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Actualités - CHRONOLOGIE

Chedid et Naufal réclament une enquête parlementaire sur le conseil constitutionnel Berry estime qu'il faut préserver la magistrature même si elle commet des erreurs

Place de l’Etoile, c’est avec impatience que l’on attend les verdicts du Conseil constitutionnel au sujet des recours en invalidation consécutifs aux élections législatives de 1996. Non pas que les parlementaires aient hâte de connaître les résultats de délibérations qui se poursuivent sans relâche depuis des mois, mais ils veulent en finir au plus tôt avec «ce honteux déballage» et «cet étalage de linge sale», pour reprendre les termes du député Chaker Abou Sleiman.
C’est qu’hier aussi, les accusations de «parti pris» contre les membres du Conseil constitutionnel qui doit rendre incessamment ses verdicts, se sont poursuivies. Elles ont été au centre des entretiens du chef du Législatif, M. Nabih Berry, avec les députés qu’il reçoit tous les mercredis et ont fait l’objet de trois conférences de presse tenues par les députés Henri Chédid (Békaa-Ouest), Emile Naufal (Jbeil) et Khaled Daher (Akkar) dont la rumeur dit qu’ils risquent de voir leurs mandats invalidés au profit de leurs adversaires, MM. Robert Ghanem, Nazem Khoury et Mohamed Yéhia.

Au moment où MM. Naufal et Chédid réclamaient une commission d’enquête parlementaire et une intervention du Parquet financier pour enquêter au sujet d’éventuels prêts avantageux qui auraient été accordés par une banque appartenant au chef du gouvernement, M. Rafic Hariri, à l’un des membres du Conseil constitutionnel, le chef du Législatif soulignait la nécessité de «préserver et de protéger» la magistrature «même si elle commet des erreurs». Il est parti du principe selon lequel «en l’absence d’un système judiciaire, plus personne ne pourra être en mesure de récupérer un droit spolié».

L’irritation
de Berry

Mais M. Berry n’en a pas moins manifesté devant ses visiteurs son ennui devant la tournure prise par les événements depuis que le président du Conseil constitutionnel, M. Wajdi Mallat, a présenté sa démission et que les indiscrétions concernant les délibérations des membres de cette instance ont commencé. Au point qu’il a clairement souligné que s’il n’y avait pas eu l’affaire des recours en invalidation, il aurait convoqué une réunion parlementaire «à huis clos pour débattre des accusations qui pèsent sur la magistrature». M. Berry a aussi insisté sur «la gravité de ces accusations et des indiscrétions concernant les délibérations des juges». Il a été jusqu’à faire assumer au Conseil constitutionnel la responsabilité de «la confusion qui règne sur la scène libanaise», en raison, a-t-il dit devant les députés, du retard pris dans la publication des jugements. Pour le chef du Législatif, si le Conseil avait rendu ses verdicts au fur et à mesure qu’il achevait l’examen des dossiers (19 recours en invalidation au total pour 17 sièges lui avaient été présentés), toute cette tempête n’aurait pas eu lieu. Il a exprimé le souhait que le Conseil rende ses jugements avant le dimanche 4 mai — date à laquelle le mandat de quatre membres du Conseil doit prendre fin par tirage au sort — «pour que cette affaire ne traîne pas davantage».

Les indiscrétions

M. Berry s’est aussi interrogé sur l’origine des indiscrétions répétées grâce auxquelles la presse a pu rendre compte d’une manière presque détaillée des résultats des délibérations au sein du Conseil constitutionnel. De manière générale, les députés présents hier Place de l’Etoile se posaient la même question. M. Chaker Abou Sleiman, président de la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice, a souligné dans une conversation à bâtons rompus avec les journalistes, que «c’est la première fois dans l’histoire de la magistrature, qu’il y a ce genre d’indiscrétions». «Qu’on en finisse avec ce honteux déballage quels que soient les verdicts rendus», a-t-il ajouté.
Toujours est-il que la question écrite adressée mardi par le député Zaher el-Khatib à l’Exécutif a été signée hier par M. Berry dont le bureau doit la transmettre au gouvernement. Rappelons que M. el-Khatib a demandé à savoir s’il est vrai que «la Banque de la Méditerranée appartenant à M. Hariri a accordé à un membre du Conseil constitutionnel un crédit qui a été ensuite considéré comme une créance douteuse». Il souhaite aussi savoir si «cette même personne a également bénéficié d’un autre prêt de 156 millions de livres libanaises auprès de la Fransabank sans aucune garantie bancaire ou autre et si elle a acquis un appartement pour 400.000 dollars à Tallet el-Khayat».
M. el-Khatib a précisé hier qu’il a exercé son «droit constitutionnel» en réclamant des éclaircissements au gouvernement et s’est interrogé sur les raisons qui ont empêché le Parquet financier de réagir. Selon lui, il n’y a pas de fumée sans feu et la démission de M. Mallat serait un indice montrant que quelque chose ne va pas dans cette affaire de recours.

