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Actualités - REPORTAGE

"Nous voulons acheter des produits libanais et produire au Liban" affirme la délégation économique qui a accompagné le premier ministre italien (photos)

Les Italiens sont prêts à «délocaliser» au Liban. C’est là une particularité par rapport aux politiques des autres pays européens suivies à ce jour dans le pays. Les investissements productifs en question — donc dans le cadre de la «délocalisation» bénéfique pour l’économie nationale, en raison de la création d’emplois qu’elle entraîne — peuvent se faire, soit dans le cadre de sociétés mixtes avec des partenaires libanais soit être italiens à 100%. La première alternative est plus privilégiée par le gouvernement de Rome pour différentes raisons et notamment en fonction de la connaissance qu’ont les Libanais des marchés de la région et de leur introduction sur ces marchés.
Aussi, les sociétés italiennes figurent en tête des sociétés intéressées à faire des opérations BOT — Build Operate and Transfer — dans le pays et se sont informées pour la plupart des projets BOT en préparation.
Notons d’emblée dans ce sens qu’en ce qui concerne la SACE — l’institut italien de garantie des crédits à l’exportation — la décision politique a déjà été prise d’accorder une couverture sans plafond et au cas par cas pour les grandes opérations. Egalement une couverture au cas par cas pour les petites opérations avec un plafond de couverture globale. Cela d’autant plus que l’on est tout à fait conscient que le Liban a toujours honoré ses dettes. Par ailleurs, quant à «l’accord bilatéral sur la promotion et la protection des investissements», les premiers paraphes devraient y être apposés lors d’une cérémonie qui se déroulera le 24 ou le 25 du mois en cours, au ministère libanais des Finances.

L’Italie consommera
libanais

Toutes ces questions, et bien d’autres, ont été soulignées tant par la délégation économique italienne que par la communauté économique libanaise au cours des entretiens de la journée d’hier.
L’étape libanaise, d’un jour, de la délégation italienne, qui arrivait d’une visite de deux jours en Syrie, n’a démarré, dans son volet économique, qu’à 11 heures 30, par une rencontre à la Chambre de commerce et d’industrie de Beyrouth, la C.C.I.B.
«L’un des objectifs de notre visite au Liban est d’examiner les possibilités d’acheter des produits libanais pour équilibrer la balance commerciale entre nos deux pays». C’est ainsi que s’est exprimé M. Fraxico Tempesta, ministre plénipotentiaire responsable, auprès du ministère des Affaires étrangères, du conseil pour le support aux entreprises à l’étranger, face à un auditoire composé des présidents et représentants des organismes et secteurs économiques dans le pays. En effet, le large déséquilibre commercial entre les deux pays devait être souligné par le président de la C.C.I.B. M. Adnan Kassar. Il a ainsi rappelé que les exportations italiennes vers le Liban ont totalisé près de 915 millions de dollars en 1996 (près d’un huitième de tout ce que nous importons).
En revanche les exportations libanaises vers l’Italie n’atteignent que 39 millions de dollars pour 1996. Même si ce chiffre montre que nos exportations vers l’Italie ont en fait triplé, il «reste un long chemin à faire dans ce sens», a noté M. Kassar. Ce dernier devait, dans son allocution, souligner la «gratitude» des Libanais quant au support accordé par les Italiens et cela au cours des 18 années de guerre. M. Kassar devait rappeler que dès le retour de la paix au Liban, «le gouvernement italien a été le premier à croire à la reconstruction et à la refonte du Liban et lui a immédiatement accordé la première ligne de crédits de 500 millions de dollars».
M. Kassar devait ensuite procéder à un exposé «chiffré» sur la situation économique du pays en soulignant surtout les atouts de son économie libérale et le cadre favorable à l’investissement dont jouit le Liban.
Ce fut ensuite à M. Fulvio Rustico, conseiller commercial et chargé des Affaires commerciales et économiques à l’ambassade d’Italie au Liban, de prendre la parole. Il a ainsi rappelé que la visite à Beyrouth du premier ministre italien M. Romano Prodi (qui était pendant ce temps avec d’autres membres de la délégation chez le premier ministre libanais M. Rafic Hariri) fait suite à la visite officielle «très réussie», entreprise par M. Hariri à Rome, il y a quelques semaines. «Le Liban occupe une place très spéciale dans la politique méditerranéenne de l’Italie«, a dit M. Rustico. Il a poursuivi: «notre pays a toujours fait confiance à la capacité du Liban à renaître après la guerre civile et à réussir à maintenir sa place traditionnelle essentielle dans la région comme plaque tournante ou pont entre l’Europe et le Moyen-Orient».
M. Rustico devait aussi relever une «mentalité similaire» des deux peuples et une «manière de vivre» qui «nous fait convaincre de notre devoir de développer encore plus les relations bilatérales dans l’intérêt des deux pays».
Rappelant que depuis les années 70, l’Italie est le «premier partenaire commercial du Liban», M. Rustico a annoncé qu’un «très important programme de coopération, à l’effet de contribuer à la reconstruction du Liban, est actuellement en phase finale de discussion et sera opérationnel dans les prochaines semaines. Ce programme accordera des crédits avec facilités, concentrés sur des projets d’infrastructure».
Aussi et en vertu d’un accord bilatéral dans le domaine de la santé, signé récemment et portant sur des dons d’un montant d’environ 7 millions de dollars, une première tranche de fournitures devrait commencer à arriver au Liban fin mars, a encore noté M. Rustico.
Il devait conclure par ces propos: «je crois qu’après ce tour de table (informant notamment sur le cadre d’investissement au Liban), les membres de cette délégation, deviendront les meilleurs ambassadeurs du Liban en Italie».
De son côté, M. Tempesta devait mettre en exergue les possibilités d’échange entre le Liban et l’Italie et l’intérêt à les développer. «Nous ne venons pas seulement vendre nos produits aux Libanais», a-t-il précisé.
«Nous venons aussi investir au Liban et acheter vos produits» (un discours accueilli par des applaudissements enthousiastes d’autant plus qu’il n’est pas courant de la part des délégations qui se succèdent au Liban depuis l’enclenchement du processus de reconstruction).
Ce même son de cloche devait être repris par M. Fabrizio Omida, président de l’ICE — Rome (l’Institut italien pour le commerce extérieur — l’Agence gouvernementale pour la promotion du commerce et de l’investissement). M. Omida devait, rappelant l’expérience italienne des «petites et moyennes entreprises et industries — PME-PMI», exprimer l’intérêt italien à trouver «les partenaires appropriés dans des domaines comme la technologie et les télécommunications, cela dans le cadre de la délocalisation».
Soulignant les aptitudes libanaises par rapport à la région, M. Omida devait insister sur l’approche italienne qui privilégie des contacts informels, personnels et non bureaucratiques à l’effet de promouvoir investissements et partenariats.

