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Actualités - CHRONOLOGIE

Report ou maintien des municipales : climat de confrontation, hier, au parlement (photos)

Tout au long de la matinée hier, le suspense a été maintenu, Place de l’Etoile, où la Chambre s’est attaquée au projet d’amendement de la loi électorale, mais sans pouvoir aller au-delà de l’examen du premier article du texte. Et pour cause, jusqu’à 14h30, date à laquelle la séance a été levée, on en était encore à disserter sur l’opportunité de l’organisation des élections municipales et de moukhtars sur base de la loi sous étude. Les débats ont mis en présence quatre tendances, défendues chacune par un courant parlementaire: les loyalistes, les représentants des villages affectés par l’exode, les députés d’«Amal» et enfin ceux du Hezbollah. Les loyalistes, qui se sont exprimés hier, veulent que les élections soient organisées à tout prix, alors que les représentants de déplacés jugent préférable, pour des considérations communautaires et nationales, un report du scrutin dans des régions comme la montagne, la banlieue-sud ou la Békaa.
Il est 11h lorsque la Chambre s’attaque au projet d’amendement de la loi sur les élections municipales. Lecture est alors donnée du premier article du texte, relatif à la nomination de conseils municipaux et de moukhtars dans la bande frontalière. M. Zaher el-Khatib propose qu’une partie des conseils municipaux des localités occupées soit nommée proportionnellement au nombre des personnes qui ont décidé de rester chez eux et que l’autre partie soit élue par les électeurs qui ont fui la «zone de sécurité» et qui constituent, selon lui, 80% de la population de ces villages.
On s’attend à ce que le débat se poursuive autour de l’article soumis au vote. Mais M. Marwan Hamadé lance le débat autour de l’opportunité de l’organisation des municipales sur l’ensemble du territoire libanais, reprenant dans son intervention, la principale idée de l’argumentation que le président Sélim Hoss avait développée la veille. C’est comme si l’ancien chef du gouvernement avait tendu la perche à ses collègues qui se sont empressés de la saisir. M. Hoss, rappelle-t-on, avait mis en garde contre les clivages et le déséquilibre (au niveau de la représentativité communautaire) que le scrutin pourrait entraîner dans les villes et les villages où diverses communautés cohabitent.
Ce thème est repris par M. Hamadé qui insiste essentiellement sur le cas des villages de la montagne dont les habitants sont toujours disséminés aux quatre coins du Liban à cause de l’exode forcé en 1983 ou des localités qui se sont repeuplées depuis quelque temps seulement. Le député du Chouf prône le renvoi du texte, qu’il a jugé tronqué, aux commissions parlementaires. Il met en garde contre l’organisation d’élections sur base d’une «loi incomplète et vague». «Nous devons aboutir à un texte bien étudié qui serait complété ensuite sur le terrain par des mesures susceptibles d’éviter que le scrutin ne se transforme en un projet de discorde. Si nous ne le préparons pas bien, il pourra causer des divisions dans le pays. Aussi bien le gouvernement que le Parlement réalisent ce danger».
Il attire l’attention ensuite sur le fait que la date des élections approche «alors que l’on ignore toujours les prérogatives, les limites géographiques des municipalités et le nombre des membres des conseils municipaux et que la distribution des cartes électorales ne s’est pas encore complétée». «Nous sommes aussi appelés à élire des moukhtars alors que nous ignorons leur nombre et leur répartition dans les agglomérations qui sont les électeurs: les habitants d’une rue, d’un quartier, d’un village ou d’une ville?», s’interroge-t-il, mettant l’accent sur les répercussions de telles décisions sur le tissu communautaire dans les diverses agglomérations. Pour lui, la loi électorale doit impérativement «préserver l’équilibre national et assurer une représentativité authentique des électeurs».

