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Actualités - CHRONOLOGIE

Pour la centrale syndicale, Saïda est un avant-goût de ce qui se passera le 24 avril Entre la CGTL et le gouvernement, c'est la guerre ouverte

Avril est décidément un mois sinistre pour l’histoire du Liban contemporain. Hier, synonyme de guerre et de massacre, il est aujourd’hui la période choisie par le gouvernement pour son ultime confrontation avec la direction actuelle de la CGTL.
L’affrontement décisif aura lieu (en principe) le 24 avril et d’ici là, les deux camps fourbissent leurs armes, démesurées et pas toujours conformes aux règlements en vigueur pour l’un, axées sur la médiatisation et la solidarité pour l’autre. Et c’est dans ce cadre que s’inscrit la rencontre d’hier au siège de la CGTL, qui a regroupé, en plus de nombreux syndicalistes, des personnalités politiques et des représentants de la plupart des partis et courants.
«Alors que le Liban s’apprête à commémorer le souvenir du massacre de Cana, un nouveau massacre a été commis dimanche dernier contre les libertés syndicales...» C’est en ces termes que le secrétaire général de la Fédération internationale des travailleurs arabes, M. Hassan Jammam — qui avait assisté aux «élections» de Saïda et qui, depuis, avait tenté en vain une médiation entre le ministre du Travail et la CGTL — a commencé son allocution devant la centaine de personnes entassées dans la seule grande salle du siège de la CGTL à Badaro. Tout en précisant que le gouvernement libanais ne veut rien entendre et poursuit sa politique d’intervention dans les affaires syndicales, il a annoncé qu’il faut s’attendre «à un événement grave le 24 avril», date fixée par la CGTL pour l’élection des 12 membres de son bureau exécutif dont le président et le vice-président de la centrale.
La tension latente entre la CGTL et le gouvernement s’est donc transformée en une guerre ouverte et, hier, des mots très durs ont été prononcés par les 9 orateurs, les trois députés Zaher Khatib, Najah Wakim et Ammar Moussaoui, ainsi que M. Hassan Jammam, le chef de la centrale syndicale, Elias Abou-Rizk, un représentant du courant aouniste, Nagib Zouein, le représentant du parti Kataëb, M. Karim Pakradouni, l’ancien député Issam Naaman et le président de la Ligue des professeurs de l’U.L., M. Issam Khalifé. Wakim a ainsi déclaré que si l’on demandait aux pires ennemis du Liban de choisir un pouvoir chargé de détruire ce pays, ils ne désigneraient que l’équipe actuelle, dans toutes ses composantes.
Tous les orateurs ont violemment dénoncé les tentatives du pouvoir de contrôler la CGTL, dans le cadre de son plan global de musellement de toutes les voix opposantes. L’ancien député Issam Naaman a même pratiquement lancé un appel à la Syrie, qui, selon lui, ne peut pas indéfiniment rester les bras croisés face aux agissements du président du Conseil, ce dernier ayant désormais des intérêts et des «agents» partout, au sein du pouvoir, de ses institutions (sauf l’armée, a-t-il précisé) et dans presque toutes les organisations civiles. Zaher Khatib, lui, a laissé entendre que si le gouvernement parvenait à contrôler la CGTL, plus rien ne s’opposerait à ses plans de réorganisation des partis et de contrôle de toutes les composantes de la vie civile. «Après le tour de l’audiovisuel, c’est aujourd’hui celui de la CGTL et demain, ce sera celui des partis, des journalistes et de la levée de l’immunité des députés...» M. Khatib a aussi estimé qu’il fallait trouver de nouvelles méthodes pour affronter le plan du pouvoir...
Toutes les personnes présentes — et notamment le chef de la centrale, M. Elias Abou-Rizk — ont affirmé leur détermination à poursuivre la lutte jusqu’au bout parce que, selon elles, le pouvoir ne leur a pas laissé d’autre choix. Et au-delà de l’élection — ou de la réélection — des 12 membres du bureau exécutif, c’est une nouvelle bataille pour les libertés qui se jouera jeudi prochain au siège de la centrale syndicale à Badaro.
En vue de cette confrontation imminente, la CGTL a battu le rappel de ses troupes et de ses alliés dans une tentative de mobiliser le maximum de courants, de forces politiques et de personnes, en vue de pousser le gouvernement à arrêter ses ingérences dans les affaires syndicales. Lundi, une autre rencontre du même type est prévue et elle est censée mettre au point un plan d’action pour affronter l’échéance du 24 avril.

