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Actualités - INTERVIEWS

Chamoun : il faut que les chrétiens écoutent bien le pape et agissent en conséquence La base de la solution au Liban réside dans une réconciliation interchrétienne, estime le leader du PNL (photos)

Question: Que pourrait apporter la visite du pape au Liban, en général, et aux chrétiens du Liban, en particulier?
Chamoun: «L’intérêt de la visite du pape se situe essentiellement à un niveau médiatique. A l’évidence, nul ne sera informé des détails des entretiens que Sa Sainteté aura avec le patriarche maronite, avec les chefs spirituels chrétiens, ou avec les responsables officiels. Sur le plan public, l’aspect positif de cette visite réside dans le fait que le souverain pontife a contribué, par son initiative, à replacer le Liban et les chrétiens du Liban sur la carte internationale. Il montre ainsi que nous ne sommes pas oubliés. Il montre que nous sommes toujours là. Le Saint-père viendra pour rappeler qu’il y a encore des chrétiens dans cette partie du monde, plus particulièrement au Liban. C’est là que se situe l’un des principaux intérêts de cette visite».
Question: Pour quelles raisons certains pôles de l’opposition chrétienne se sont-ils prononcés contre la visite du pape au Liban dans les circonstances présentes?
Chamoun: «Parallèlement à l’aspect positif que je viens d’évoquer, il y a aussi le revers da la médaille. En effet, les forces locales et régionales qui tirent les ficelles dans le pays seront en mesure d’exploiter la visite du Saint-père comme argument pour affirmer que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes pour les chrétiens du Liban et qu’il n’est pas vrai que les chrétiens ne sont pas pris en considération dans le pays. Ils pourront prétendre que c’est grâce à la présence syrienne que le pape a pu venir au Liban en toute sécurité.
«Un autre aspect négatif réside également dans le fait que ceux qui sont à l’origine de la présence syrienne au Liban pourront prétendre de leur côté que c’est parce que les Syriens contrôlent la situation dans le pays que la visite du pape a été rendue possible. Ils pourront en déduire, par ricochet, que c’est grâce à la présence syrienne que les chrétiens sont dans une situation confortable, puisqu’ils ont pu recevoir le souverain pontife. Malheureusement, en ce qui nous concerne, cet aspect négatif aura pour conséquence de rendre encore plus difficiles et plus délicats les efforts que nous déployons afin de mettre fin à la présence syrienne.
«C’est là l’une des principales raisons qui nous ont poussés à exprimer des réserves au sujet de la venue du Saint-père dans les circonstances présentes. Notre point de vue à ce sujet était que ceux qui vont profiter de la visite du pape sont ceux-là mêmes qui tentent depuis plusieurs années d’affaiblir la présence chrétienne et de diminuer le poids des chrétiens dans le pays.
«Il reste que nous exprimons un tel point de vue tout en ne sachant pas exactement quelle sera la teneur du discours du souverain pontife. Personnellement, je ne m’attends pas à ce que le Saint-père fasse un discours purement politique, en ce sens que je ne pense pas qu’il réclamera le départ de toutes les forces étrangères. En tout état de cause, même s’il prend position à ce propos en des termes voilés, il s’agira là d’un point positif. Cela dit, j’aurais quand même préféré que le pape réponde à l’invitation qui lui a été faite de venir au Liban en soulignant qu’il refuse de venir dans ce pays tant qu’il est occupé par des armées étrangères, tant qu’il existe encore des milices, tant qu’il n’y a pas d’Etat de droit, et tant que le Parlement n’est pas élu dans un climat de liberté.
«Mais maintenant que Sa Sainteté a décidé de venir, il est de notre devoir, surtout nous chrétiens, de tout mettre en œuvre afin de faire réussir sa visite».

Le précédent
de la Pologne

Question: Certaines personnalités de l’opposition chrétienne estiment que la venue du Saint-père dans les circonstances présentes renforcera le pouvoir en place et le fait accompli imposé au pays. Quel est votre point de vue à ce sujet?
Chamoun: «Le pape sera reçu au Liban par un gouvernement et un régime de fait accompli qui nous ont été imposés. Etre reçu par un tel régime de facto, c’est en quelque sorte lui donner un certificat de légitimité. Le pouvoir s’arrangera pour récupérer cette visite en sa faveur en soulignant qu’il a invité le souverain pontife à venir au Liban et que, par conséquent, les chrétiens n’ont pas de raison de se plaindre. C’est de cette façon que les choses seront présentées.
«Les Syriens et même les Américains pourront aussi tenir un tel langage. Les Américains pourront souligner, notamment, que c’est grâce à leur politique de conciliation avec Damas que la visite du pape a été possible. Cette visite pourrait ainsi donner aux pôles du pouvoir une certaine crédibilité. Mais je répète que, maintenant que le souverain pontife a décidé de venir, nous devons œuvrer afin d’assurer le succès de cette visite».
Question: Le pape Jean-Paul II s’était rendu en Pologne alors que le régime communiste pro-soviétique était toujours en place. Il est de notoriété publique que le pape était contre ce régime communiste. A l’époque, personne n’a dit que cette visite constituait un appui au pouvoir en place ou une reconnaissance de la légitimité du régime communiste. Ne peut-on pas faire un parallèle entre le cas de la Pologne et la situation du Liban aujourd’hui?
Chamoun: «Les circonstances ne sont pas les mêmes. D’abord, Jean-Paul II est Polonais. Il était donc naturel qu’il se rende en Pologne. D’autre part, le pape s’était rendu en Pologne, entre autres, dans la perspective d’encourager, en tant que Polonais, la résistance menée par le syndicat «Solidarnosc». Il avait ainsi rencontré M. Lech Walesa alors que, dans notre cas, aucune rencontre n’est prévue avec l’opposition. Il faudrait rappeler dans ce cadre que l’opposition polonaise menée par «Solidarnosc» était appuyée discrètement par les Services américains et occidentaux».

