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Actualités - DISCOURS

Il a célébré hier la messe à l'intention de la France Sfeir : les libanais sont éperdument attachés à leur indépendance Lafon : la France sera toujours aux côtés du Liban (photos)

Le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, a célébré hier matin la messe traditionnelle à l’intention de la France. Ont notamment assisté à l’office divin: l’ambassadeur de France, M. Jean-Pierre Lafon, le premier conseiller, M. Gilles Gauthier, et le chef du protocole de la chancellerie, M. François Abisaab accompagné de son épouse, ainsi que le personnel diplomatique de l’ambassade.
Après la lecture de l’évangile, Mgr Sfeir a prononcé l’homélie suivante:
«Le Christ est mort et revenu à la vie pour être le Seigneur des morts et des vivants» (Rm 14:9).
Converti par miracle sur la route de Damas, ennemi juré des chrétiens et leur persécuteur acharné, Saint Paul est devenu le grand défenseur du christianisme et le plus grand théologien de tous les temps. C’est grâce à lui que le christianisme a pu se distinguer nettement de la religion juive. Dans ses épîtres, il s’est attaché à prouver que Jésus Christ, qu’il cherchait à persécuter dans ses fidèles, est le Fils de Dieu fait Homme, qu’Il est aussi l’unique Rédempteur qui a réconcilié avec Dieu son Père, par sa mort sur la croix et sa Résurrection, l’homme Pécheur. C’est lui surtout qui a approfondi le sens de la Résurrection et ses conséquences heureuses sur la vie des fidèles.
La Résurrection est la preuve absolue que le Christ a fournie pour montrer qu’il est Dieu... N’a-t-il pas dit: «Détruisez ce sanctuaire: en trois jours je le relèverai»? (jn 2:19) C’était le jour où, pris d’une sainte colère, il se mit à chasser du temple «les marchands de bœufs, de brebis, et de pigeons et les changeurs assis à leurs comptoirs». Dépités, les juifs lui dirent alors: «quel signe montrez-nous pour agir ainsi»? Et c’est Saint Jean qui a dissipé toute équivoque en disant: «Il parlait du sanctuaire de son corps, alors que ses interlocuteurs avaient compris qu’il parlait du temple qu’on est resté quarante six ans à bâtir. Et c’est pour cette même raison qu’il a été condamné à mort. Se présentant devant le Sanhédrin, on amena contre Lui deux faux témoins qui déclarèrent», cet homme a dit: «Je puis détruire le Temple et le rebâtir en trois jours» (Mt 26:61). Pour eux, il n’y avait plus aucun doute. L’inculpé méritait la mort par crucifixion.
Mis à mort, le Christ est ressuscité. Saint Paul dit: «Il est revenu à la vie pour être le Seigneur des morts et des vivants». Sa Résurrection est le gage de notre propre résurrection. C’est dire que le destin de l’homme n’est pas limité à la terre. Il vient de Dieu qui l’a créé à son image. Il doit nécessairement revenir à Dieu pour rendre compte des talents qui lui ont été confiés. En mourant, le Christ a détruit notre mort et en ressuscitant, il nous a redonné la vie. En s’unissant à la nature humaine, et en triomphant de la mort par sa mort et sa résurrection, il a racheté l’homme et l’a transformé en une créature nouvelle, ainsi que le dit Saint Paul: «Si donc quelqu’un est dans le Christ, c’est une créature nouvelle: l’être ancien a disparu, un être nouveau est là. Et le tout vient de Dieu qui nous a réconciliés avec Lui par le Christ et nous a confié le ministère de la Réconciliation» (2 co 5:17-18). Cela veut dire que Dieu qui avait créé toutes choses par le Christ a restauré son œuvre, déréglée par le péché, en la recréant dans le Christ. Le centre de cette nouvelle création, qui intéresse tout l’univers créé, est l’homme nouveau, créé dans le Christ pour une vie nouvelle de justice et de sainteté.
Le mystère pascal est donc le fondement du salut chrétien, offert indistinctement à tous les hommes, même à ceux qui sont en dehors des frontières juridiques de l’Eglise. Même ceux-là ont la possibilité, grâce à l’Esprit Saint, d’entrer en contact avec Lui, comme le note Vatican II, dans sa Constitution Pastorale sur l’Eglise dans le monde de ce temps où il est dit: «Associé au mystère pascal, devenant conforme au Christ dans la mort, fortifié par l’espérance, le chrétien va au-devant de la résurrection. Et cela ne vaut pas seulement pour ceux qui croient au Christ, mais bien pour tous les hommes de bonne volonté, dans le cœur desquels, invisiblement, agit la grâce». (GS 22/5). La mort et la résurrection forment un bloc complet et inéparable dans l’œuvre d’amour du Père, du fils et de l’Esprit. Ce sont deux aspects de l’unique événement porteur de salut, ou les composantes d’une unique mystère. Saint Augustin dit: «De même que nous jetons la semence dans sa mort, nous germons dans sa résurrection. En se livrant à la mort, le Christ guérit le mal; dans sa résurrection, Il restaure la justice».
Ces considérations spirituelles inspirées par la fête de Pâques que nous célébrons en ce jour, ne peut les comprendre qu’un homme dont le cœur est rempli de foi. Quoiqu’on dise, la France, pour les Libanais, est la fille aînée de l’Eglise. Elle est le pays qui a donné de très grands Saints, des fondateurs et des fondatrices de Congrégations qui se sont illustrés dans le domaine de l’éducation, de la charité, et de la mission menée au-delà des frontières de leur pays. C’est la France de Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, dont on célèbre, cette année, le premier centenaire de sa mort. Je suis sûr, que ces propos sur la Résurrection du Seigneur, trouvent chez vous des cœurs attentifs, ce qui me permet de vous souhaiter une joyeuse fête de Pâques, porteuse des fruits de concorde, de paix et de Sainteté».

