (canon 331 du Code de droit canonique).
Dans son livre, «Plaidoyer pour Jean-Paul II», Joël-Benoît d’Onorio, spécialiste en droit constitutionnel et ecclésiastique, s’étend longuement sur l’exercice de l’autorité pontificale. Il explique notamment que le pouvoir du pape est «ordinaire» parce qu’il est «attaché à la charge pontificale», «suprême» parce qu’il est «supérieur à tous les autres», «plénier» parce qu’il est «applicable à toutes les questions», «immédiat» parce qu’il est «sans intermédiaire» et universel parce qu’il est «en tout lieu».

La réforme
de la Curie

Si Vatican II a été fortement contesté en raison, disent ses défenseurs, d’une mauvaise interprétation de ses décisions ayant conduit à une libéralisation à outrance de certaines Eglises locales, il n’en demeure pas moins qu’il a apporté un souffle nouveau, mais dans l’Esprit enseigné par le christ, à une institution qui commençait à se sentir dépassée par les événements. Il se prononce sur l’ordination des femmes, le mariage des prêtres, les divorcés-remariés, la contraception et l’avortement, réforme la liturgie pour la rendre plus accessible au peuple et définit la mission des évêques tout en renforçant la mission de l’Eglise au service de l’Evangélisation. Des congrégations et des conseils pontificaux sont constitués: les congrégations, au nombre de douze depuis 1917, forment de véritables ministères de l’Eglise. Leurs décisions sont contraignantes lorsqu’elles sont signées par le pape alors que les conseils pontificaux sont des organismes consultatifs traitant de diverses questions intéressant l’Eglise sans être ecclésiastiques, tels les problèmes de la famille, ou des relations avec les non-chrétiens...
Un nouveau cadre d’action est aussi institué par Vatican II, celui des synodes qui – à l’instar de celui qui a été organisé pour le Liban – ont pour principal thème l’évangélisation ou la nouvelle évangélisation dont les bases avaient été posées par Paul VI en 1975, dans son exhortation apostolique «Evangelii nuntiandi». Les synodes sont tenus pour les continents, les régions, les Etats ou les diocèses lorsqu’un déclin religieux est noté ou quand les enseignements du Christ ne trouvent plus d’écho auprès d’une population chrétienne qui se laisse aller au découragement ou qui est simplement en quête d’un renouveau. Jean Paul II nous dit à ce sujet, dans sa lettre apostolique «Tertio millennio adveniente» sur la préparation du Jubilé de l’an 2000: «Les synodes résultent de la conception du concile Vatican II sur l’Eglise, ils donnent une grande place à la participation des laïcs dont ils déterminent la responsabilité spécifique dans l’Eglise. Ils sont l’expression de la force que le Christ a donnée à tout le peuple de Dieu, le faisant participer à sa mission messianique, mission prophétique, sacerdotale et royale».

Une force
régulatrice

Forcée toutefois d’agir d’urgence pour défendre des principes fondamentaux tels que la paix, la justice et le respect de la vie et de la dignité humaines, la papauté n’hésite pas à intervenir directement, notamment pour prévenir ou faire cesser les deux guerres mondiales, enrayer les guerres qui ont éclaté dans la deuxième moitié du siècle et tenter d’améliorer la situation des chrétiens dans l’ancien bloc communiste. On sait le rôle fondamental joué par l’Eglise, à travers une action davantage pastorale que politique, dans l’écroulement du Bloc communiste. «Le premier voyage de Jean-Paul II en Pologne en juin 1979 fait comprendre à la société qu’elle est une force qui a le droit à la vérité et à la liberté», note Yves-Marie Hilaire, un des auteurs de l’ouvrage «Histoire de la papauté».
C’est à l’aube du vingtième siècle que le Saint-siège voit son rôle s’affermir non plus comme une autorité de service pour le monde chrétien mais comme une force régulatrice au service de l’humanité: Pie X (1903-1914) tente d’éviter que la situation internationale conflictuelle ne dégénère. Avec l’éclatement de la Première Guerre mondiale, l’institution pontificale déploie des efforts tous azimuts sous Benoît XV (1914-1922) pour éviter «les massacres inutiles» et, trois ans plus tard, en 1917, elle propose des bases de négociations qui sont toutefois ignorées. Dans le même temps, elle organise des actions de secours et d’assistance aux blessés et aux personnes sinistrées. Faute d’avoir pu empêcher la guerre, le Saint-siège s’efforce ensuite de pacifier les esprits en établissant des relations avec les nouvelles nations, notamment sous Pie XI (1922-1939) dont la devise était: «La paix du Christ dans le règne du Christ».
La diplomatie du Saint-siège reste active pour éviter d’éventuels débordements, mais ne pourra pas empêcher une Deuxième Guerre mondiale. Pie XII (1939-1958) tente vainement d’organiser une conférence des cinq puissances de l’époque en mai 1939 puis de proposer des négociations en août de la même année. Peine perdue.
Pendant tout le temps que dureront les conflits, l’activité spirituelle du Saint-siège, au sens strict du terme, se trouve reléguée au second plan au profit d’une action politico-humanitaire. Elle ne reprendra sa place prépondérante qu’avec la fin de la guerre lors de la reprise de la réforme de l’Eglise et du lancement du dialogue œcuménique successivement par Jean XXIII et Paul VI. C’est la fonction épiscopale qui est réévaluée. Jean XXIII, initiateur du concile Vatican II, visite les paroisses, les prisons et Paul VI fait le tour du monde pour prêcher la Bonne parole et poursuivre la mission pacificatrice de la papauté. Au Vatican, il reçoit tous les mercredis jusqu’à vingt mille personnes dans une grande salle en vue d’un enseignement régulier et développe l’équipement de «Radio Vatican».
L’impulsion nouvelle donnée à la mission pastorale par Jean XXIII et Paul VI est reprise par les deux papes Albino Luciani puis Karol Wojtyla qui, à leur élection, choisissent un prénom composé – «Jean-Paul» – pour rendre hommage à leurs deux prédécesseurs et exprimer leur volonté de suivre la voie tracée par leurs prédécesseurs.

Tilda ABOU RIZK
«Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise». Qui ne connaît ces mots adressés par le Christ à Simon, un des Apôtres, qu’il surnomma Pierre pour indiquer le rôle qu’il jouera dans l’édification de l’Eglise? Premier pape ou pasteur universel, Pierre choisit Rome pour fonder l’Eglise «une, universelle, sainte et apostolique». Pourquoi Rome et pas une...