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Actualités - ANALYSE

Présidence : on recommence à parler de prorogation

En scrutant le zénith astrologique on constate qu’englué dans son statu quo le Liban entre de nouveau dans le signe figé de la Prorogation. Les conseils municipaux, les «moukhtars» reconduits pour un an; les parlementaires pour huit mois. De là à penser que l’an prochain on ferait également l’économie d’élections présidentielles il n’y a qu’un pas, vite franchi par les loyalistes. Qui soulignent que «si les raisons qui ont motivé le renouvellement du mandat de M. Elias Hraoui ne sont pas dissipées d’ici fin 98, il faudra bien prolonger son bail à Baabda pour qu’à son tour, comme MM. Hariri et Berry, il franchisse le cap du millénaire en restant à la barre».
Un ancien ministre modéré mais plutôt opposant souligne de son côté que «l’on a maintenant enterré la hache de guerre au sein de l’Exécutif. Conformément à l’arrangement conclu, le chef de l’Etat a pu au cours du dernier Conseil marquer deux points sur le boulier politique: Il a réaffirmé sa dénonciation du retrait anticonstitutionnel du projet d’amendements. Et il a eu la satisfaction d’entendre le chef du gouvernement faire amende honorable à ce propos, tout en relevant qu’il avait pu expliquer et faire comprendre ses vraies motivations bien intentionnées au président de la République. Moyennant cette victoire verbale du chef de l’Etat, à laquelle on a voulu donner le plus grand retentissement possible en la rapportant dans le communiqué de presse final de la séance, le président du Conseil a obtenu le renvoi sine die des municipales. L’un a donc sauvé la face et l’autre a sauvé les meubles. Etant ainsi quittes ils n’ont plus de raison de se quitter. Et peut-être bien que comme en 1995 c’est M. Hariri qui brandira le premier l’étendard de la reconduction du mandat présidentiel l’an prochain...».
«En tout cas, estime la même personnalité, si le mandat du chef de l’Etat n’est pas prorogé il est peu probable que les municipales soient organisées en 1998 qui serait une année consacrée aux présidentielles. D’ailleurs le temps paraît compté: il faut encore remodeler complètement la loi sur les municipalités, ce qui n’irait pas sans long débat, la récente tentative ayant achoppé sur les querelles autour de points comme l’interdiction de cumul de mandats municipaux et parlementaires ou l’élection du président de la municipalité et de son premier adjoint au suffrage universel. Il faut ensuite, après publication de la nouvelle, six à huit mois pour en mettre en application effective toutes les dispositions, comme l’a indiqué dernièrement le ministre de l’Intérieur. Dans le meilleur des cas, on se retrouve donc au printemps ou en été de l’an prochain et à ce moment le pays politique serait trop braqué sur les présidentielles pour qu’on puisse lui proposer des municipales».

Capharnaüm

«Mais, reconnaît cet observateur, l’étrange système en place permet tous le amalgames, tous les mélanges de genre, toutes les infractions à la logique ou aux règles les plus élémentaires. On ne doit jamais s’étonner de rien et c’est ainsi qu’on voit, fait unique dans les annales des démocraties, un gouvernement fouler allègrement aux pieds un arrêt impératif du Conseil constitutionnel. C’est ce qui vient de se produire avec le projet de loi du Conseil des ministres visant à proroger de huit mois le mandat de la présente législature. Le 7 août dernier le Conseil constitutionnel rendait à l’unanimité la sentence suivante: «L’alinéa 5 de la loi électorale qui veut rallonger la durée du mandat de la prochaine législature enfreint la règle générale et la tradition parlementaire, sans justifier l’exception qu’il réclame». Le prétexte invoqué maintenant pour motiver la prorogation est qu’ainsi les élection législatives interviendraient au printemps et non plus durant la saison touristique d’été précédente qui serait ainsi sauvée. Un argument déjà réfuté l’an dernier, notamment par le président Sélim Hoss qui avait remarqué que si l’on veut faire de tels comptes, on peut aussi bien choisir d’abréger, de six mois par exemple, l’existence de la Chambre plutôt que de l’allonger. Si le gouvernement n’a pas d’arrière-pensées particulières, il n’a qu’à suivre ce conseil avisé et il s’éviterait ainsi le désagrément de se mettre hors-la-loi et de se faire de nouveau taper sur les doigts par le Conseil constitutionnel».
Encore faut-il que cette instance soit saisie de l’infraction: déjà le pouvoir avait contourné l’arrêt précédemment cité au sujet du découpage électoral, en maintenant l’exception faite pour le Mont-Liban, sans que personne ne songe à en appeler de nouveau au Conseil constitutionnel. Aujourd’hui pour la nouvelle transgression il sera difficile de trouver dix députés prêts à signer une motion de plainte devant le Conseil constitutionnel. Ce n’est pas non plus l’Exécutif qui va le faire et les pôles religieux ne sont habilités à ester que dans des cas intéressant la liberté religieuse ou les statuts personnels. La preuve est donc faite que le Conseil constitutionnel n’a été pratiquement conçu que pour servir de paravent aux illégalités de la Légalité. Et c’est bien pourquoi son président, M. Wajdi Mallat, a préféré claquer la porte. Toujours est-il que ce mépris du pouvoir pour le Conseil constitutionnel choque beaucoup les juristes. Ainsi hassan Rifahi, qui rappelle qu’à son avis l’arrêt interdisant l’élongation du mandat de la Chambre n’était pas justifié, relève qu’une fois prise «la décision reste tout à fait impérative pour toutes les autorités, tant que le Conseil ne l’a pas lui-même rapportée ou modifiée». Mais cet ancien député laisse entendre qu’il faut quand même un nouveau recours pour faire annuler le récent projet de loi élaboré par le gouvernement. Il dit en effet que «s’il y a plainte contre la constitutionnalité de la loi une fois qu’elle aura été approuvée par la Chambre et si le Conseil constitutionnel maintient son précédent avis, elle serait de nouveau annulée. Par contre, ajoute-t-il, le Conseil peut changer d’avis et avaliser la prorogation». Et de déplorer qu’au cas, très probable donc, où le Conseil constitutionnel ne serait pas de nouveau saisi «le gouvernement et la Chambre se furent permis de transgresser un précédent arrêt du Conseil, ce qui ne se voit guère dans les pays dotés d’une telle instance. De plus, conclut ce professeur de droit, en base de cette infraction toute mesure qui serait prise par la Chambre durant les huit mois de prorogation pourrait être attaquée comme anticonstitutionnelle». Mais par qui?

E.K.
En scrutant le zénith astrologique on constate qu’englué dans son statu quo le Liban entre de nouveau dans le signe figé de la Prorogation. Les conseils municipaux, les «moukhtars» reconduits pour un an; les parlementaires pour huit mois. De là à penser que l’an prochain on ferait également l’économie d’élections présidentielles il n’y a qu’un pas, vite franchi...