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Actualités - ANALYSE

Prorogation du mandat de la chambre : rien n'est encore acquis

La décision gouvernementale de proroger de huit mois le mandat de la Chambre soulève beaucoup de questions:
— Et d’abord d’ordre pratique: le ministère de l’Intérieur va-t-il transmettre le projet de loi à l’Assemblée durant la présente session de printemps ou va-t-il attendre octobre pour laisser aux remous le temps de s’apaiser?
— Va-t-on lier le texte à celui de la nouvelle loi électorale en gestation ou compte-t-on le présenter séparément?
— En profitera-t-on pour présenter également le projet (cher aux hraouistes) d’interdiction du cumul entre la charge de ministre et la députation, moyennant un relèvement permanent du mandat parlementaire qui passerait de quatre à cinq ans?
— Le chef de l’Etat va-t-il s’opposer de fait à la prorogation de huit mois, refuser de signer le décret de transmission à la Chambre et prier le Conseil des ministres de revoir sa copie?
Constitutionnellement, c’est toujours possible, d’autant que la décision a été adoptée par consensus, sans vote du Conseil. «Mais, relève une source informée, cela paraîtrait assez illogique: il n’y a pas eu d’objection lors de la séance du Conseil qui s’est déroulée dans un calme que tout le monde cherchait visiblement à préserver, étant donné qu’on venait tout juste de régler la crise qui opposait les présidents au sujet des municipales...» Et de préciser que, durant les débats, «un seul ministre a fait remarquer que si l’on veut éviter des élections en été on peut, au lieu de prolonger l’existence de la législature de huit mois, l’abréger de quatre... M. Hraoui, qui a alors rétorqué que cette formule deviendrait possible si on lui redonnait à lui le pouvoir de dissolution, ce qui est hors de question comme on sait, a semblé par là approuver la prolongation. Cependant, souligne cette source, après les vives réactions de rejet enregistrées, le chef de l’Etat est en droit de changer d’avis pour en tenir compte et demander un réexamen de la proposition gouvernementale. De plus, dans son dernier contact avec l’opinion, le président de la République lui avait demandé de réclamer des comptes à ses représentants au sujet de leur étrange attitude concernant les municipales; il paraîtrait dès lors peu raisonnable qu’aussitôt après il entreprenne lui-même de «récompenser» ces mêmes députés. Dès lors, estime cette source, si la prorogation passe malgré le freinage présidentiel, ce seraient le gouvernement et les parlementaires qui en assumeraient la responsabilité devant un électorat dont on aurait ainsi usurpé un droit fondamental: en effet, c’est sur base de quatre ans qu’il a élu le député et si on veut que cela soit plus, il faut qu’il soit nécessairement consulté...»
Un point de vue qui impliquerait donc une consultation populaire spéciale, ce à quoi des juristes répondent que, dans l’absolu, ce n’est pas nécessaire: d’une part, les députés parlent au nom du peuple; et, d’autre part, les autorités peuvent modifier les durées s’il y a des raisons valables qui le justifient.

Perplexité

Toujours est-il qu’un politicien se dit perplexe: «Pourquoi cette hâte à vouloir proroger le mandat d’une Chambre qui en a encore pour plus de trois ans... Quelle logique suit-on quand on sait que d’ici là tout peut arriver, tout peut changer, sur la scène régionale comme à l’intérieur... Les circonstances peuvent imposer une prorogation encore plus étendue ou au contraire des élections anticipées, peut-être même à la demande de la majorité parlementaire elle-même... Et puis s’inquiéter si prématurément pour la saison touristique de l’an 2000 semble futile quand il y a tant de raisons pour s’inquiéter du devenir même de ce pays... En tout cas, conclut cette personnalité, il serait toujours temps en 99 de voir s’il faut ou non reporter les prochaines élections et il est regrettable qu’à tous les vrais problèmes qui se posent aux Libanais les gens du pouvoir s’ingénient à qui mieux mieux à ajouter tant d’inutiles soucis».
De son côté, une source proche du «Rassemblement national parlementaire» qui comprend les présidents Hoss, Husseini et Karamé affirme que ce groupement va activement mener campagne contre la prorogation. Il aurait de la sorte établi un programme de contacts intensifiés avec les députés pour les presser de ne pas se faire complices d’une mesure qui porte atteinte aux droits de leurs électeurs mêmes. En ajoutant que, si la prorogation devait avoir lieu, toute personne physique ou morale qui se sentirait lésée par un projet adopté à la Chambre durant cette période pourrait en contester valablement la légalité en justice. Cette même source opposante remarque que «le principe sain à suivre toujours dans de pareils cas, on en trouve un exemple dans les indemnités de la présidence de la République: quand elles sont augmentées ce n’est pas le titulaire en place qui en bénéficie mais son successeur; ainsi la Chambre peut proroger son mandat, mais à destination de la législature suivante et non pas de celle qui est en exercice». Et de réfuter ensuite «l’argument préliminaire de circonstances contraignantes car l’article 55 de la Constitution dit: «... au cas où les élections ne sont pas organisées dans les délais que fixe l’article 25, le décret de dissolution (de la Chambre) est considéré comme nul et non avenu et l’Assemblée continue à exercer ses pouvoirs conformément aux préceptes de la Constitution». Une disposition adoptée à Taëf pour éviter justement qu’on ne proroge à tout bout de champ le mandat de la Chambre».
Pour en revenir à l’opposition, elle se propose, si malgré tout la prorogation devait être votée, de saisir le Conseil constitutionnel par une motion portant la signature de dix députés...
Mais, pour tout dire, ces dix il faudra les trouver. Mission éventuellement impossible à première vue car si la prorogation devait passer cela signifierait qu’elle aurait eu le seul aval qui compte: celui des décideurs. Et dans de telles conditions, on voit mal les opposants, ou du moins certains d’entre eux dont les relations avec les décideurs ne sont pas mauvaises, démissionner à l’expiration des quatre ans comme ils disent aujourd’hui qu’ils le feront.

E.K.
La décision gouvernementale de proroger de huit mois le mandat de la Chambre soulève beaucoup de questions:— Et d’abord d’ordre pratique: le ministère de l’Intérieur va-t-il transmettre le projet de loi à l’Assemblée durant la présente session de printemps ou va-t-il attendre octobre pour laisser aux remous le temps de s’apaiser?— Va-t-on lier le texte à celui de...