La déclaration de
Lafon à la presse

Après la messe, l’ambassadeur de France et le personnel de l’ambassade ont été invités à déjeuner à Bkerké par le patriarche maronite. Avant de s’y rendre, M. Lafon s’est prêté aux questions des journalistes, déclarant à cette occasion:
«Comme chaque année, je viens le lundi de Pâques à la Messe pour la France. Dans son sermon, le patriarche a effectivement dit que, pour les Libanais, «la France est la fille aînée de l’Eglise». Vous savez qu’il y a une relation tout à fait spéciale entre la France et le Liban. La France est venue ici, au départ, à la suite du traité entre le Sultan Ottoman et le roi de France. Elle est venue à travers ses missions, ses docteurs, partir du 16e siècle. (...) Aujourd’hui, la France est une nation laïque, et l’ambassadeur de France a néanmoins une mission tout à fait spéciale vis-à-vis du Liban. La France est attachée au Liban comme terre de convivialité unique, non seulement dans la région, mais dans le monde, entre toutes les confessions et toutes les communautés. Et la France est très attachée à ce que ceci dure, car c’est un exemple unique dans le monde de fraternité. D’autant plus unique qu’il y a eu ici 17 ans de guerre, et qu’on a vu avec quelle vitesse les Libanais se réconciliaient. Et la France est aussi attachée à ce que, dans une situation régionale qui peut être difficile, puisque nous ne sommes pas à la veille de la paix, le Liban soit protégé, ce processus de réconciliation, cette situation de convivialité, cette reconstruction soient protégés. Il y a un an, le président de la République française était ici au Liban, et il y a un peu plus d’un an, il y avait une offensive israélienne contre le Liban. Dans ce moment-là, la France avec toute sa force, et par la voix du président de la République, a veillé à ce que le Liban ne soit pas une nouvelle fois, victime, à ce que devant une menace venant de l’extérieur, le Liban ne soit pas déstabilisé, et que ce processus de reconstruction et de convivialité continue. Eh bien, je crois que c’est cela la mission de la France vis-à-vis du Liban: protéger le Liban dans une situation régionale difficile, être aux côtés du Liban, à une condition: c’est que les Libanais restent unis entre eux. Si les Libanais restent unis entre eux, alors la France sera toujours à leurs côtés, et même dans une situation difficile sur le plan régional, je suis plein d’optimisme et plein d’espoir pour le Liban».
Q’est-ce que la France envisage pour relancer le processus de paix?
«Bien sûr qu’on travaille pour la relance du processus de paix. encore faut-il qu’il y ait un minimum de conditions qui soient remplies. On ne peut pas travailler sur une relance du processus de paix, si un certain nombre d’actes vont directement à l’encontre de la paix».
La visite du pape au Liban est-elle le signe de la fin de la crise au Moyen-Orient?
«La France se félicite, d’abord, de la visite du pape au Liban. C’est un signe aussi que le Saint-Père fait un voyage pour le Liban, uniquement au Liban, et c’est un signe que certainement le Saint-Père, comme la France, considère que le Liban est cette terre unique de convivialité, où se retrouvent des gens de communautés, de confessions différentes, mais qui vivent entre eux, qui bâtissent entre eux un Etat, et ça, c’est un fait unique. Et je suis sûr que le Saint-Père a voulu, par sa venue au Liban le 10 et le 11 mai prochains, exprimer son espoir, son optimisme pour le Liban, mais aussi dire que le Liban représente plus que ce petit territoire, que sa population de trois millions et demie, quatre millions d’habitants. comme le Saint-Père l’a déjà exprimé, le Liban c’est un message de convivialité. Avant le Liban, le Saint-Père se rend à Sarajevo. Il verra combien ici à Beyrouth les gens se sont retrouvés après ces années de tragédie, et combien le Liban devrait être un exemple pour d’autres pays et notamment pour les territoires de l’ancienne Yougoslavie», a conclu M. Lafon.

