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Actualités - CHRONOLOGIE

Vent nouveau en orient : le dialogue oecuménique Malgré quelques progrès , la réunification des églises demeure un objectif difficile à atteindre

Malgré quelques progrès, la réunification des églises demeure un objectif difficile à atteindre
Septembre 1724. Un vent chaud venant du désert d’Arabie souffle sur la Syrie. La population vaque à ses occupations quotidiennes et, dans les principales villes, les souks animés dégagent une agréable senteur d’Orient. La journée s’annonce calme et paisible. Pourtant, à Damas et Alep, un drame est en train de se jouer dans l’ombre des couvents orthodoxes.
Deux candidats s’affrontent pour occuper le siège d’Antioche. A Alep, Mgr Sylvestre, un Chypriote grec soutenu par Constantinople, revendique le titre de patriarche. A Damas, son rival est appuyé par le Wali. Le compromis paraît impossible entre les deux hommes et Mgr Cyrille, qui conduit la fraction damascène, demande l’arbitrage de Rome. La rupture est consommée entre les deux fractions du patriarcat orthodoxe et le siège d’Antioche se scinde en deux. Cinq ans plus tard, le pape Benoît XIII reconnaît l’église grecque-melkite-catholique dont le chef devient patriarche en 1744 sous le nom de Cyrille VI.
Deux ruptures de communion en sept siècles. 1054 et 1724. Pendant des générations, le fossé n’a cessé de s’élargir entre grecs-orthodoxes et grecs-catholiques. Au prosélytisme dynamique des melkites, l’orthodoxie opposait un refus obstiné de les reconnaître en tant qu’église à part entière. Et aux vexations des orthodoxes, les grecs-catholiques répondaient par l’affirmation de leur communion avec l’église romaine. Le dialogue n’existait pratiquement pas et les relations entre «les deux branches du même arbre» étaient mauvaises, voire tendues, aussi bien au niveau du clergé que des fidèles. L’église melkite se forge une identité spécifique. Comme le souligne le père Jean Corbon, rédacteur en chef du courrier œcuménique, «le prosélytisme, la reconnaissance par la Sublime porte au XIXe siècle, la prospérité économique grâce aux émigrés commerçants et l’engagement dans le nationalisme arabe contre l’occupation ottomane», transforment les grecs-catholiques en église jeune et dynamique. Le fossé semble donc infranchissable.
Mais dans la deuxième moitié du XXIe siècle, un vent nouveau souffle en Orient. Celui du dialogue lancé par une poignée de pionniers du mouvement œcuménique qui ont consacré leur vie à la concrétisation d’un vieux rêve: réunificer les églises antiochiennes. C’est le «Mouvement de la jeunesse orthodoxe» (MJO) fondé par une quinzaine de jeunes gens de Syrie, du Liban, de Palestine et de Jordanie, qui est à l’origine du dégel des relations entre orthodoxes et melkites. Depuis les années 40, les objectifs du MJO n’ont guère changé: le renouveau de l’église orthodoxe, l’ouverture œcuménique et le dialogue islamo-chrétien. L’attitude des grecs-catholiques est positive à l’égard de cette ouverture. En 1960, un grand pas est franchi avec la célèbre conférence du patriarche Maximos IV sur «Orient catholique et unité chrétienne».
La levée des excommunications entre Rome et Constantinople à la fin du concile Vatican II (7 décembre 1965) et les conférences internationales pan-orthodoxes donnent un nouveau souffle au dialogue entre les églises locales. Depuis cette date, les melkites ont cessé tout prosélytisme et les colloques liturgiques communs se sont multipliés dans les années qui ont suivi, de même que les rencontres entre les synodes des deux églises. C’est en 1975 qu’un niveau supérieur est atteint dans les relations. Mgr Elias Zoghbi préconise la réunification du siège d’Antioche sans attendre la réunion entre Rome et les autres églises orthodoxes du monde. Une commission mixte composée de deux évêques de part et d’autre est formée pour poursuivre le dialogue. Mais pendant les années de guerre, aucun progrès n’est enregistré.