«Restituez l’équilibre»

Les députés de la montagne, et de manière générale les représentants des secteurs d’où les chrétiens avaient été poussés à l’exode durant la guerre, s’étaient-ils donnés le mot pour réclamer le report du scrutin, dans ces régions? MM. Pierre Daccache (Baabda), Salah Haraké (Baabda), Alaeddine Terro (Chouf), Nabil Boustany (Chouf), Wadih Akl (Chouf) et même le ministre Elie Hobeika, également député de Baabda, plaident vigoureusement en faveur d’un ajournement du scrutin dans la montagne. MM. Daccache, Akl et Hobeika souhaitent que les municipales ne soient organisées qu’au terme du processus de retour des déplacés. «Le scrutin n’était pas effectué sur une base confessionnelle lorsque l’équilibre communautaire était maintenu. Restituez cet équilibre puis organisez les élections», lance M. Daccache. M. Antoine Andraos l’approuve. Son collègue, Wadih Akl, pense pour sa part que des résultats déséquilibrés pourraient retarder davantage le processus de retour des déplacés.
Le plus éloquent reste le ministre Hobeika. Son intervention durera une demi-heure durant laquelle il s’efforce d’expliquer à ses collègues les raisons qui commandent un report du scrutin, notamment dans les villages de la montagne. «Bien que de nombreux déplacés aient regagné leurs foyers, l’on n’a toujours pas réussi à établir dans ces villages le b.a. ba de la coexistence. Comment voulez-vous organiser des élections dans des localités où l’on continue de désigner leurs deux composantes (druze et chrétienne) par «revenants» et par «résidents». Il faut en priorité trouver la formule qui consolidera la coexistence puis organiser les élections. Toute bataille électorale suppose qu’il y aura des vaincus et des vainqueurs qui amèneraient avec eux leur projet de développement. Est-on aujourd’hui en présence de deux parties qui détiennent chacune un projet de développement? La victoire ne serait-elle pas d’ordre social, politique et communautaire? C’est par respect pour les Libanais qu’il faut conférer au dossier du scrutin (dans les régions frappées par l’exode) un caractère exceptionnel et reporter les élections jusqu’après le retour de tous les déplacés».

Electeurs «clonés»...

Talal Merhébi s’oppose aux exceptions tout comme Ali el-Khalil qui déplore «les prétextes avancés en vue d’un report des élections». M. Daccache s’emporte et réplique vertement. Un échange acerbe s’ensuit entre les deux députés.
Nombreux sont les parlementaires qui plaident pour l’organisation du scrutin coûte que coûte «même si la loi n’est pas parfaite». C’est notamment le cas de MM. Antoine Haddad — qui rend au passage un vibrant hommage au ministre de l’Intérieur, M. Michel Murr, qui préside le Bloc parlementaire auquel il appartient — Talal Merhébi, Anouar el-Khalil, Misbah el-Ahdab, Zaher Khatib, Najah Wakim, Gebrane Tok, Jamil Chammas et Mme Nayla Moawad. Mme Moawad, qui approuve les remarques de M. Sélim Hoss, s’élève toutefois contre la légèreté avec laquelle les élections sont organisées. «On nous propose quatre projets de loi en même temps alors qu’il faut six mois pour étudier un texte. Tantôt, on nous demande d’utiliser des extraits d’état civil pour voter tantôt c’est des cartes sur lesquelles même le nom de la mère de l’électeur ne figure pas», dit-elle. Berry éclate de rire: «Ce sont des électeurs clonés. Ils n’ont pas de mères».
Quant à M. Wakim, il s’élève contre une répartition des sièges municipaux sur une base communautaire et prononce un véritable réquisitoire contre «les pratiques confessionnelles» du pouvoir, qu’il a accusé de susciter les susceptibilités de cet ordre, assurant que ces considérations importent peu à la population. «Soyez sûrs que les musulmans voteront pour un grec-orthodoxe honnête comme Wajdi Mallat».
Des voix s’élèvent dans l’hémicycle: «Il est maronite, il est maronite».
«Ce n’est pas possible», rétorque, étonné, le député de Beyrouth qui insiste ensuite sur l’importance des municipales dans la capitale estimant que tous les membres du conseil municipal doivent être élus au suffrage universel.

