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Actualités - ANALYSE

Le statu quo régional, un piège pour le Liban

De l’avis d’un ancien ministre des Affaires étrangères, un état prolongé de ni guerre ni paix au Proche-Orient conviendrait parfaitement à Israël mais serait fortement préjudiciable pour le Liban, notamment sur le plan économique.
«Israël, dit en substance l’ancien ministre, cherche pour sa part à conforter une situation à cheval qu’il peut exploiter à des fins expansionnistes en dormant sur ses deux oreilles si l’on peut dire, dans ce sens que les Etats arabes n’étant en mesure ni de lui faire la guerre ni d’imposer une paix véritable restent incapables de contrer ses plans. Ainsi l’Etat hébreu peut poursuivre tranquillement l’extension de ses frontières effectives en multipliant les implantations de colonies et en judaïsant Jérusalem tandis que les Arabes, une fois épuisé leur flot de récriminations verbales, finiraient par se résigner face au nouveau fait accompli. C’est pratiquement ce que Benjamin Netanyahu avait confié d’entrée de jeu, quelques jours à peine après son avènement, aux Américains qui s’inquiétaient pour leur processus, pour la ligne qu’ils avaient engagée sous Rabin-Pérès et affirmaient craindre une explosion régionale sous forme de troubles, de heurts, d’affrontements risquant de provoquer la guerre...»
Cette personnalité note ensuite que «jusqu’à présent tout se déroule comme l’a prévu un Netanyahu qui s’arrange pour placer devant une nouvelle réalité de terrain des Arabes et des officiels Palestiniens dont la riposte se limite à des déclarations et des communiqués. La rue palestinienne a cependant bougé et repris l’Intifada des pierres pour protester contre la construction d’une colonie juive à Abou Ghneim. Netanyahu, qui se trouvait à Washington, a évidemment inversé les donnes et, occultant tout à fait les causes, il a qualifié l’accès de colère de la rue palestinienne de «terroriste», en jouant pour sa part au preux champion du processus de paix! C’est comme s’il se moquait ouvertement de ses hôtes américains qui, chose étrange, ont paru ne pas s’en apercevoir, fermant les yeux sur les gesticulations hypocrites de ce maître en provocations... Ils ont même abondé dans son sens, en pressant les Arabes de mettre un terme au cycle de violence, pour retourner à la table des négociations comme si de rien n’était et sans qu’il soit demandé à Israël d’arrêter les implantations. Cet Etat veut donc encore une fois faire passer les effets avant les causes, tout comme au Liban-Sud où il ne cesse de réclamer une neutralisation de la résistance active précédant tout projet de retrait mettant fin à l’occupation...»

Complicité

A en croire cet ancien ministre des Affaires étrangères, les Etats-Unis chercheraient eux aussi à faire mariner le Proche-Orient dans un bain de ni guerre ni paix et il en veut pour preuve, dit-il, «les indices suivants:
— Washington pousse les Etats arabes et l’Autorité palestinienne à reprendre les pourparlers en neutralisant les soubresauts de la rue. Les Américains insistent beaucoup pour que la police palestinienne «mette le paquet» en coopérant à fond avec les forces israéliennes et en capturant les «cadres séditieux» du Hamas comme du Jihad islamique pour démanteler l’infrastructure opérationnelle de ces mouvements. Un «retour au calme» dont Israël profiterait pour compléter, tout aussi calmement, sa toile de nouvelles implantations en territoire arabe.
— Washington centre ses efforts sur les accords d’Oslo en affirmant qu’avant d’en avoir terminé on ne peut ni engager la phase terminale des négociations palestino-israéliennes ni même réenclencher les pourparlers israélo-syriens. Ce cloisonnement des volets est un système qui favorise Israël, qui l’a toujours prôné, car le traitement cas par cas empêche évidemment la formation d’un bloc arabe compact agissant suivant une stratégie diplomatique unifiée.
— Washington maintient le «point mort» au Liban-Sud où le comité de surveillance multinational issu des accords d’avril 96 sert d’instrument pour bloquer une évolution positive vers un retrait israélien. Et cela sous prétexte que ce comité réussit par sa présence à limiter les attaques de part et d’autre en protégeant les civils et en prévenant une escalade militaire. C’est ce que le délégué américain, David Greenly, qui doit prendre la direction du comité le 1er mai prochain au titre du système de rotation adopté, a assuré dernièrement aux autorités libanaises...»
Pour l’ancien ministre cité «tous ces éléments concourent donc à conforter au Proche-Orient, jusqu’à nouvel ordre et du moment que cela sert les intérêts d’Israël, un état de ni guerre ni paix. La stabilité sécuritaire, nécessaire à la «bonne réalisation» des objectifs de l’Etat hébreu, est dès lors requise sur le front palestinien et sur le front libanais».
Ceci étant, tout est dans la nuance: si les jeunes Palestiniens continuaient à lancer quelques pierres et si au Liban-Sud les résistants poursuivaient des attaques sporadiques contre Lahd, le gouvernement de Netanyahu n’en ferait pas une maladie... Et ne serait pas loin même d’encourager en sous-main une certaine agitation qui lui permettrait de garder des leviers de pression sur Arafat et de continuer à disposer de prétextes pour s’accrocher au Liban-Sud. De plus une fébrilité relative bien contrôlée ne ferait que retarder le moment où les Américains seraient en mesure de réhabiliter les principes de Madrid, pour remettre vraiment sur rail le processus de paix, perspective qui ne doit pas beaucoup enchanter Netanyahu.

E.K.
De l’avis d’un ancien ministre des Affaires étrangères, un état prolongé de ni guerre ni paix au Proche-Orient conviendrait parfaitement à Israël mais serait fortement préjudiciable pour le Liban, notamment sur le plan économique.«Israël, dit en substance l’ancien ministre, cherche pour sa part à conforter une situation à cheval qu’il peut exploiter à des fins...