Le secteur privé
libanais doit
saisir la balle

Dans un entretien accordé à «L’Orient-Le Jour», M. Tempesta devait expliquer que le «conseil pour le support aux entreprises à l’étranger», créé au ministère des Affaires étrangères et dont il a la charge, est une initiative récente (à partir de 1996) qui a pour but de faire accompagner toutes les occasions de contacts politiques avec des Etats donnés, d’une action de promotion économique.
Dans quels domaines et conditions la «délocalisation» au Liban est-elle encouragée?
Dès l’année 1990 — Chute du communisme —, explique M. Tempesta, le Parlement italien a approuvé une loi pour le financement des sociétés mixtes à l’étranger. Pendant les deux premières années, cette loi a notamment produit ses effets dans les pays d’Europe de l’Est. Mais à partir de la troisième année, le gouvernement italien a décidé de la rendre opérationnelle pour tous les pays. En vertu de cette loi, l’organisme bancaire SIMEST offre, aux Italiens qui veulent constituer des sociétés à l’étranger, des garanties (couvrant jusqu’à 60% du capital de la société) et des taux d’intérêts bien plus favorables que les banques. Il est à noter que selon les statistiques SIMEST a garanti, à ce jour, plus de 200 projets dans les pays d’Europe de l’Est.
«Nous sommes intéressés par des délocalisations au Liban parce que le Libanais est à même de nous ouvrir les marchés régionaux», affirme M. Tempesta. Mais attention si le Liban est théoriquement privilégié, il appartiendra au secteur privé et aux investisseurs libanais de savoir en tirer profit et d’orienter leurs partenaires italiens vers des domaines et secteurs bien identifiés, et à haute valeur ajoutée.
A la question de savoir quels sont les produits libanais que les Italiens comptent précisément acheter des Libanais, M. Tempesta répond: «Il s’agit là, bien entendu, d’une orientation générale du gouvernement italien même s’il n’y a pas de moyens officiels de l’encourager. En fait nous pouvons vous acheter de tout. Il faudra dans ce sens compter sur l’imagination du Libanais et sa politique de commercialisation en direction de nos marchés».
Répondant à une question sur leurs entretiens en Syrie, M. Tempesta, notant au passage que l’Italie est également le premier fournisseur de ce pays, a relevé que l’on était arrivé à une étape préliminaire vers le règlement du problème de la SACE (suspendue en raison de la dette syrienne à l’égard de l’Italie). Plusieurs domaines intéresseraient les sociétés italiennes dans ce pays, notamment la téléphonie mobile, le pétrole, les centrales à gaz et thermoélectriques et autres...
Il est à noter que des réunions sectorielles devaient se tenir à la C.C.I.B. avant le déjeuner offert à toute la délégation italienne chez M. Rafic Hariri à Koraytem. Ensuite toute la délégation M. Prodi en tête, exceptés les représentants des quatre plus grandes banques italiennes, devaient se rendre à Solidere où une présentation sur maquette lui a été fournie par M. Maher Beydoun, vice-président de la société. Cela a été suivi d’une tournée dans le centre-ville.
De leur côté, les représentants des banques italiennes (les banques: «Commerciale italienne», «Banca di Roma» «Nationale Del Lavoro», Credito italiano) accompagnés de M. Rustico, devaient rencontrer le gouverneur de la Banque centrale M. Riad Salameh. Celui-ci les a notamment renseignés sur l’évolution monétaire du secteur bancaire dans le pays ainsi que sur les réglementations mises en place à l’effet de développer les marchés de capitaux au Liban.
La délégation devait clôturer les entretiens de la journée par une visite au CDR et à l’IDAL où elle s’est informée surtout du projet de développement des zones franches.
Il convient de noter pour conclure que la délégation italienne a réuni les représentants de très grandes sociétés dont par exemple l’ACEA, l’organisme qui gère l’eau et l’électricité de Rome (4 millions d’habitants), l’ENEL, le producteur d’électricité du pays, l’ENI, le premier groupe pétrolier italien.

Nayla ABI KARAM
Les Italiens sont prêts à «délocaliser» au Liban. C’est là une particularité par rapport aux politiques des autres pays européens suivies à ce jour dans le pays. Les investissements productifs en question — donc dans le cadre de la «délocalisation» bénéfique pour l’économie nationale, en raison de la création d’emplois qu’elle entraîne — peuvent se faire,...