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Actualités - ANALYSE

10 mai : interrogations sourdement inquiètes de certains loyalistes...

Reportée à plusieurs reprises, notamment à la suite de l’attentat de Zouk en 1994, la visite papale continue à susciter des questions qui reflètent souvent, de la part du courant loyaliste qui les émet, une attitude de doute, pour ne pas dire de méfiance. «Pourquoi vient-il au juste?... La visite pourra-t-elle éviter d’avoir une connotation politique et se cantonnera-t-elle dans un cadre strictement paroissial?... Quelles en seront les retombées, que peut en espérer le peuple libanais, quel changement?... Que peut-on en attendre sur le plan de la souveraineté?» etc.
Techniquement, si l’on peut s’exprimer de la sorte, une démarche du souverain pontife implique toujours une dimension qui dépasse, par une dynamique universaliste facilement compréhensible, le cadre strictement paroissial ou spirituel. Il y a toujours en filigrane un appel d’une foi humaine pour un monde meilleur, donc pour une évolution déterminée sinon pour un changement radical, dans le vécu même des peuples. Le pape insuffle un élan certain à ceux qu’il visite, en leur rappelant qu’il leur faut s’aider eux-mêmes s’ils veulent que le ciel vienne à leur rescousse. Le Christ, dont il est le vicaire sur terre, disait aux miraculés: «Va, ta foi t’a sauvé». En termes modernes, on parlerait de la force extraordinaire du mental, du psychologique et on estimerait que c’est à ce niveau capital que le pape agit. Fils d’un peuple opprimé, Jean-Paul II offre en outre cette caractéristique de traiter le réel, en évitant la rhétorique ou la casuistique dont certains ecclésiastiques romains, «élevés dans le Sérail» comme on dit, se montrent férus. C’est ce que note un dignitaire local qui ajoute que, «conscience du monde, le pape voit les problèmes, en établit le diagnostic, avertit les dirigeants concernés et ne peut certainement pas dire d’un peuple qu’il est prospère quand il sait que sa majorité vit au-dessous du seuil de pauvreté... Il ne peut décerner à des Etats des certificats de bonne conduite quand les doits de l’homme y sont piétinés... Et il ne peut déclarer que la souveraineté est entière dans un pays occupé, que la liberté y est respectée quand sévit l’arbitraire, que la démocratie y règne quand le système est anarchique... Certes, ajoute cette personnalité, le Vatican, comme le relevait Staline, n’a pas de divisions blindées; mais il a l’incoercible puissance du verbe».

La crise de Cuba

Sur le plan concret, cette source remarque que «si les dirigeants du monde, et les nôtres en particulier, pensaient que le rôle du pape ne devrait avoir rien de politique, ils ne le relanceraient pas régulièrement comme ils le font tous pour lui exposer différents problèmes et, souvent, lui demander une aide, un conseil, une intervention déterminée, voire une médiation. Sans l’arbitrage discret de Jean XXIII, on le sait maintenant que les archives du KGB sont dévoilées, la crise des missiles à Cuba en 1962 aurait provoqué une troisième guerre mondiale nucléaire... Jamais l’on n’a hésité à recourir au Saint-Père, ici même, pour soutenir la 425. Pourquoi voudrait-on l’empêcher de travailler pour la coexistence et pour l’entente, la vraie... Il faut entendre ce que Jean-Paul II dit lui-même de sa visite au Liban: pour lui, c’est un pèlerinage qui a une profonde dimension «humaine». Peut-on ignorer ce que ce qualificatif implique comme intérêt pour les problèmes réels du peuple hôte? Oublie-t-on qu’en 89, par exemple, on avait beaucoup, beaucoup pressé le Vatican pour qu’il soutienne Taëf en amenant à composition Bkerké et les catholiques du Liban? Pourquoi ne parlait-on pas de «la neutralité nécessaire du Saint-Siège» quand on lui demandait de militer activement pour la cause palestinienne?»
Une personnalité diplomatique estime pour sa part qu’au-delà de la controverse ponctuelle sur la nature — spirituelle ou politique — de la visite papale «par sa présence même Jean-Paul II apporte en substance ce message: le Liban demeure, ni son entité, ni son identité ne risquent de se fondre en d’autres, comme certains le craignent; il n’y aura pas de règlement régional aux dépens de ce pays, qui est une patrie modèle de coexistence...»
Mais, en pratique, c’est peut-être trop dire. Ou trop espérer. Car si par malheur les différents protagonistes ou arbitres concernés par le dossier régional devaient régler le conflit en faisant une fois de plus payer les pots cassés au Liban, il est douteux que ses différents amis — sauf le respect qu’on doit à leur autorité morale — réussissent à le protéger...

E.K.
Reportée à plusieurs reprises, notamment à la suite de l’attentat de Zouk en 1994, la visite papale continue à susciter des questions qui reflètent souvent, de la part du courant loyaliste qui les émet, une attitude de doute, pour ne pas dire de méfiance. «Pourquoi vient-il au juste?... La visite pourra-t-elle éviter d’avoir une connotation politique et se...