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Actualités - INTERVIEWS

Chaabane réclame des excuses au Saint-Père pour son appui à Israël Ferzli considère que la présence du souverain pontife consacre la pérennité du Liban

Une semaine avant que le pape Jean-Paul II n’arrive au Liban, le 10 courant, et alors que la majorité de Libanais se félicitent de sa visite dans laquelle ils voient une bénédiction, des voix dissonantes continuent de se faire entendre, exprimant tantôt des doutes tantôt des craintes quand aux objectifs de cette visite pastorale. C’est ainsi que pour la deuxième fois en un mois, le chef du Mouvement d’unification islamique (MUI) a tiré à boulets rouges contre le souverain pontife, allant même jusqu’à l’accuser implicitement de vouloir semer le trouble dans le pays. Auparavant, il avait réclamé des excuses au pape pour son appui, a-t-il dit, à Israël. Cheikh Chaabane a tenu ces propos hier, dans une interview accordée à l’AFP.
«Nous souhaitons que le pape présente des excuses avant de venir au Liban afin que sa visite s’inscrive dans un cadre humanitaire et de foi et que nous puissions l’accueillir favorablement» a-t-il déclaré.
Selon lui, «le pape a béni Israël et affirmé que le Christ est Israélien. C’est un appel à la coordination avec l’Etat hébreu afin que celui-ci renforce son hégémonie au Proche-Orient».
«Il est vrai que le Christ est d’ascendance israélienne mais ni sa doctrine ni sa politique n’étaient sionistes alors que les juifs ont violé les lieux saints de l’islam et de la chrétienté», a-t-il ajouté.
Cheikh Chaabane a violemment critiqué les résolutions du synode pour le Liban tenu à Rome en 1995. Le synode avait appelé au retrait de l’armée israélienne et au départ des soldats syriens déployés sur les trois quarts du territoire libanais.
Le pape qui doit signer une exhortation apostolique basée sur cet appel, ne devrait pas, selon cheikh Chaabane, évoquer le départ syrien. «Il est honteux de mettre Israël, qui occupe le Sud, sur un plan d’égalité avec les troupes syriennes venues sauver le Liban de l’insurrection», a-t-il dit.
Le retrait syrien permettrait à Israël «d’envahir à nouveau le Liban par le biais de ses agents», a-t-il dit.
Il a exprimé sa crainte que la visite du pape soit similaire à celle qu’il avait effectuée au Soudan en 1993. Selon cheikh Chaabane, le souverain pontife aurait alors «insulté le pouvoir, l’accusant d’appeler à la conversion des chrétiens à l’islam». «J’ai peur que Sa Sainteté ne quitte le Liban et ne fasse de même», a-t-il dit.
A Khartoum, le pape avait plaidé pour le droit des minorités et réclamé le droit de l’Eglise catholique à poursuivre sa mission religieuse et humanitaire.
Enfin, cheikh Chaabane a estimé que les problèmes des chrétiens au Liban avaient commencé «lorsqu’ils se sont identifiés à l’Occident et ont vécu avec la mentalité du colonisateur. La visite du pape sera positive s’il parvient à convaincre les maronites que le Liban est leur pays définitif».
La première fois qu’il avait évoqué la visite du pape, dans un de ses prêches, cheikh Chaabane s’était contenté de critiquer l’accueil qui lui sera réservé. Ses propos étaient moins virulents que ceux qu’il a tenus hier mais il n’en demeure pas qu’ils avaient soulevé un tollé tel que le chef du MUI s’était empressé de prétendre que les médias avaient mal interprété ses paroles.
Parmi les personnes qui ont également formulé des remarques au sujet de la visite du pape, Me Naamatallah Abi Nasr, secrétaire général de la Ligue maronite, qui a constaté dans une déclaration hier, que le programme prévu pour la visite du pape «ne reflète pas les souhaits du peuple libanais».
