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Actualités - ANALYSE

Municipales : préparatifs sur fond d'incertitude Les détracteurs du gouvernemnet l'accusent de vouloir ajourner le scrutin (photo)

En envoyant au bureau de la Chambre des suggestions de modification de quatorze articles du projet d’amendement de la loi sur les élections municipales, quelques heures à peine avant la séance parlementaire qui sera justement consacrée à l’examen de ce texte, le gouvernement a créé la surprise hier
Des voix se sont élevées au Parlement et ailleurs pour s’interroger sur le but d’une telle mesure. S’agit-il d’allonger la procédure de cheminement du projet de loi et d’atteindre ainsi l’ultime objectif qui serait de reporter les élections? Assiste-t-on à une habile manœuvre visant à embarrasser les députés et à provoquer une situation tellement enchevêtrée que le report du scrutin serait perçu comme la meilleure solution pour tous? Ces interrogations sont, selon leurs auteurs, d’autant plus légitimes que le président de la Chambre, M. Nabih Berry, qui s’est déclaré surpris par les nouveaux amendements transmis par le gouvernement, a laissé échapper hier devant les membres du bureau de la Chambre une petite phrase qui en dit long sur la méfiance qui règne entre le Législatif et l’Exécutif: «Je ne fournirai à personne l’opportunité de dire que le Parlement œuvre en faveur d’un ajournement des municipales», a-t-il dit. Même scepticisme du côté du vice-président de la Chambre, M. Elie Ferzli, qui a carrément déclaré à «L’Orient-Le Jour» que le gouvernement «ne veut pas organiser des élections municipales».

Des «corrections
mineures»

Du côté du gouvernement, on veut minimiser l’importance des modifications proposées hier. D’abord, en préférant au mot «amendement» un euphémisme qui est «correction» et en agissant ensuite comme si les élections avaient lieu demain. Le ministre de l’Intérieur, M. Michel Murr, a ainsi annoncé hier la prolongation du délai d’obtention des cartes électorales jusqu’au 15 avril (le délai initial s’est achevé le 31 mars) et le Conseil central de sécurité a chargé l’armée de l’aspect sécuritaire de l’organisation du scrutin. Pour M. Murr, les «corrections sont mineures et d’ordre linguistique». Le député Chaker Abou Sleimane, président de la commission de l’Administration et de la Justice, partage le même avis.
Les municipales restent pour les gens du pouvoir la principale préoccupation. Ce dossier a été longuement examiné hier lors d’une réunion entre le président de la République, M. Elias Hraoui, et le premier ministre, M. Rafic Hariri. Les milieux de M. Hariri avaient pourtant déclaré qu’il souffrait de surmenage, ce qui l’avait obligé à réduire ses activités. Mais cette fatigue ne l’a pas empêché de se rendre au palais de Baabda. Les municipales ont aussi entre le chef du gouvernement et M. Berry, qui lui a rendu visite à son domicile.

Hariri flexible

Selon des sources bien informées, les discussions ont porté, aussi bien à Baabda qu’à Koraytem, sur les divergences qui opposent les pôles du pouvoir au sujet de deux points essentiels: les modalités de l’élection des chefs des Conseils municipaux et le cumul des fonctions de député et de chef de municipalité. MM. Hraoui et Berry sont favorables à l’élection du chef de la municipalité par les membres du Conseil et sont hostiles au cumul des mandats. M. Hariri préfère pour sa part l’élection du chef de la municipalité au suffrage universel et ne voit pas d’inconvénient au cumul des mandats. Il semble que la majorité des députés épousent les points de vue de MM. Hraoui et Berry. De source bien informée, on apprend que M. Mohammed Abdel-Hamid Beydoun (Amal) va soumettre jeudi lors de la séance plénière un projet d’amendement qui supprime l’élection au suffrage universel des chefs des municipalités. D’autres parlementaires vont proposer l’interdiction du cumul des mandats. Et il y a de fortes chances pour que les deux amendements soient votés sans que cela ne provoque une crise avec M. Hariri qui aurait accepté de faire preuve de flexibilité et de s’en remettre au jeu parlementaire.
D’autres sources ont par ailleurs indiqué qu’un projet d’amendement prévoyant que les candidats aux postes de chef de municipalité et de moukhtar doivent être respectivement détenteurs du baccalauréat et du brevet, pourrait être soumis au vote jeudi.
Les similitudes sont nombreuses entre la période actuelle et celle qui a précédé les élections législatives de l’année dernière: la même incertitude quant à l’organisation des municipales, un doute constant au sujet des réelles intentions du pouvoir, une transparence qui laisse à désirer.
Si les ressemblances entre les deux situations sont effectivement frappantes, il y a cependant une différence de taille. Contrairement au scrutin législatif de l’été dernier, tout le monde veut participer aux municipales de ce printemps, y compris l’opposition dans toutes ses composantes. C’est peut-être cela qui embarrasse le pouvoir et qui fait pronostiquer un ajournement du scrutin. D’ailleurs, l’opposition s’est pleinement engagée dans la bataille et les banderoles du mouvement aouniste appelant les électeurs à participer massivement au scrutin se trouvent partout, même dans les quartiers ouest de Beyrouth. Mais de sources loyalistes concordantes, on assure qu’«aucun responsable libanais ne peut assumer à l’étape actuelle la responsabilité d’un report des élections». «Toutes les forces sont maintenant engagées dans le processus pré-électoral et même M. Berry, qui était réticent au début, s’est maintenant résigné. La décision du mouvement Amal et du Hezbollah de conclure des alliances électorales au Liban-Sud et dans la Békaa-Ouest ont apaisé ses craintes», ajoute-t-on.
Ce modèle d’alliance Amal-Hezbollah a de fortes chances de se reproduire dans toutes les régions entre les différentes forces et partis politiques pour faire face à l’opposition antitaéfiste, selon les mêmes sources.
Les enjeux sont importants et les batailles s’annoncent cruciales, à moins que d’ici juin des facteurs impondérables surgissent et provoquent l’ajournement du scrutin.

P.Kh.
En envoyant au bureau de la Chambre des suggestions de modification de quatorze articles du projet d’amendement de la loi sur les élections municipales, quelques heures à peine avant la séance parlementaire qui sera justement consacrée à l’examen de ce texte, le gouvernement a créé la surprise hier Des voix se sont élevées au Parlement et ailleurs pour s’interroger sur...