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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Conférence du baron Lemaire "Authenticité et patrimoine monumental" (photo)

Dans sa troisième et dernière conférence donnée au siège de l’Ordre des ingénieurs et architectes, le baron Raymond Lemaire s’est arrêté sur le problème de l’«authenticité»; cette notion clé qui est au cœur même de la conservation du patrimoine culturel en général et du patrimoine monumental en particulier.
Pour le conférencier, il s’agit d’une relation de vérité et de sincérité entre un message et le «porteur» de ce message. «Il est essentiel que le «transporteur» n’ait pas altéré le message entre le moment où il l’a reçu et celui où il le transmet». Cette notion de vérité est essentielle dans de nombreux champs de l’activité humaine mais plus particulièrement dans le domaine de la culture.
En matière de création artistique, l’authenticité prend, selon le baron Lemaire, des aspects différents:
* En littérature. il nous suffit d’avoir une édition correcte d’une œuvre pour que nous y trouvions le message complet.
* En musique. C’est également grâce à l’écrit, qui se transforme en signes acoustiques, que nous connaissons les œuvres de Bach, Beethoven... Cependant, en transformant le message écrit, le pianiste y ajoute une part de sensibilité et d’inspiration personnelles. C’est d’ailleurs pour cela que l’on dit: «Interprété par». Toutefois, on pourrait se demander si Mozart jouait ses propres œuvres chaque fois de la même manière. Y aurait-il donc autant d’authenticité que d’interprétations correctes selon la partition?
* Dans le domaine des arts plastiques, dont les expressions se situent «dans l’espace», le message est transmis par les formes. Celles-ci sont qualifiées d’«uniques»; car l’absence d’une seule d’entre elles, modifie le message. N’est vraiment authentique, donc, que le monument, le tableau, la sculpture qui sont restés en l’état voulu par le créateur.
Existant dans l’espace, ces œuvres d’art se situent aussi dans le temps. «Or, du fait de l’homme ou de la nature, le temps est souvent le grand destructeur... Par conséquent, l’altération ou la modification du message est quasi inévitable», fait observer le baron, qui évoque l’illustration exemplaire du «Laocoon» du Musée du Vatican.
Le message de l’œuvre antique était différent de celui que lui donna Michel-Ange. La tentative de réintégrer à la statue les morceaux originaux retrouvés récemment offrent, aujourd’hui, une troisième mouture du chef-d’œuvre antique. Au départ d’un important support matériel aux neuf dixièmes communs, trois œuvres d’art authentiques ont vu le jour. Où se situe alors l’«authenticité»? Nous trouvons-nous face à des authenticités successives, évolutives? S’il en est ainsi, une question cruciale se pose: quelle est la valeur relative de «ces» authenticités par rapport au message initial et fondamental de l’œuvre? Peut-on établir une hiérarchie entre elles? Dans l’affirmative, par rapport à quoi cela se ferait-il? Selon quels critères, quels principes?
En fait, deux valeurs d’authenticité priment ce débat: celle de l’objet en cause d’une part, et celle de sa source de connaissance historique.
«Aujourd’hui, nous avons pris conscience que les valeurs qui sous-tendent le concept d’authenticité et l’intérêt que l’on accorde à l’œuvre d’art diffèrent d’une culture à une autre», dit le conférencier en donnant deux exemples d’actualité: les temples du sanctuaire impérial de Ise au Japon et le Parthénon à Athènes.
Fondés au VIIIe siècle, les 120 temples de l’immense sanctuaire japonais sont, depuis lors, reconstruits à l’identique tous les 20 ans.
Deux sites de construction, situés côte à côte, reçoivent tour à tour l’édifice neuf; le précédent servant de modèle à l’ancien.
A Athènes, pour la sauvegarde du Parthénon, il est fait appel à toutes les sciences et techniques disponibles aujourd’hui pour consolider jusqu’au dernier moignon de pierre provenant de l’édifice.
Des recherches considérables sont déployées afin d’identifier et de relocaliser, dans le monument, des pierres vagabondes que l’on soupçonne avoir appartenu au sanctuaire.
Y a-t-il quelque chose de commun entre ces deux conceptions de la sauvegarde du patrimoine monumental? «L’une se désintéresse totalement des matériaux et ne se préoccupe que de la survivance de la forme exacte. L’autre «sanctifie» le matériau, devenu relique, même dépouillé du souvenir de sa forme originale», explique le baron Lemaire avant de tirer cette conclusion: «Il n’y a pas de conception unique, ni unanime, ni stable en ce qui concerne l’authenticité ou d’autres valeurs du «monument», quelle que soit sa nature. Il s’agit d’une notion essentiellement liée à une culture et elle subit tous les «aléas» des disparités et de l’évolution de celles-ci», dit-il.
Le problème de l’authenticité formelle, aussi bien qu’historique, est intimement lié à celui de la conservation des matériaux originaux de l’œuvre d’art. Si la sauvegarde de ces authenticités est relativement aisée à assurer pour des peintures et des sculptures, en architecture, la création matérielle de l’œuvre (surtout lorsque celle-ci comporte un décor abondant) est réalisée par de multiples intervenants qui y impriment leur sceau. Ils ajoutent ainsi l’authenticité de leur message à celui du créateur principal. Avec le temps, chacune d’entre elles évoluera selon ses propres lois et circonstances.
Sur le problème épineux de l’altération et la conservation de la pierre qui entraîne, dans son anéantissement, la pensée créatrice de l’artiste qui lui aura donné forme, le baron Lemaire énumère trois solutions, radicalement différentes, et dont aucune ne fait l’unanimité: le maintien en place des pierres épaufrées et leur consolidation; leur remplacement par une reconstitution de l’original; le remplacement par une œuvre portant le sceau de la modernité.
Et le baron Lemaire de conclure: «Cette vaste réflexion sur le thème de l’authenticité permettra, j’espère, de clarifier bientôt une notion communément utilisée, mais marquée par une ambiguïté qui ne peut être que défavorable à une bonne politique de sauvegarde».
Dans sa troisième et dernière conférence donnée au siège de l’Ordre des ingénieurs et architectes, le baron Raymond Lemaire s’est arrêté sur le problème de l’«authenticité»; cette notion clé qui est au cœur même de la conservation du patrimoine culturel en général et du patrimoine monumental en particulier.Pour le conférencier, il s’agit d’une relation de...