La réconciliation
interchrétienne

Question: Dans quelle mesure la visite du pape pourrait-elle avoir pour conséquence de donner une bouffée d’oxygène aux chrétiens du Liban?
Chamoun: «Tel devrait être l’objectif de la visite du pape. L’objectif devrait être également de stimuler une réconciliation interchrétienne. Mais une fois que le Saint-père quittera le Liban, il s’agira de ne pas oublier le message qui sera transmis par le pape. Le souverain pontife va sans doute essayer de donner, à sa façon, une impulsion à la réconciliation interchrétienne. Ils promettront, tous, devant le pape, d’agir dans ce sens.
Mais je crains que toutes les parties n’oublient un tel engagement dès la clôture de la visite. En ce qui nous concerne, nous continueront à œuvrer dans le sens d’une réconciliation interchrétienne».
Question: L’opposition chrétienne a-t-elle préparé d’une quelconque façon la visite du pape? A-t-elle un plan pour tirer profit de l’impact de cette visite une fois qu’elle sera clôturée?
Chamoun: «Tout ce que nous sommes en mesure de faire c’est de créer un climat positif pour assurer le succès de la visite du souverain pontife. Nous comptons œuvrer afin que la population chrétienne soit présente dans les rues pour accueillir le Saint-père. Parallèlement, et puisque nous ne pourrons pas, probablement, rencontrer Sa Sainteté, nous allons préparer une note politique succincte qui lui sera transmise. Nous exposerons dans cette note notre point de vue, en toute franchise, concernant la situation présente dans le pays. Je voudrais souligner à cette occasion qu’il est malheureux que le programme de la visite ne prévoit pas une rencontre avec les représentants de l’opposition chrétienne. Les entretiens sont limités uniquement aux responsables officiels et aux dignitaires religieux, et cela est regrettable».
Question: Les recommandations de l’Appel final du Synode constituent-elles, à votre avis, un cadre valable pour le règlement du problème libanais?
Chamoun: «La teneur de l’Appel final du Synode constitue effectivement une plate-forme valable pour une solution. Mais, à mon avis, la base de la solution au problème libanais réside, en toute priorité, dans une réconciliation interchrétienne. Une réconciliation véritable, et non pas une réconciliation de façade.
«Il faut que les chrétiens s’assoient autour de la même table afin de s’entendre sur une même vision politique, un même plan d’action, de manière à pouvoir négocier un nouveau contrat national avec les autres communautés. Il s’agit là d’une condition sine qua non à tout règlement du problème libanais. Mais, malheureusement, les chrétiens ne savent pas jusqu’à présent ce qu’ils veulent, de même que les autres ne savent pas ce que veulent les chrétiens.
«Il est évidemment illusoire, dans le contexte actuel, d’aboutir à une entente globale entre tous les chrétiens, mais il faut au moins qu’il y ait réconciliation entre un large éventail de chrétiens. En ce qui nous concerne, nous ne cessons d’œuvrer dans ce sens, et j’espère que la visite du pape contribuera à la réalisation de cet objectif».


Pas de miracle


Question: De quelle façon est-il possible de concrétiser les recommandations de l’Appel final du Synode?
Chamoun: «Il faudrait d’abord que les chrétiens entament un véritable dialogue entre eux et qu’ils unifient leur position autour d’un même plan d’action afin de concrétiser les recommandations du Synode. Le Saint-père ne vient pas au Liban pour faire un miracle. Il va nous exprimer son point de vue au sujet de certaines questions, mais ce sera à nous d’agir, par la suite, afin d’améliorer la situation. Il ne faut pas s’attendre à des miracles. Certains pensent, ou espèrent, qu’avec la venue du pape, il y aura un bouleversement ou un renversement de la situation dans le pays en faveur des chrétiens. Ce ne sera nullement le cas, et il faut que la population prenne conscience de cette réalité.
«Il faut que les Libanais, et surtout les chrétiens, écoutent bien ce que dira le pape. Il faut que les chrétiens comprennent bien les résolutions que communiquera le souverain pontife aux Libanais et qu’ils agissent, surtout, en conséquence. C’est à nous à œuvrer afin que la visite du Saint-père aboutisse réellement à des résultats palpables et qu’elle soit un véritable tournant pour nous. Cette visite doit marquer un tournant dans la façon d’agir et de réfléchir des chrétiens.
«Cela ne servirait à rien que le message de Sa Sainteté soit oublié dès la fin de la visite. Le pape ne fera pas un miracle au Liban. Ce sera à nous d’agir et d’œuvrer efficacement afin de faire fructifier cette visite de manière à ce qu’elle soit un succès. Aide-toi, et le Ciel t’aidera... Nul ne peut agir à notre place. Il faudra écouter attentivement tout ce que le pape nous dira et, ensuite, agir en conséquence. Il faut bien comprendre le message du pape. Dans ce domaine, il ne saurait être question d’un simple miracle providentiel. En Pologne, la visite du Saint-père a donné, à elle seule, un élan important à l’opposition parce que celle-ci était alors soutenue par les Etats-Unis et l’ensemble de l’Occident».

Propos recueillis par
Michel TOUMA
Question: Que pourrait apporter la visite du pape au Liban, en général, et aux chrétiens du Liban, en particulier?Chamoun: «L’intérêt de la visite du pape se situe essentiellement à un niveau médiatique. A l’évidence, nul ne sera informé des détails des entretiens que Sa Sainteté aura avec le patriarche maronite, avec les chefs spirituels chrétiens, ou avec les...