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Actualités - REPORTAGE

Réactions mitigées de la population Solidarité, mais refus des récupérations politiques (photos)

Des banderoles jaunes mouillées, pendant en travers des grandes artères de la capitale, et des ballons, jaunes aussi, volant un peu partout, attirant l’attention des enfants... Cette année, la commémoration de la première invasion israélienne du Sud en 1978 ne semble pas provoquer un véritable élan de mobilisation populaire. La solidarité avec les habitants du Sud et de la Békaa-Ouest occupés ne serait-elle donc qu’un souvenir? «Certes pas, clament d’une seule voix les jeunes interrogés. Nous sommes tous de cœur avec nos compatriotes pliant sous le poids de l’occupation. Mais c’est la récupération par les responsables d’un événement aussi douloureux qui nous refroidit».
Jeunes et moins jeunes ne se sentent apparemment pas vraiment concernés cette année par les discours politiques prononcés à cette occasion qui, à leurs yeux, se limitent à des surenchères. Mais lorsqu’il s’agit de signer les deux immenses bandes de tissus, accrochées l’une à la place Sassine et l’autre à la place Habib Abou Chahla, ils se précipitent pour le faire, ayant ainsi le sentiment d’exprimer réellement une opinion. Et, en fin de journée, le tissu de la place Sassine (Achrafieh) était plein d’un gribouillage de noms, parfois confus et parfois clairement et, dirait-on, fièrement inscrits.
Par contre, cette année, beaucoup moins de personnes ou de voitures arborent le fameux ruban jaune, symbole de cette solidarité. Il faut surtout se rendre dans la banlieue-sud, et notamment à Chyah et Ghobeyri, pour en apercevoir en grande quantité, flanqués comme des fanions sur des voitures souvent cabossées et ayant branché le son de leurs radios à son maximum. du côté de Hamra, dans ce quartier qui demeure le bastion de ce qu’on appelait «les intellectuels de gauche», les rubans jaunes sont accrochés sur les costumes ou les pull-overs. Pour tous ces gens, il ne s’agit nullement d’exécuter les directives de tel ou tel autre responsable, mais plutôt d’affirmer un engagement. «Cela ne fait rien si, une fois par an, nous nous rappelons les malheurs du Sud occupé», déclare un poète qui se veut engagé.
Mais la grande animation reste du côté des universités, surtout celles sises dans les quartiers ouest de la capitale. A la faculté de droit de l’U.L., un important meeting oratoire est organisé. De nombreux étudiants y assistent, applaudissant fort les discours, alors que des dizaines de ballons jaunes emplissent le ciel du campus. Même phénomène à l’AUB, où les jeunes scandent à la fin de chaque discours des slogans appelant à la libération du Sud. Ici, les jeunes sont visiblement mobilisés. Non pas tant en faveur de tel ou tel autre courant, mais pour une cause que tous estiment juste et noble, celle de la libération de la portion de territoire occupé. A l’USJ, la mobilisation est moindre, surtout parce que les jeunes sont convaincus que ce genre de manifestation n’est plus très efficace. «Il faut une action concrète, déclare un jeune étudiant en sciences politiques. Cela ne sert plus à rien de s’entendre parler et de prononcer des discours flamboyants alors qu’aucun responsable n’arrive à s’entendre avec les autres. Ce n’est pas ainsi que le Sud sera libéré...».

Barrages et
collecte de fonds

C’est aussi un peu ce que pensent les membres de la résistance dite islamique, qui, pour éviter toute récupération de leur mouvement par des rivaux politiques ou religieux, ont installé dans les grandes artères des quartiers ouest de la capitale des barrages tenus par des enfants en treillis militaires pour des collectes de fonds. Rivalité oblige, d’autres factions installent des barrages dans d’autres quartiers, distribuant au passant des drapeaux ou des insignes jaunes portant la mention «résolution 425». Pendant ce temps, des voitures munies de haut- parleurs sillonnent les rues des divers quartiers, diffusant des champs religieux ou les noms des victimes des agressions israéliennes ou encore les noms des villages occupés par l’armée de l’Etat hébreu. Bref, la mobilisation se veut tous azimuts, mais le peuple n’y répond pas toujours avec enthousiasme en raison justement de cette compétition évidente entre les divers courants politiques, chacun cherchant à s’approprier le monopole de la résistance...
Toutefois, le moment le plus émouvant de la journée est certainement celui où les cloches des églises ont sonné à toute volée en guise de solidarité avec le Liban-Sud et la Békaa-Ouest occupés.
A midi pile, répondant à l’appel des organisateurs du programme de manifestations prévu pour cette journée spéciale, les stations de radio ont arrêté de diffuser des chansons, alors que les cloches des églises, notamment dans les secteurs de Furn el-Chebback, de Badaro et du Musée, ont fait entendre leurs carillons. Même en cette période de marasme et de désenchantement politiques, l’occupation israélienne est encore en mesure d’unifier la plupart des Libanais, toutes confessions et toutes tendances confondues. Dommage seulement que ce formidable potentiel de solidarité soit si mal utilisé par des politiciens qui, chaque jour, perdent un peu plus de leur crédibilité aux yeux des citoyens. Et, comme le dit un jeune étudiant de l’USJ: «Solidarité avec le Sud, bien sûr, mais certainement pas avec les responsables».
Rappelons enfin que des manifestations de solidarité, meetings oratoires, expositions de photos sur le Sud et activités diverses se sont déroulés dans la journée d’hier, dans toutes les régions libanaises, alors qu’à midi pile, les administrations publiques et les écoles ont arrêté leurs activités pendant 5 minutes, et que de nombreux avocats ont effectué des sit-in dans plusieurs palais de justice régionaux. Enfin, à Baalbeck, des partisans du Hezbollah ont brûlé des drapeaux israéliens pour condamner les agressions de l’Etat hébreu.

Scarlett HADDAD
Des banderoles jaunes mouillées, pendant en travers des grandes artères de la capitale, et des ballons, jaunes aussi, volant un peu partout, attirant l’attention des enfants... Cette année, la commémoration de la première invasion israélienne du Sud en 1978 ne semble pas provoquer un véritable élan de mobilisation populaire. La solidarité avec les habitants du Sud et de la...