Après avoir indiqué que les chrétiens du Liban n’ont pas été consultés au sujet de ce programme, M. Abi Nasr a déploré le fait que les leaders de l’opposition (à Taëf) «qui représentent la majorité écrasante des Libanais toutes appartenances communautaires et politiques confondues ne puissent pas s’entretenir avec le pape». «Dans tous les pays où il s’est rendu, Sa Sainteté a rencontré toutes les composantes du peuple», a-t-il ajouté.
M. Abi Nasr s’est en outre étonné de ce que «certains responsables insinuent que le texte de l’exhortation apostolique a été atténué». «Est-ce que la vérité proclamée par ce texte — et qui s’exprime par l’appel au rétablissement de la souveraineté libanaise avec ce que cela implique comme actions nationales évidentes — est blessante au point qu’il faut la tempérer»?, s’est-il interrogé avant de déplorer l’exclusion du cheikh Akl druze, cheikh Bahjat Ghaith, des entretiens du pape avec les chefs des communautés religieuses.
Il faut dire que le refus de compter cheikh Ghaith parmi les chefs des communautés religieuses avec qui le pape s’entretiendra au palais de Baabda a suscité une vague de réactions indignées dans les milieux druzes. De nombreuses délégations populaires druzes se sont rendues hier auprès du cheikh Akl pour lui exprimer leur sympathie et dénoncer l’indifférence affichée à son égard. Les visiteurs de cheikh Ghaith «ont affirmé que leur représentation à la réception de Baabda doit être assurée seulement par le cheikh Akl, à l’instar des autres communautés représentées par leurs chefs respectifs», après avoir souligné que «le pape n’est pas seulement l’hôte des gens du Pouvoir qui montrent ainsi leur rancune à l’égard du cheikh Akl».
Dans le même temps, dans les milieux politiques on continuait de se féliciter de la visite du Saint-Père et d’insister sur ses retombées positives pour le Liban.
Le vice-président de la Chambre, M. Elie Ferzli, a estimé jeudi que la visite du pape consacrerait la pérennité du Liban qui ne peut exister, selon lui, qu’avec un rôle privilégié des chrétiens.
«La visite du pape consacrera le rôle des chrétiens qui constituent une des raisons d’être du Liban. Sans un rôle politique privilégié de ces derniers, le Liban n’a aucune valeur», a déclaré à l’AFP M. Ferzli.
Selon lui, la coexistence entre chrétiens et musulmans, pour laquelle plaide Jean-Paul II, «est meilleure aujourd’hui que pendant les années de la guerre mais n’est pas encore parfaite».
Le député Georges Dib Nehmé s’est aussi félicité de la visite «tant attendue» du souverain pontife qui «sera assurément une bénédiction pour nous».
«Nous aurions tellement souhaité que Sa Sainteté puisse suivre durant son séjour le même programme qui était prévu pour sa visite annulée. Il aurait pu ainsi visiter le Liban-Sud et la montagne afin de prendre connaissance de la situation qui y prévaut: il relèvera de la sorte le moral des habitants du Liban-Sud et de la Békaa, encouragera les déplacés à regagner leurs foyers et incitera les responsables à assurer aux Sudistes les moyens de la résistance et aux populations déplacées les moyens du retour souhaité», a affirmé le député du Chouf dans une déclaration qu’il a faite hier.
M. Georges Dib Nehmé a en outre appelé tous les habitants du Chouf à participer massivement à l’accueil qui sera réservé à Sa Sainteté «pour lui exprimer leur appréciation de son amour pour le Liban et de son appui à la convivialité dans le pays». Il a indiqué que le programme détaillé des rassemblements sera annoncé ultérieurement.
Une semaine avant que le pape Jean-Paul II n’arrive au Liban, le 10 courant, et alors que la majorité de Libanais se félicitent de sa visite dans laquelle ils voient une bénédiction, des voix dissonantes continuent de se faire entendre, exprimant tantôt des doutes tantôt des craintes quand aux objectifs de cette visite pastorale. C’est ainsi que pour la deuxième fois en un...