Les positions du
Hezbollah et d’Amal

Parallèlement à ces deux tendances, deux autres se sont nettement dégagées de la séance de la matinée mettant en présence les députés d’«Amal» et du Hezbollah. Les tiraillements entre les deux parties au sujet de la question des nominations de conseils municipaux et de moukhtars ont éclaté au grand jour durant la réunion. Les députés du Hezbollah, notamment MM. Ibrahim Amine el-Sayyed, Ammar el-Moussaoui, Rabiha Keyrouz, Ali Hassan Khalil et Abdallah Kassir, plaident avec vigueur pour que les conseils municipaux des villages de la bande frontalière soient élus et non pas nommés, d’autant, disent-ils, que 80% des électeurs de la région occupée se trouvent dans «les secteurs libérés». «Rien n’empêche qu’ils exercent leur droit de vote comme ils l’avaient fait en août dernier», notent-ils à l’unanimité. On sait que durant les élections législatives, les habitants de la bande frontalière avaient voté à Beyrouth. M. Ali Hassan Khalil propose que chaque localité de la «zone de sécurité» ait deux moukhtars: un moukhtar sera nommé pour chaque localité de la région occupée et un autre sera élu pour chaque village dont les habitants sont installés en dehors de la bande frontalière.
S’il n’est pas possible d’organiser des élections dans cette région, M. Mohamed Fneich propose qu’on s’abstienne de procéder à des nominations de conseils municipaux et de moukhtars et qu’on maintienne la situation telle qu’elle est actuellement.
Pas question toutefois pour les députés d’«Amal» d’organiser un scrutin dans la région occupée. M. Mohamed Abdel-Hamid Beydoun est le plus véhément parmi eux. Tout en approuvant le principe des nominations, il s’élève contre la préparation «bâclée» des municipales dans la mesure, dit-il, où l’on veut organiser les élections avant de poser les bases du contrôle qui doit être exercé sur l’action des municipalités. Il considère que l’Exécutif aurait dû songer en premier lieu à mettre sur pied le Conseil économique et social et à dynamiser les conseils de cazas «qui s’occupent davantage que les municipalités de questions en rapport avec le développement des régions».
Dernier à prendre la parole, M. Assem Kanso réclame, contre toute attente, un report du scrutin «pour éviter toutes susceptibilités communautaires», bien qu’il eut, au début de son discours, affirmé que le problème ne se pose pas à Baalbeck «où les chrétiens seront représentés au sein des conseils municipaux bien qu’ils soient devenus minoritaires» et qu’il eut plaidé pour l’abolition du confessionnalisme.

Pause-réflexion

Il est 14h30 lorsque M. Berry lève la séance qui devait reprendre en soirée. Vers midi, les députés ont bénéficié d’une pause d’un quart d’heure — due à une coupure du courant électrique qui a rendu aphone tous les micros — qu’ils ont mis à profit pour évaluer les débats de la matinée. Ils n’étaient toutefois pas en mesure de prévoir l’issue du vote, chacun pensant que l’idée qu’il défend l’emportera. Le président de la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice, M. Chaker Abou Sleiman, devait exprimer son exaspération devant «les contradictions» qu’il a dit relever dans les interventions de ses collègues. «Ils demandent une chose et son contraire. La loi de 1977 est bonne mais ils ne l’ont pas lue et c’est ce que je vais leur dire», déclare-t-il à «L’Orient-Le Jour».
Lorsque la réunion reprend, il insiste sur l’organisation des élections avant de plaider en faveur de l’adoption de la loi de 77. Il répond aussi à ses collègues qui avaient réclamé le renvoi du projet de loi en commissions, soulignant que ce sont les députés qui avaient demandé au gouvernement de soumettre simultanément au Parlement 4 projets de loi sur les municipales, la décentralisation administrative, les municipalités et les moukhtars. «Mais je vous assure que si l’on commence demain à les étudier ensemble, nous ne pourrons pas finir avant un an», relève-t-il, avant d’approuver les nominations dans la bande frontalière et le report des élections dans les villages affectés par l’exode.

T.A.
Tout au long de la matinée hier, le suspense a été maintenu, Place de l’Etoile, où la Chambre s’est attaquée au projet d’amendement de la loi électorale, mais sans pouvoir aller au-delà de l’examen du premier article du texte. Et pour cause, jusqu’à 14h30, date à laquelle la séance a été levée, on en était encore à disserter sur l’opportunité de...