Des progrès sur
le plan pastoral

Il faut attendre 1995 pour qu’un développement spectaculaire ait lieu. Le synode melkite fait paraître un communiqué annonçant son désir de se réunifier avec l’église orthodoxe tout en restant en communion avec Rome. Le synode grec-orthodoxe donnera sa réponse en octobre 1996: les grecs-orthodoxes et les melkites ne peuvent être séparés respectivement de la pan-orthodoxie et de l’église romaine. Le patriarche Ignace Hazim déclare à ce sujet qu’on ne peut pas faire une union au prix d’autres divisions. C’est un refus formulé poliment.
Selon le père Jean Corbon, également secrétaire de la commission œcuménique épiscopale de l’APC (Assemblée des patriarches et des évêques catholiques) «le problème antiochien, dans sa complexité, est indivisible. La réunification du siège d’Antioche se fera progressivement entre les cinq églises d’Antioche (maronite, melkite, grecque-orthodoxe, syriaque-catholique et syriaque orthodoxe)».
Le fait que la réunification des melkites et des grecs-orthodoxes n’ait pas encore abouti ne signifie pas l’échec du dialogue œcuménique. Des progrès ont en effet été réalisés ces dernières années, grâce notamment aux efforts déployés par le Conseil des églises du Moyen-Orient (CEMO). En octobre dernier, des accords pastoraux décisifs ont été conclus entre les primats chrétiens lors du Conseil des patriarches catholiques d’Orient auquel étaient conviés les prélats des églises orthodoxes. La question des mariages mixtes a ainsi été réglée comme suit:
— chacun des deux conjoints reste dans son église;
— le mariage se célèbre dans l’église du mari;
— les enfants sont baptisés dans l’église du père.
Il a en outre été décidé de ne plus administrer la première communion aux élèves orthodoxes et, pour éviter de mettre en avant les différences, la première communion se fera désormais dans la paroisse et non plus à l’école.
Il a enfin été décidé d’élaborer une catéchèse commune aux orthodoxes et aux catholiques. Evidemment, il faudra des mois, voire des années, pour que ce projet soit mené à terme.
Parallèlement, les patriarches grec-orthodoxe et syriaque-orthodoxe, Ignace IV Hazim et Iwas I Zakka, ont signé en 1992 un protocole en 14 points qui constitue un pas très important vers la réunification.
Théoriquement, des progrès ont aussi été réalisés sur le plan de l’unification de la date de célébration de Pâques. Le CEMO a fait de cette question la première de ses préoccupations. En 1989, il a été décidé, qu’en Moyen-Orient, Pâques sera célébrée des patriarches et des évêques catholiques. En novembre de l’année suivante, l’Assemblée des patriarches et des évêques ctaholiques a accepté cette proposition à condition qu’elle soit soumise à un référendum qui n’a jamais eu lieu officiellement. Toutefois, les prêtres des paroisses ont sondé l’opinion des fidèles. Il est apparu, qu’en Irak, les chaldéens-catholiques ont refusé l’idée, alors qu’en Syrie ce sont les orthodoxes qui ne l’ont pas acceptée. Au Liban (notamment au nord), le projet a été rejeté par les maronties qui veulent se distinguer des orthodoxes. Seul en Jordanie et en Egypte, les communautés unies à Rome ont accepté de fêter Pâques avec les orthodoxes (à part les maronites et les arméniens-catholiques).
Paul KHALIFEH
Malgré quelques progrès, la réunification des églises demeure un objectif difficile à atteindreSeptembre 1724. Un vent chaud venant du désert d’Arabie souffle sur la Syrie. La population vaque à ses occupations quotidiennes et, dans les principales villes, les souks animés dégagent une agréable senteur d’Orient. La journée s’annonce calme et paisible. Pourtant, à...