L’allocution de Sfeir

De son côté, le patriarche Sfeir a prononcé l’allocution suivante lors du déjeuner organisé en l’honneur de l’ambassadeur de France:
«Monsieur l’ambassadeur,
Cette Messe consulaire qui remonte loin dans les traditions aussi bien du patriarcat que de l’ambassadeur de France est une occasion pour votre Excellence, ainsi que pour vos collaborateurs de partager avec nous le pain et le sel, comme on dit chez nous. C’est une expression qui en dit long sur l’amitié, simple, parce que profonde et capable de surmonter les difficultés et de résister à l’usure du temps.
Les personnes changent, les patriarches disparaissent, d’autres leur succèdent avec plus ou mois de bonheur. Les ambassadeurs sont mutés. Ils vont sous d’autres cieux servir leur pays. Et je crois savoir que c’est le cas de votre Excellence, monsieur l’ambassadeur. Sans être indiscret, j’ai cru savoir aussi que vous êtes appelé à assumer de plus hautes responsabilités. Cela nous réjouit naturellement, et nous fait de la peine à la fois: joie de voir vos qualités de cœur et d’esprit appréciées, et regret de vous voir quitter la scène diplomatique au Liban, ou pour mieux dire l’arène politique libanaise. Vous en comprenez la raison. Tout départ laisse un regret, surtout quand il s’agit d’un ami. Mais malgré le regret que nous éprouvons, on ne peut que vous souhaiter tout le succès, où que vous soyez.
Votre passage, parmi nous, a été marqué par d’heureux événements: deux visites au Liban de son excellence monsieur Jacques Chirac, président de la République française, en moins d’un an, la venue dans notre pays de plusieurs ministres et hauts responsables français, échange de visites entre officiels de nos deux pays. Vous avez même eu la délicatesse de m’introduire auprès des hautes autorités de votre pays, lors de ma dernière visite en France, sans compter le lancement de plusieurs projets contribuant à la reconstruction du Liban. C’est un bilan plus que positif. Pour tout cela, vous avez droit à notre reconnaissance.
Bien plus, vous avez partagé avec nous soucis et préoccupations, déboires et espoirs, jours fastes et jours néfastes. Vous avez parcouru le Liban, du nord au sud, du littoral aux cimes neigeuses de nos montagnes. Vous avez été au fond de la vallée Sainte, la Kadicha, ce qui vous a permis de pénétrer l’âme libanaise, et de comprendre pourquoi les Libanais, et particulièrement les maronites, sont épris de liberté, jaloux de leur souveraineté et attachés éperdument à leur indépendance. Ils sont une plante qui ne peut vivre que dans le grand air. Menacés d’en être privés, ils prennent le large, ou l’avion. C’est pourquoi, ils essaiment un peu partout dans le monde.
En vous souhaitant, ainsi qu’à vos chers collaborateurs, de joyeuses Pâques, je réitère l’expression de mes remerciements pour tout ce que vous avez fait pour resserrer encore davantage les liens d’amitié multiséculaire qui unissent nos deux pays, priant dieu de vous bénir, monsieur l’ambassadeur, avec les chers vôtres, vos collaborateurs, et de bénir la France et le Liban».
Le patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Sfeir, a célébré hier matin la messe traditionnelle à l’intention de la France. Ont notamment assisté à l’office divin: l’ambassadeur de France, M. Jean-Pierre Lafon, le premier conseiller, M. Gilles Gauthier, et le chef du protocole de la chancellerie, M. François Abisaab accompagné de son épouse, ainsi que le personnel...