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Actualités - OPINION

La calotte et le culot

«Le temps des gestes de bonne volonté envers les Palestiniens est révolu»...
On résisterait difficilement à la tentation de se frotter les yeux à la lecture de cette petite phrase prononcée par Benjamin Netanyahu avant sa rencontre de lundi avec Bill Clinton.
Encore quelques manifestations de la générosité israélienne comme celle de Har Homa et ce sera non plus les molles poignées de main comme sur la pelouse de la Maison-Blanche, il y a peu, mais bel et bien de chaleureuses accolades, avec triple baiser sur les joues.
De telles déclarations (combien) apaisantes, le chef du gouvernement Likoud n’aura cessé d’en faire ces dernières semaines. Importerait-il, après l’illusion de la marche en avant sur la voie du dialogue, de poursuivre la neutralisation à coups de petits et grands pas de la conférence de Madrid qu’il ne s’y prendrait pas autrement.
L’Amérique pendant ce temps, remorquant derrière elle le frêle esquif russe, vogue au gré du vent que fait souffler ce «Bibi», spécialiste de la haute voltige politique et qui avait déjà, au jour I de son cabinet, «commis une à une toutes les fautes possibles et imaginables», au dire d’un proche collaborateur.
Certes, l’actuel locataire de la Maison-Blanche serait en mesure théoriquement — n’ayant pas à solliciter un troisième mandat et donc libéré de la tutelle du lobby sioniste américain — de faire pression sur l’Etat hébreu. Dans la pratique toutefois, il ne peut pas grand-chose contre un homme qui ne lui doit aucune reconnaissance, encore moins des comptes. Tout au long de la campagne qui avait précédé le scrutin du 29 mai 96 en effet, l’Administration démocrate — avec quelle légèreté — n’avait cessé de lier le sort de la paix à celui de Shimon Pérès. Il lui faut aujourd’hui, ravalant sa déception, feindre de continuer à régir une crise dont l’issue risque, si ce n’est déjà fait, de lui échapper à brève échéance. Dès lors s’expliquent les minauderies diplomatiques du département d’Etat — Madeleine Albright se dit «inquiète» —, de la Maison-Blanche — «Nous encourageons des concessions réciproques», affirmait prudemment trois heures avant le sommet d’hier Michael McCurry — ou encore du Pentagone où l’on prône «des progrès continus vers un accord global».
En ce début de semaine, le président américain a donné une fois de plus la désolante impression de s’obstiner à patauger dans le marécage proche-oriental. En faisant de «l’absence de terrorisme, qui ne peut faire l’objet d’un marchandage, une condition préalable à une reprise du dialogue», il a situé l’effet avant la cause et fait des colonies de peuplement — mais n’y a-t-il pas autre chose? — la conséquence directe de l’«intifada» et des attentats qui secouent Israël depuis des années. Ce n’est pas faire injure à la logique que de juger pour le moins étrange cette vision de la réalité.
«CNN Man», c’est-à-dire principalement attaché à l’image qu’il donne de lui-même à la télévision, ainsi qu’il a été jugé par la presse US; «verre vide», suivant la formule célèbre de Yitzhak Rabin; anxieux de figurer en bonne place dans le bulletin de nouvelles du soir, à en croire Beni Begin, son éphémère ministre des Sciences. Netanyahu est tout cela à la fois. C’est aussi un homme qui se croit investi d’une mission sacrée: torpiller de l’intérieur, maintenant qu’il est chef de gouvernement, les accords d’Oslo, dont d’ailleurs il se gardait bien de faire mention dans son discours d’investiture, s’affirmant seulement «disposé à poursuivre les négociations avec les Palestiniens, à condition qu’ils respectent leurs engagements». Il est sans illusion, lui, sur le «nouveau Proche-Orient» si cher au cœur de son prédécesseur. Et son programme électoral, comment pourrait-on l’oublier, tenait en quelques formules lapidaires: pas d’Etat palestinien, pas d’évacuation du Golan, relance de la colonisation dans les territoires occupés, droit de l’armée d’opérer dans les zones autonomes. Le tout au nom, bien sûr, de la Torah.
Malgré sa science des relations publiques, le premier ministre israélien ne pourra faire endosser un tel message par une partie non négligeable de ses concitoyens, par l’Amérique et l’Europe réunies et par ses interlocuteurs arabes encore moins. Reste à voir s’il réussira, la paix étant devenue un processus irréversible, même si son aboutissement nécessitera plus de temps que prévu, à la remodeler conformément à l’image qu’il s’en fait. Le nouvel intermède washingtonien vient de lui donner nombre de raisons de le croire.

Christian MERVILLE
«Le temps des gestes de bonne volonté envers les Palestiniens est révolu»...On résisterait difficilement à la tentation de se frotter les yeux à la lecture de cette petite phrase prononcée par Benjamin Netanyahu avant sa rencontre de lundi avec Bill Clinton.Encore quelques manifestations de la générosité israélienne comme celle de Har Homa et ce sera non plus les molles...