Ultimes préparatifs

Toutefois, à l’heure actuelle, comment se présente la situation? La CGTL réclame l’annulation des élections de la Fédération des syndicats des ouvriers et des salariés du Liban-Sud qui se sont déroulées dimanche dernier à Saïda sous la pression des armes brandies par des éléments des FSI. Bien qu’hier encore trois syndicats membres de cette fédération aient présenté un nouveau recours en annulation des élections de dimanche, alors que le secrétaire général de la Fédération internationale des travailleurs arabes, M. Jammam, venu en observateur, à la demande des deux parties, a estimé que ces élections étaient illégales, le ministre du Travail, M. Assaad Hardane, continue à les considérer comme valables et il n’a pas accepté les recours présentés. Dans ce cas, que peut-il se passer jeudi prochain?
tout en continuant à réclamer l’annulation des élections de dimanche, par principe et pour ne pas accepter un précédent aussi grave, la direction actuelle de la CGTL estime que de toute façon, cette fédération ne constitue que l’une des 22, membres de la centrale syndicale. Par conséquent, elle n’a que deux voix sur les 44 (deux représentants pour chaque fédération) qui composent le collège électoral qui devra se réunir jeudi prochain. Le commandement actuel estime qu’il a toutes les chances de remporter les élections de jeudi car même avec ces deux voix en moins, et en comptant celles des fédérations alliées à M. Antoine Béchara (une dizaine), il continue à être majoritaire.
C’est sans doute pourquoi le ministre du Travail a porté hier un nouveau coup à la direction actuelle de la centrale en considérant 5 nouvelles fédérations comme étant membres à part entière de la CGTL. Il s’agit principalement de fédérations sudistes à coloration unique qui avaient été autorisées ainsi que trois autres par le prédécesseur de M. Hardane, le ministre Abdallah Amine. La CGTL avait alors refusé l’adhésion de ces fédérations car, selon elle, étant à majorité chiites, celles-ci risquaient de créer un déséquilibre au sein de la centrale.
Ces fédérations sont «la Fédération «Rissali» des syndicats des ouvriers et des salariés du sud», «la Fédération nationale des ouvriers et salariés du sud», «la Fédération Jabal Amel des syndicats d’ouvriers et de salariés agricoles», «la Fédération libanaise des syndicats de chauffeurs de taxi et des intérêts du transport au Liban» et «la Fédération libanaise des syndicats des ouvriers de la mécanique et de l’électricité».
Toutefois, selon le statut interne de la CGTL, c’est le bureau exécutif, et lui seul, qui est habilité à accepter l’adhésion de nouvelles fédérations au sein de la centrale. Par conséquent, le ministre du Travail a dépassé ses prérogatives en prenant une telle décision. Preuve en est que le problème est en suspens depuis plusieurs années alors que M. Abdallah Amine était ministre du Travail. Et si le ministre avait le pouvoir d’imposer de nouvelles fédérations à la centrale, il n’aurait pas hésité à le faire, puisqu’il tente depuis longtemps de placer ses hommes au sein du bureau exécutif. C’est d’ailleurs parce qu’il avait échoué dans son entreprise qu’il avait encouragé M. Béchara à former une centrale parallèle: la Confédération des syndicats sectoriels, tout en gardant sa place au sein de la CGTL.
Aujourd’hui donc, et plus que jamais, le bureau exécutif n’a nullement l’intention d’accepter l’adhésion de ces 5 nouvelles fédérations, qui, si elles devenaient membres de la centrale, risqueraient de renverser l’équilibre actuel en faveur de M. Béchara ou de ses alliés (on parle beaucoup de Ghoneim Zoghbi, représentant, avec M. Béchara, de la Fédération des offices autonomes et des entreprises publiques et privées) avec 10 voix, deux pour chaque fédération.
C’est donc là que se situera l’épreuve de force de jeudi: la CGTL, protégée par une unité de l’armée depuis que certains syndicalistes avaient tenté d’occuper son siège central l’an dernier, donnera aux soldats stationnés à l’entrée de ses locaux la liste des membres du collège électoral. En principe, les représentants des 5 fédérations litigieuses ne doivent pas y figurer et donc, ils ne seraient pas autorisés à entrer et à participer au vote. Mais le ministre du Travail pourrait donner une liste différente et l’unité de l’armée se trouverait devant un grave dilemme. L’affaire risque donc de se compliquer. Chaque jour qui passe montre que l’enjeu dépasse les simples élections syndicales. C’est toute la frustration de nombreux Libanais, oubliés de la reconstruction, de l’entente, de toute forme de participation et privés d’une vie décente, qui risque de resurgir. Et si de nombreuses parties (au sein de la CGTL, on attend beaucoup du chef de l’Etat et du président de la chambre, chef du «mouvement des déshérités» selon les termes de M. Naaman) ont encore le temps de tenter une ultime médiation, pour trouver un compromis et éviter la confrontation, la plupart des participants à la rencontre d’hier sont convaincus que la guerre est déclarée et qu’elle ne prendra fin qu’avec un vainqueur et un vaincu. Quant au vote de jeudi, il ne constitue qu’une étape dans une lutte qui s’annonce aussi dure qu’injuste..

S. H.

Scarlett HADDAD
Avril est décidément un mois sinistre pour l’histoire du Liban contemporain. Hier, synonyme de guerre et de massacre, il est aujourd’hui la période choisie par le gouvernement pour son ultime confrontation avec la direction actuelle de la CGTL.L’affrontement décisif aura lieu (en principe) le 24 avril et d’ici là, les deux camps fourbissent leurs armes, démesurées et pas...