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Actualités - CHRONOLOGIE

La médiation de Murr aboutit à la formation d'une commission chargée d'étudier le projet de loi La réconciliation Hraoui-Hariri ne sauve pas les municipales

La «grave crise politique» qui a envenimé les relations des présidents Elias Hraoui et Rafic Hariri, en raison de l’accord passé jeudi entre le Parlement et le gouvernement pour retirer le projet de loi sur les élections municipales, n’aura duré que quelques heures. Les deux hommes se sont réconciliés hier, aussi subitement qu’ils s’étaient brouillés l’avant-veille.
En toute logique, la réconciliation aurait dû éliminer les raisons du désaccord, à savoir la volonté de M. Hariri — et avec lui de M. Nabih Berry — de reporter un scrutin qui l’inquiétait et que le chef de l’Etat disait vouloir organiser à tout prix à la date prévue, début juin. Mais les deux hommes se sont rencontrés «dans un climat positif», sans que pour autant la date du scrutin soit confirmée. Au contraire, les chances de la tenue des élections en juin paraissent maintenant dérisoires comme le laisse penser une petite phrase lancée hier par le ministre de l’Agriculture, M. Chaouki Fakhoury, à l’issue d’une rencontre qui a groupé au palais de Baabda MM. Hraoui et Hariri. «Ce qui s’est passé au Parlement (...) va pousser le gouvernement, lors de sa prochaine réunion, à modifier les dates de la tenue des élections à cause du facteur temps et des délais légaux obligatoires», a-t-il dit.
A l’issue de la réunion de Baabda, le président de la République et le chef du gouvernement sont convenus de la formation d’une commission ministérielle qui aura pour tâche de faire le point sur le débat lié aux municipales et de proposer des idées qui seront examinées lors de la première réunion du Cabinet après le retour de M. Hariri de Russie et du Canada .
La rencontre de Baabda est le couronnement d’une médiation effrénée entreprise samedi par le vice-président du Conseil, M. Michel Murr, et de concertations intensives avec les responsables syriens.
Pendant que M. Hariri s’entretenait samedi à Damas avec le vice-président syrien, M. Abdel Halim Khaddam, de la «crise des municipales», M. Murr rencontrait au Liban le président Hraoui à deux reprises, à 11h et à 17h30, ainsi que le chef des services de renseignements syriens, le brigadier Ghazi Kanaan, également à deux reprises. Il effectuait une visite-éclair en Syrie, où il rencontrait plusieurs responsables syriens. A 18h30, le ministre de l’Intérieur se rendait à Koreytem pour s’entretenir avec M. Hariri de retour de la capitale syrienne. A 20h30, M. Murr se rendait pour la troisième fois à Baabda porteur de «précisions» de M. Hariri et retournait à 22h à Koreytem avec la réponse. L’atmosphère commençait à se détendre entre les présidents Hraoui et Hariri. Toutefois, une première proposition de M. Murr consistant à réunir exceptionnellement le Conseil des ministres dimanche est rejetée. Les contacts entre le chef de l’Etat et les hauts responsables syriens contribuent aussi à débloquer la situation. Un peu avant minuit la situation est assez «mûre» pour qu’une rencontre Hraoui-Hariri puisse être envisagée dans la matinée de dimanche.
La rencontre se tient au palais de Baabda en présence du «parrain» Michel Murr. Selon des sources bien informées, M. Hraoui reproche au chef du gouvernement d’avoir outrepassé ses pouvoirs et d’avoir violé la Constitution en retirant le projet de loi sur les municipalités, une telle décision nécessitant, selon lui, un décret signé par le président de la République et par le premier ministre, conformément à l’article 103 du statut interne de la Chambre. M. Hariri précise qu’il ne s’agit pas d’un retrait, mais d’un renvoi. Il souligne que le retrait d’un projet n’a pas besoin d’un vote au Parlement, comme cela s’est produit jeudi. Il invoque l’article 77 du statut interne qui stipule que le gouvernement peut proposer à la Chambre de renvoyer un texte au gouvernement, ajoutant qu’un telle mesure nécessite le vote des députés.
De même source, on déclare que M. Hariri aurait expliqué au chef de l’Etat les «avantages» du scénario qui s’est déroulé au Parlement jeudi dernier et qui a évité de faire assumer au seul gouvernement la responsabilité d’un éventuel report des élections municipales. Le Législatif et l’Exécutif se partageant maintenant la responsabilité de cette décision. Il a aussi assuré au président Hraoui qu’il avait pas pu se concerter avec lui au sujet de la décision à prendre, car il avait agi jeudi d’une manière spontanée.
Tout en se montrant réceptif aux arguments de M. Hariri, M. Hraoui a reproché au chef du gouvernement de faire cavalier seul, rappelant à cet égard l’affaire de la nomination des doyens de l’Université libanaise.
Sur le plan pratique, il a été décidé de former une commission composée de huit ministres chargée de préparer dans un délai de quinze jours un rapport sur les amendements susceptibles d’être apportés au projet de loi sur les municipales. M. Murr, qui présidera cette commission, a déclaré qu’l ne pouvait pas encore se pronconcer sur le sort des élections.
M. Fakhoury, dont les déclarations reflètent généralement le point de vue du président de la République, a pour sa part indiqué qu’il «persistait à croire» que le projet de loi sur les municipales n’a pas été retiré par le gouvernement et qu’il se trouvait toujours à la Chambre où il doit être examiné. S’exprimant à l’issue d’une réunion hier soir avec le chef de l’Etat, le ministre a précisé que la commission ministérielle va traiter la question des municipales en partant du principe que le gouvernement reste attaché à la décision d’organiser cette échéance. Toutefois, M. Fakhoury a déclaré que «ce qui s’est passé va pousser le gouvernement à modifier la date des élections (...), décision que nous aurions aimé éviter».
Dans la crise politique qui a secoué le pays ces derniers jours il y a donc deux principaux perdants: les centaines de milliers de Libanais qui ont accompli les formalités nécessaires pour obtenir leur carte électorale en croyant naïvement que les élections auraient lieu à la date prévue et l’Etat, complètement discrédité par ceux qui sont aux commandes.
Les responsables ont-ils redouté les conséquences de l’engagement des différentes forces politiques (aussi bien l’opposition extraparlementaire que le Hezbollah ou les intégristes sunnites au Liban-Nord) dans le processus électoral, ou alors savaient-ils depuis le début que le scrutin n’aurait pas lieu? La réponse n’a plus d’importance. Et beaucoup de Libanais ont l’impression de regarder un sketch où les rôles sont tenus par des acteurs de troisième catégorie.

P. KH.
Paul KHALIFEH
La «grave crise politique» qui a envenimé les relations des présidents Elias Hraoui et Rafic Hariri, en raison de l’accord passé jeudi entre le Parlement et le gouvernement pour retirer le projet de loi sur les élections municipales, n’aura duré que quelques heures. Les deux hommes se sont réconciliés hier, aussi subitement qu’ils s’étaient brouillés...