Trois
contre-attaques

Parallèlement, les trois députés dont la rumeur dit, grâce à certaines indiscrétions, qu’ils ont perdu leur mandat au profit de leurs adversaires respectifs, s’évertuent toujours à tenter de démontrer que le Conseil constitutionnel fait preuve de «parti pris» et que son jugement ne peut pas par conséquent être «fiable».
MM. Henri Chédid, Emile Naufal et Khaled Daher ont tous trois abondé dans ce sens dans leurs conférences de presse.
M. Chédid qui a été reçu par le chef du Législatif lui a présenté un mémorandum dans lequel il se réfère aux propos de M. el-Khatib pour réclamer une commission d’enquête parlementaire et demander à M. Berry de solliciter l’intervention du Parquet financier. M. Chédid a souhaité que l’enquête soit menée avant que les jugements ne soient rendus. Il a adressé un autre mémorandum au Conseil constitutionnel qu’il prie de lui permettre de prendre connaissance de 14 procès-verbaux qui lui avaient été présentés par le ministère de l’Intérieur ainsi que «des documents sur base desquels il rendra ses jugements».
Quant à M. Naufal, après avoir réclamé une commission d’enquête parlementaire, il a critiqué de nouveau les indiscrétions relatives aux délibérations du Conseil constitutionnel. Il est revenu à la charge contre les juges en charge de son dossier qu’il a de nouveau accusé de «parti pris». Et pour tenter de démontrer que leur jugement ne peut pas être impartial, il a indiqué que les juges «Khaled Kabbani et Adib Allam se sont retrouvés au domicile de Abbas el-Hachem (un candidat malheureux aux législatives à Jbeil) en compagnie de Nazem Khoury (qui a attaqué le mandat de M. Naufal) autour d’un déjeuner. Pour l’occasion, on leur avait égorgé des moutons et le juge Allam avait demandé qu’on utilise des brochettes en bois, apparemment parce qu’il a peur pour sa santé».
Il a aussi accusé le juge Allam d’avoir «dirigé la campagne électorale de Nazem el-Khoury» et M. Kabbani «de toucher toujours un salaire du ministre Fouad el-Siniora dont il est le conseiller». M. Naufal s’est dit prêt à comparaître devant le parquet, au cas où les membres du Conseil constitutionnel le poursuivraient en justice pour diffamation. «Je possède des documents qui prouveront que ce que je dis est vrai», a-t-il dit. Et de brandir ensuite les procès-verbaux établis par certains bureaux de vote, soulignant que «s’il y a eu des erreurs qui auraient faussé les résultats du scrutin, ce sont ceux qui supervisaient le vote et non pas les députés qui doivent être jugés». Il s’est dit disposé à remettre des copies de procès-verbaux au Conseil constitutionnel. M. Naufal s’est aussi prononcé contre le remplacement d’un député par un autre et a affirmé être pour l’organisation de partielles au cas où le Conseil constitutionnel invaliderait les mandats de certains députés.
Son collègue Khaled Daher a littéralement appelé à l’organisation de nouvelles législatives partant du principe que «des anomalies et des abus se sont produits dans tous les mohafazats». Il a aussi demandé au président Mallat d’expliquer les motifs de sa démission appelant par ailleurs à doter le Conseil constitutionnel de garanties qui lui permettront d’accomplir sa mission loin de toutes ingérences.
Place de l’Etoile, c’est avec impatience que l’on attend les verdicts du Conseil constitutionnel au sujet des recours en invalidation consécutifs aux élections législatives de 1996. Non pas que les parlementaires aient hâte de connaître les résultats de délibérations qui se poursuivent sans relâche depuis des mois, mais ils veulent en finir au plus tôt avec «ce honteux...